THONON - ANTIBES
" Par les Préalpes "

(984 km - 47 cols - 17962 m de dénivelé)

 
Par Jean-Marc LEFÈVRE

 

PRÉAMBULE

Fort de mon expérience de l’an 2000, sur le célèbre parcours qui mène de THONON à TRIESTE, je décidais cette année de récidiver côté Français, et de finir ainsi la traversée complète de l’arc Alpin, cette formidable barrière rocheuse qui s’étend de l’Adriatique à la Méditerranée.

Le projet mis sur pieds consistait de rallier Thonon à Antibes par les Préalpes (Chartreuse, Vercors, Provence) et faire le retour Antibes Thonon par « l’Alpine » et ses grands cols (Bonette , Izoard , Iseran etc …), le tout représentait la bagatelle de 1600 kms, 90 cols, et 36000 mètres de dénivelé.

Ce programme copieux et alléchant, devait se faire en 14 étapes.

Malheureusement, la vie n’étant pas toujours un  « long fleuve tranquille » le voyage se termina arrivé à Antibes, par la faute d’une route  complètement éboulée qui retarda mon périple d’une journée, et comme je n’ai pas des congés extensibles ! vous devinez la suite…

 

 

LE DÉPART

 Dimanche 17 juin, départ en voiture pour rejoindre Thonon les bains, je passerai encore cette année la nuit au centre de séjour (genre d’auberge de jeunesse, bien accueillante et très propre).

Lundi 18 juin, 8 heures du matin début de l’aventure « Préalpine ». Le premier contrôle, le premier col (col de Saxel), passé sous la pluie qui ne me quittera pas de la journée, mais il parait que demain  le beau temps s’installe sur les Alpes. Je demande à voir !

Le parcours tracé par Georges Rossini, traverse la Chartreuse, le Vercors, avant d’arriver en Provence.

Je ferai 136 kms pour ma première étape et grimperais 7 cols, dont la Colombière et le difficile col de Romme.

Chaque voyage renferme toujours un lot de gags, parfois comiques, parfois épiques. Aujourd’hui l’heure est plutôt au comique.

Dans la montée du col de Romme, alors que je traversais un charmant village montagnard, et que la route s’élevait sévèrement je me renseigne près d’une dame qui m’observait, appuyée à sa fenêtre :

-« Pardon Madame, c’est encore loin le col de Romme ? »

La dame qui à l’évidence n’a pas compris ma question me répond :

-« Eh ben ! ROME, il vous en reste des kilomètres ! ! !

Au contrôle de Plaine Joux, je demande au patron du bistrot :

-« Il va durer encore longtemps ce mauvais temps ? »

-« J ‘espère toute la semaine ! ! ! »

Sans commentaire.

Et pour finir la journée en beauté, alors que je téléphonais depuis une cabine, une jeune fille trouvant probablement ma conversation trop longue, m’engueula purement et simplement, en hurlant dans la rue, drôle de façon d’accueillir les touristes (cyclo). La scène se passait à Menthon st Bernard.

 

 

 

LA PANNE  !

La 2 ième étape, sans pluie, longue de  127 kms allait de Menthon st Bernard à St Pierre d’Entremont, très belle traversée d’Annecy, belle ville avec une piste cyclable autour du lac , à voir !.

Ascension des cols du Granier, le mont Revard et le col de Leschaux ou intervint le gag du jour.

Alors que j’amorçais la descente, mon regard observait probablement le paysage, je ne vis pas la pierre sur la route et j’heurtais violemment l’obstacle. Bilan, un coup sévère à ma jante arrière qui provoqua un « saut » désagréable.

Les vélocistes ne sont pas légion en montagne, je profitais de mon passage à Chambéry pour tenter une réparation rapide. Après avoir tourné un bon moment, je trouve enfin le mécano qui accepte de dévoiler ma roue.

Avec plus d’une heure de retard, j’attaque le col du Granier, 15 kms de montée assez faciles, il est 18 h 15’ quand j’arrive à ST Pierre d’Entremont, j’avais prévu encore la montée du Cucheron mais vu l’heure tardive je préfère m’arrêter.

Et voilà comment le programme que j’avais tracé se trouve bousculé. A peine 2 étapes et déjà 25 kms de retard et surtout l’obligation de décommander les hôtels. Une chose est sûre l’année prochaine je ne réserve plus d’avance !

 

 CYCLOTOURISME NE RIME PAS AVEC AVENTURE

La 3ième étape, sera une succession de gags, qui là auraient pu mal tourné, mais la sagesse l’a emporter, et c’est bien ainsi.

