Revue N°
3 page 17CADEAU D'ANNIVERSAIRE
de Pierre CAUBIN de Gourdan-Polignan (31)
Il y a un début à tout et quand on fait du cyclotourisme, il faut bien s'attaquer un jour à la montagne. Nous avons la chance, étant des Pyrénées, d'avoir à notre disposition toute une gamme de cols qui permettent des difficultés croissantes. Nous nous rendons compte, de cette manière, de notre progression.J'ai déjà escaladé quelques petites bosses qui ont pour noms : le col des Ares, de Larrieu, de Coupe et autres pentes relativement courtes et culminant aux alentours de 800 m. Mais aujourd'hui, papa a décidé de m'amener au col de Mente, avec ma sœur Lucette et Monsieur Nérécan qui a 66 ans.
Tout le monde connaît le col de Mente, célébrité du Tour de France par la chute spectaculaire d'Ocana ; j'y suis passé en voiture et je sais qu'il fait partie de la catégorie au-dessus des avant-monts pyrénéens. Aussi, j'ai un peu le trac.
Nous sommes partis à 10 h de la maison et nous mangeons a midi avant d'attaquer les premières pentes. Papa me rassure et ma sœur qui en est à plusieurs ascensions, me réconforte.
Il y a une demi-heure que nous roulons sur un petit braquet, quand, tout d'un coup, après un virage, la route se redresse comme un mur.
Papa m'avait dit de passer le petit plateau, et ainsi je trouve que ça va bien. Comme j'ai un petit vélo, il est équipé d'un double plateau de 42 et 26 dents et d'une roue libre de 14 - 17 - 21 - 26 dents. Je grimpe donc avec le tour de roue et encore des roues de 600. Lucette et mon père ont des roues de 650, mais elle a 26 x 27 et lui, 26 x 28.
Bientôt j'aperçois, sur l'autre côté de la vallée, le village de Ger de Boutx, implanté au flanc de la montagne, à la même altitude que nous.
En fait, pour atteindre Ger de Boutx, il faut redescendre jusqu'au ruisseau, traverser un petit pont qui doit sûrement être interdit aux poids lourds, et remonter 2 kilomètres à nouveau sur le 26 x 26.
Pour éviter la traversée très étriquée, une déviation contourne l'agglomération par en-dessus, mais nous cyclistes, nous avons suffisamment de place, et la petite rue bordée de maisons montagnardes est plus agréable que le boulevard extérieur.
Toujours en moulinant, nous nous élevons au-dessus des toits de Ger. La route décrit constamment des lacets et aboutit au dernier hameau. Comme il fait très beau, les habitants font sécher la lessive devant les maisons.
Un virage à droite, un à gauche, un autre à droite, et la vallée se creuse de plus en plus. Le chemin étroit en pente régulière s'accroche au bord de la forêt. Il est maintenant bordé de neige grisâtre et, du côté ombragé, la couche est importante.
Comment va être le col ?
Justement, un cycliste descend rapidement les lacets au-dessus de nous. Je reconnais Larrochelle, un membre de la société ; il nous serre la main et nous dit que le col est dégagé, mais que la route est verglacée avant le sommet.
Il nous faut presque une demi-heure pour gravir les lacets que Larrochelle vient de dégringoler et nous arrivons au col de la Clin (1240 m). Il reste un kilomètre.
A partir d'ici, tout est blanc et la route se fraye un passage entre deux murs de neige de près d'un mètre.
Nous ne pouvons pas franchir à vélo les deux cents mètres recouverts d'une épaisse couche de glace. Papa nous prend en photo en train de patiner, vélos d'un côté, nous de l'autre.
Nous enfourchons quand même nos bécanes pour terminer l'ascension et nous retrouver devant le panneau "Col de Mente 1343 m" qui dépasse a peine au-dessus d'un immense tapis blanc.
Nous avons eu chaud mais ici, il fait froid, bien que le soleil soit encore très haut. Blouson, anorak, bonnet, gants : nous sommes équipés pour entreprendre une descente prudente de 11 kilomètres sur Saint Béat.
De ce côté-ci, nous rencontrons beaucoup de voitures de skieurs ou autres promeneurs du dimanche qui vont s'oxygéner en altitude. La route est large dégagée en totalité et bientôt apparaît, au-dessous de nous, le village de Boutx qui somnole au soleil, un oeil tourné vers la station de ski du Mourtis et l'autre vers la vallée de la Garonne venue tout droit de l'Espagne voisine. Par la route de la rive droite, nous revenons au bercail après une promenade de 85 kilomètres.
Le passage du col de Mente, mon premier grand col ! J'en suis fier, car c'est lui qui constitue le plat de résistance du menu que les C.R.C. offrent tous les ans aux participants de la traditionnelle randonnée du Comminges.
C'est mon cadeau d'anniversaire.
Nous sommes le 11 mars 1973 et je viens de faire 10 ans.
Pierre CAUBIN.
'" Cyclos-Randonneurs Commingeois "
Né le 18.2.63.NOTA : Sauf contre-ordre de la part des membres de notre confrérie, je propose de remettre exceptionnellement à ce jeune cyclo, lors de notre rendez-vous du Col de BALES, une médaille qui le récompensera pour son exploit, pour sa merveilleuse narration, et aussi pour les 40 cols qu'il a déjà escaladé a l’âge de 11 ans.
Jean PERDOUX.