Extraits du carnet de voyage dans les îles Fortunées, effectué dans les deux premières semaines d'octobre . 1er jour : 3 cols dans les lauriers géants. ... La chaleur est déjà sensible lorsque nous quittons LA LAGUNA par les quartiers chics. Les cultures maraîchères s'étalent sur ce plateau et contredisent les clichés touristiques de Tenerife, île aride et volcanique. Très vite la route s'élève et, après le col urbain de Las Canteras, entre dans la grande forêt de las Mercedes. De magnifiques hêtres, des lauriers géants, des fougères arborescentes maintiennent une relative fraîcheur sur cette belle route qui grimpe jusqu'à Alto del Roquilo. Quelques trouées nous laissent apercevoir le Teide que nous côtoierons les jours prochains. La route des crêtes qui nous conduit à El Bailadero offre des vues grandioses et vertigineuses. Les à-pics sont impressionnants. Soudain des nuages venus de la mer emplissent l'espace, mouillent la végétation qui exhale un fort parfum très méditerranéen. L'auberge, au col, nous offre un repas typique canarien : potaje, rancho canario, papas arrugadas et vino tinte... 3ème jour : et la sécurité ??? ... Après avoir sacrifié à la visite du dragonnier millénaire et aux papillons exotiques à Icod de Los Vinos, une route de moins en moins touristique (TF 142) nous mène dans une bourgade de pêcheurs : Buenavista del Norte. Sur la carte (Michelin 449), 6 cols sont identifiés et la lecture du dépliant touristique nous propose des hôtels à Santiago del Teide. Il est 15 heures et le temps est magnifique. L'attaque est raide, presque brutale après les derniers kilomètres du bord de mer. A El Palmar j'aperçois à droite, loin, dur et hostile, l'Alto Cande. Les lourds camions qui progressent lentement sur un chemin que je devine escarpé me font penser à la dernière descente du salaire de la peur !!! Je consulte du regard Lulu ; la décision est rapide : nous le réservons pour une autre escapade. La montée se poursuit sur une route entièrement en travaux. Le moral et le soleil sont encore au beau fixe. Trois cols se succèdent rapidement. Mais après chaque col il faut redescendre. Il fait chaud. Le vélo semble lourd. Masca est niché en contrebas, dans un paysage saisissant, accueillant, reposant, précise le guide. "... après une grande descente en lacets, vous arrivez à Santiago del Teide". OUF !!!. Nous plongeons avec plaisir sur Masca. Ce qu'il ne dit pas, ce guide, c'est qu'à la sortie du village se trouve une GRANDE MONTEE. Ce que je n ai pas remarqué sur la carte c'est que Degollada de Cherfe est à 1057 mètres et que Masca est à environ 600 mètres. Le soleil décline, notre moral l'accompagne. La Madeleine, Le Stelvio, Le Rambo sont des nains aujourd'hui. La route qui monte là-haut est la seule issue. Les sacoches prennent rapidement du poids. Je dois pousser, je marche....nous marchons, donc nous progressons. C'est dur. La nuit s'installe lorsque les cloches de l'église de Santiago carillonnent à notre arrivée. La fatigue me fait croire que c'est pour nous, en fait c'est la fin de l'office du soir. Nous profitons du petit monde présent pour demander un hôtel por favor. Silence. Etonnement. Consternation. A 15 kilomètres plus bas, au bord de la mer, peut-être un gîte. Il fait nuit. Je n'ai pas pris les lumières. Je suis honteux mais il faut continuer. Les sacoches ont des bandes réfléchissantes, les blousons aussi. Dans un virage, un restaurant. Lulu va aux renseignements. Miracle, à 7 kilomètres, dans un palace flambant neuf, il reste un appartement disponible. Il fait nuit noire. Les voitures nous éclairent courtoisement pendant quelques centaines de mètres. La descente est longue. Un embranchement à droite, une rue en chantier, des lumières a giorno. Nous y sommes. Marbre poli, glaces étincelantes, éclairage soigné, réceptionniste galonné et bagagiste interloqué. Nous étions annoncés, tout est prêt. Le Royal Sun à Los Gigantes est exactement le gîte que nous n'avions pas osé imaginer ... |