La journée commence par l’ascension du col du Cucheron, puis du col de porte. Après avoir contourné Grenoble par les cols de Vence et Clémencière l’itinéraire emprunte le tronçon Veurey-Voroise è Autrans, par le col de Montaud et le pas de Mortier. L’organisateur précise qu’un éboulement a emporté une partie de la route sur ce tronçon, mais que par temps sec le passage par un sentier est possible. Aujourd’hui il fait très beau, je décide donc d’emprunter ce passage. Arrivé à Montaud, je me restaure et m’inquiète auprès de l’aubergiste sur l’état de la route, la brave dame me conseille fortement de ne pas continuer, me disant même que la semaine précédente, un cycliste avait été évacué par hélicoptère.

Que faire ? Je suis à moitié chemin, 6 kms me séparent de l’obstacle, tant pis j’y vais, après tout j’aime mieux juger par moi même.

La route complètement déserte, est jonchée de branches, de pierres, plus on avance, plus cela devient angoissant. Des panneaux rappellent la dangerosité des lieux. Je commence sérieusement à « baliser ». Enfin j’y suis. Effectivement, pour être impressionnant, c’est impressionnant, de la route il ne reste plus rien, c’est un flanc de montagne complet qui s’est écroulé, au moins 200 mètres me séparent de l’autre côté.

J’essaye de m’engager sur un semblant de chemin, mais à chacun de mes pas, je provoque un éboulement de pierres. Mon vélo, chargé de ses 3 sacoches n’est pas fait pour me faciliter la tache. Je fais demi tour, et décroche mes sacoches, je viendrai les récupérer après avoir emmener mon vélo de l’autre côté. Nouvelle tentative, nouvelle frayeur ! un cyclo venant en face , tente le passage par le bas, il glisse à chaque pas. Je réalise enfin que l’aubergiste avait raison, c’est beaucoup trop dangereux. Si je glisse, avec le poids du vélo, je ne pourrai rien faire et j’irai m’écraser quelques centaines de mètres plus bas ! 

La mort dans l’âme je renonce, beaucoup trop vieux pour jouer les héros, ou beaucoup trop jeune pour mourir ! Le vélo doit resté une partie de plaisir  et jamais dérapé à mon sens dans l’aventure !…

 

 

 

IL Y A DES JOURS OU RIEN NE VA !

Une fois revenu sur la route, un doute surgit dans mon esprit : Je n’arriverai jamais à Antibes  dans les délais que j’ai prévu, et à ce moment là je réalise qu’il me sera impossible de faire l’aller et le retour.

Mais qu’importe, de toute façon je suis contraint de faire demi tour.

Décidément, il y a des jours ou l’on ferait mieux de rester sagement à la maison ; Jugez vous-même ?

L’organisateur, prévoyant, fournit un itinéraire de substitution au cas où le prétendant à Thonon  Antibes déciderait de renoncer à emprunter le chemin muletier. C’est ce que je fais, je fais demi tour, et  amorce la descente pour retrouver le parcours bis.

Peu après Montaud, la DDE (direction départementale de l’équipement) a décidé aujourd’hui de refaire la route. J’aperçois au loin les engins de chantier, je m’approche, soudain, pratiquement à 2 pas de la « goudronneuse » ma roue avant s’enfonce dans l’asphalte tout chaud, le premier réflexe, est de mettre le pied à terre, mal m’en pris, mon pied rentre complètement dans 10 cm de goudron. Je crie de rage, devant ce spectacle désolant d’un cyclo un peu désemparé, les ouvriers m’aident à porter mon vélo, déplacent leur engin qui occupe toute la largeur de la chaussée, et me guide vers l’avant sur « enfin » la terre ferme.

Le premier constat est désolant, outre le fait que mes chaussures (cales comprises) soient « en tartinées » de goudron, mes roues ressemblent à des pneus de VTT. L’ouvrier un rien moqueur, mais malgré tout plein de compassion dit que cela ne tiendra pas, et qu’en roulant tout se décollera. L’avenir lui donnera raison.

L’itinéraire bis, emprunte une route à forte circulation, ajoutez à cela la chaleur, la fatigue, il n’en faut pas plus pour décourager le cyclo. Avec les conseils avisés d’un membre des 100 cols (CCC4221) rencontré là par hasard, je fais étape ce soir à Lans en Vercors.

J’ai maintenant la certitude que je n’arriverai pas à remonter le retard accumulé, dommage mais c’est ainsi ! ! !

 

 DES PAYSAGES GRANDIOSES !

Cette 4ième étape, sera la plus belle du voyage.

Traversée des gorges de la Bourne (très sombre, impressionnant), ascension du col de la machine, et descente magnifique dans la « Combe Laval », panorama grandiose, un des points de vue le plus joli que je connaisse : A voir absolument.

Je ferai étape ce soir à Vassieux en Vercors (haut lieu de la résistance), après 114 kms sous le chaud soleil.

Le lendemain, l’étape commence par la montée du col du Rousset (facile par ce versant) et la traversée de son long tunnel (très bien éclairé. La descente sur Die est de toute beauté.

Je prendrai le repas de midi dans une sympathique auberge en haut du col de Cabre, excellent repas, idéal pour un cyclo : des lasagnes !

