Revue N°3 page 33

UN FAMEUX COUP DE POMPE (CERBERE - HENDAYE)

par Marcel LOISEL de PARIS

 


    Parti de bon matin de la Gare de Cerbère avec un vent assez violent, que l'on appelle la Tramontane. Je longe donc la côte Vermeille ; beau panorama, files de voitures interminables d'Argelès-sur-Mer jusqu'à la frontière espagnole. La chaleur est torride. Le flot des vacanciers s'allonge au fur et à mesure que je m'éloigne de la côte.

    Après Prades, les difficultés vont surgir jusqu'à Mont-Louis, puis Bourg-Madame passé, c'est le col de Puymorens. Montée régulière jusqu'au sommet, descente rapide sur l’Hospitalet et Ax-les-Thermes, parcours vallonné jusqu'à Tarascon-sur-Ariège : curiosité de la ville, l'horloge est juchée sur un monticule. Au sortir de cette ville, c'est la montée du col de Port. Arrivé au sommet, il y a du monde - sociétés de musique - et un nombre incalculable de voitures. Ensuite, descente sur Massat. De Massat à Saint-Girons, on longe les Gorges du Ribaouto où la fraîcheur est toute relative. Saint-Girons dépassé, on aperçoit à l'horizon le col de Portet d'Aspet. Dès les premiers lacets, on rentre dans le vif du sujet. Quel plaisir d'escalader de bon matin ! Malgré la sévérité de cette escalade, il fait bon respirer à cette altitude. Au sommet, on découvre un magnifique point de vue qui vous récompense de vos efforts. Descente rapide sur Henne-Morte. Après la montée du faux col des Ares, c'est la descente sur Luchon. L'ascension du col de Peyresourde sera dure, car la chaleur est suffocante.

    A mi-col, je remonte un cyclo allemand en difficulté pour la bonne raison qu'il est trop chargé à l'arrière ; après un échange de politesses et quelques mots aimables, je le quitte pour poursuivre mon ascension qui est assez pénible à cause de la chaleur. Au sommet, je rencontre des touristes Belges qui me prennent en photo et qui me souhaitent bon courage : j'en ai besoin !

    Descente du col de Peyresourde très rapide et arrêt pour prendre un rafraîchissement à Arreau. Attaque du col d'Aspin sous un soleil de plomb. Au sommet, on aperçoit à l'horizon, le géant des Pyrénées, le Tourmalet. Dans la descente à travers la sapinière, il fait bon humer l’air frais ; et voici Sainte-Marie de Campan, lieu légendaire qui rappelle au cyclo que je suis en toute modestie qu'un certain Eugène Christophe s'y est illustré dans le Tour de France. Je ne manque jamais d'aller me recueillir devant la plaque relatant l'exploit du vieux gaulois.

    Après cette visite, il faut penser à poursuivre ce raid. Début de l'ascension d'j Tourmalet, assez pénible jusqu'à La Mongie. Là, je subis une défaillance qui compte dans la carrière d'un cyclo. Je n'ai plus de force dans les jambes ; je crois bien que le raid est perdu. Après des difficultés, je parviens au sommet. Je continue, malgré ce handicap. J'arrête donc à Barèges, à l’hôtel où, en espérant qu'après une bonne nuit de repos, je pourrais récupérer. Hélas, je n'arrive pas à dormir, et impossible de manger et de boire ! Je pense avoir subi une insolation.

    Donc le lendemain, je repars toujours, je ne peux toujours rien avaler mais je continue quand même. Je rencontre un cyclo qui participe au Tour de France randonneur qui est d'Abbeville, assez chargé, et qui me dit ne pas être en avance. Je longe le Gave de Pau, Argelès-Gazost, Arrens. C'est le début du col du Soulor, assez dur dans ce sens ; le long du cirque du Litor, les traditionnelles vaches, au sommet du col d'Aubisque.

    Puis c'est la descente sur Gourette, et ensuite Laruns où je m'arrête n'ayant pas mangé depuis la veille. Un remède efficace me permet de repartir le lendemain en meilleur forme, mais hélas, le temps est changé : pluie et brouillard se succèdent. J'ai beau appuyer plus fort sur les pédales, le retard accumulé la veille ne me permet pas de rattraper le temps perdu. Je continue pour l'honneur, car étant en dehors des délais, je pouvais aussi bien arrêter. J'ai donc décidé de continuer, arriver au terme de ce voyage ; j'ai pu me rendre compte, au cours de ce raid, qu'il ne faut pas crier victoire avant d'avoir franchi le terme de la randonnée.

Comme disait le Baron Pierre de Coubertin : "L'important, c'est de participer, et non de gagner".

Marcel LOISEL