5ème jour : la carretera dorsal. ... Au réveil, nous apercevons par la fenêtre de la chambre, El Teide éclairé magnifiquement par un soleil généreux. Nous sommes au Parador situé dans le parc national à plus de 2000 mètres. Le spectacle est grandiose. Le petit-déjeuner est grand, complet et reconstituant. A la sortie, sur la route C 821, le vent de face est violent. Le téléphérique qui monte au Teide ne fonctionne pas, trop de vent. La route est tracée dans des champs de lave. Le paysage est lunaire, les couleurs étonnantes. La violence des éruptions a marqué les flancs de la montagne. Les différentes coulées pétrifiées sont très visibles. Avant El Portillo, nous visitons le centre consacré au volcan. Superbe. La route bifurque à droite vers l'observatoire météorologique. Le vent se calme, le soleil brille et, dans les plaines à droite et à gauche, les nuages se stabilisent à 1500 mètres. Nous avons franchi 7 cols à plus de 2000 mètres lorsque nous amorçons la descente sur Santa Cruz de Tenerife. Les sables colorés adoucissent le paysage de lave. Nous entrons dans une belle forêt de pins et dans les nuages, un peu plus bas, les eucalyptus humides dégagent leur subtile senteur. Il est 15 heures et nous avons faim. A la hauteur de Las Raices, une auberge est ouverte. Le feu de bois dans la cheminée chasse l'humidité. Chuletas de cerdo, papas y cerveza. Royal ! La dénivellation est très forte et après Alto del Rosario j'enregistre 70 km/h et survient la crevaison dans la seconde qui suit. Coup de chaleur d'autant plus que nous sommes à 350 mètres et que le thermomètre marque 28°. Alto de Taco nous ouvre la voie vers Santa Cruz. Il est 18 heures : 72 kilomètres, 15 cols. Nous n'oublions pas d'écrire une carte postale aux amis "centcolistes" et notamment à notre ami Constant Van Waterschoot qui habite un pays si plat qu'il rêve toujours de cols... et que nous n'arrivons pas à rattraper car il pratique avec méthode et enthousiasme les plus riches massifs montagneux... 8ème jour : trop c'est trop. ... La sortie de Las Palmas de Gran Canaria est trop dangereuse. La bande d'arrêt d'urgence de la voie rapide sert de piste cyclable aux nombreux coureurs. Nous faisons route avec mais nous ne sommes pas rassurés. Trop de pollution aussi. Le paysage est moins avenant qu'à Tenerife. La sécheresse est visible, la végétation est faible, seuls les cactus prolifèrent; la chaleur est trop forte. La route au-dessus de Valsequillo devient plus agréable mais les descentes succèdent trop rapidement aux montées qui sont trop raides !!! Trop de monde aussi à Cruz de Tejeda où les petits marchands et les ânes envahissent le col. Il est plus de 14 heures quand nous dégustons la spécialité de la Mesa de Léon : épaule de cabrito asado y patatas fritas. Muy bueno. Sur la petite route forestière, en quittant Cruz de Tejeda, Lulu coupe une feuille de cactus (agave) pour s'en appliquer le lait frais sur le visage, un soit-disant produit de beauté au dire des marchands du col. A peine franchi Degollada des las Palomas un groupe de jeunes gens nous interpelle énergiquement : Para aqui sénor. Leur gros pick-up est en panne... Une durite est fendue et ils nous demandent de les dépanner car ils pensent (bien !) que nous possédons des rustines et de la dissolution. Je sors le matériel et répare l'objet. Muchas gracias y buen viaje. Trop c'est trop ! Il nous reste à franchir Montanon negro et Montana del Capitan, deux cols agréables où le paysage est presque verdoyant... Mañana nous nous consacrerons aux plaisirs des plages de sable fin et chaud... Lulu et Renaud MASSE N°3452 et 3453 de PLOBSHEIM (Bas-Rhin) |