Les 60 kms et les 3 cols qui me séparent de St Etienne en Dévoluy où je fais étape, me semblent faciles. J’ai fait aujourd’hui 133 kms et il est quand même 18 heures lorsque je pose mon vélo devant la porte du gîte d’étape. La nuit sera calme, je suis le seul client, il est vrai aussi que le gîte n’ouvre ses portes que demain, mais le gardien fort sympa, m’autorise a y passer la nuit.

Le repas du soir sera du style « GARGANTUA » et le tout pour un prix modique.

 

 

GROSSE CHALEUR : GROSSE FATIGUE

J’attaque ma 6ième étape dans le brouillard, par l’ascension du col du Noyer, 10 kms sur une petite route isolée où à part quelques cyclos je ne vis personne, par contre descente dangereuse, au milieu d’un rallye de voitures anciennes, c’est beau à voir, mais parfois ils me font peur avec leurs guimbardes d’un autre temps !

Il règne aujourd’hui sur les Alpes une chaleur accablante, fatigué je mets un terme à cette étape à le Lauzet en Ubaye.

L’hôtel, Le Relais du Lac où je décide de passer la nuit, est bien sympathique, du moins en apparence. L’hôtelier m’avait prévenu :

-« La chambre qu’il me reste n’a qu’une petite fenêtre ! »

Effectivement, la fenêtre est petite, quasi inexistante, en fait il s’agit d’un trou de 20 cm2 dans le haut du mur, par laquelle le soleil pénètre tout de même apportant un minimum de clarté, mais que voulez-vous, quand la fatigue est là, le repos s’impose !

La chambre fût tout de même payée 180 francs !

 

2 COLS A PLUS DE 2000 MÈTRES

Après une bonne nuit de repos, un copieux petit déjeuner je suis dispo pour affronter les 2 cols à plus de 2000 mètres de ce périple. Le col d’Allos (BCN/BPF)  qui se monte bien, pente pas trop sévère et beau paysage enneigé et le col des Champs particulièrement difficile, 16 kms d’ascension avec de forts pourcentages, mais belle récompense en haut avec un décor Alpestre de toute beauté, et la joie aussi de photographier mon vélo appuyé sur des talus de neige, vestige d’un hiver rigoureux !

Très belle traversée des gorges du Daluis, juste avant d ‘arriver à Entrevaux, cité fortifiée par Vauban. Je dors ce soir au gîte d’étape.

J’assiste ce soir là à une procession peu ordinaire. Les hommes du village sont partis la veille avec « ST Jean » (une statue grandeur nature), jusqu'à une chapelle située dans la montagne, ils ont passé la nuit la haut (soirée bien arrosée à les entendre) et ce soir ils rentrent au village et vont  ramener St Jean dans son église. La route principale est coupée, des feux de bingalles sont allumés, le point de départ du cortège se situe à l’entrée d’Entrevaux , tout le village, Monsieur le curé en tête, part en direction de l’église. Pris dans cette foule, je me sens obligé de les accompagner. Les hommes sont tous en costumes noirs, chapeautés, cravatés, comme au temps jadis, ils chantent des cantiques. Nous traversons tout le village, la foule est nombreuse, des villageois, des touristes, un cyclotouriste rentre dans l’église pour la messe. Il est 23 heures, j’arrive à m’éclipser quand même (ouf !) et après un détour par la place du village où le bal disco succède aux cantiques (?) je regagne mon logis, ravi de cette soirée bien surprenante.

 

LA FIN DU VOYAGE

 La dernière étape commence fort, aucun café ouvert ce matin à Entrevaux, j’achète malgré tout 2 pains au chocolat et je déjeune à la sortie du village.

Je n’aime pas partir sans boire un café, et j’aime encore moins attaquer la journée par une sévère montée. Et bien là je suis gâté, d’emblée en guise de ptit dej le col de Félines, assez dur (au début, dans les premiers virages) puis le redoutable col du Buis, avec ses pourcentages de 17 % dur ! dur !

Il fait toujours aussi chaud et lourd, c’est sans grand enthousiasme que j’arrive à Gréoliéres avant dernier contrôle de cette randonnée. Encore 1 col (Vence) puis c’est la descente mouvementée sur Cagnes sur Mer et la traversée laborieuse d’Antibes.

Dernier coup de tampon sur mon carnet de route, et une bonne bière pour enfin apprécier la fin de cette inoubliable randonnée Préalpine.

 

Jean-Marc LEFÈVRE        29 septembre 2001.

Je peux fournir aux cyclos intéressés le découpage de mes étapes et la liste des hôtels.
Faire la demande à : jean-marc.lefevre2@wanadoo.fr

 


La combe Laval



Les paysages de la Chartreuse


Le col d'Allos, 2250 m


Les gorges du Daluis


La belle descente du col du Rousset vers Die.
Impressionnant !


Il fait beau ! Il fait chaud ! Aujourd'hui dans les Alpes.


La fin d'une inoubliable randonnée !...