Revue N°3 page 34

BREVET PREALPIN (Organisation T. C. S. )

par Fièvre MEUNIER de d'Huison Longueville (91)

 

 

    AIGLE. 7 h. Départ tarif dû à un garage d'hôtel fermé malgré les assurances formelles faites la veille par le patron. Enfin, il va falloir pédaler ferme mais avec une route encombrée plus longtemps.

    La gendarmerie étant fermée, il me faut trouver un commerçant pour le contrôle, chose assez difficile en ce Dimanche matin. Dûment pointé, je me dirige sur mon itinéraire ; le temps semble vouloir se dégager après les brumes matinales ; immédiatement, je suis dans le vif du sujet : au milieu de forts beaux vignobles, la route, d'un excellent revêtement s'élève en lacets, mais sans aucun point de repère kilométrique en dehors des téléphones S.O.S.

    Le soleil commence à percer et, les efforts aidant, il fait chaud. Sur l'autre versant des gorges, on distingue la ligne de chemin de fer montant au Sepey, parcours semblant assez impressionnant. Lentement, la vallée devient plus profonde, le paysage change ; finies les vignes, les bois prennent la place ; route très calme, seuls quelques écureuils fuient dans les arbres à mon approche.

    Plus haut, la route à demi couverte laisse de belles échappées sur le Roc d'Orsay alors que les premiers vrombissements des motos commencent à se faire entendre, gymkhana infernal de ces bolides déferlant tous phares allumés malgré l'heure. La traversée du Sepey effectuée par une rue très étroite, la route s'élève brusquement en quelques lacets bien appuyés pour gagner les alpages ; enfin, le Col des Mosses est là, très large, où s'engouffre un fort vent frais venant du Nord.

    Après un court arrêt pour le contrôle, je me lance dans la descente, très rapide dans cette première partie boisée, malheureusement, la pente se ralentit et le Défilé de la Serine étant très étroit, le vent violent de face m'oblige à un pédalage soutenu.

    Le gros bourg de Bulle marque un virage dans mon parcours ; Éole m'est favorable pour prendre le chemin vers Broc ; pente sévère dès la sortie du village mais au sommet, belle récompense : le superbe lac de Montsalvens que l'on contourne ; une bonne descente, et voici une longue vallée ; je roule (enfin) convenablement sur cette partie plate. A la sortie de Jaun, la route très étroite, est très encombrée par les voitures ; le col s'annonce difficile et ma lente progression n'arrange pas les choses. Le croisement est, par endroits, impossible, tel ce pont où un autocar me frôle et continue en jouant du klaxon dans chaque virage. Le sommet du Jaunpass se présente dans un beau décor boisé, mais littéralement envahi de touristes motorisés.

    Contrôle rapidement effectué, je recherche un endroit pour me ravitailler et me reposer quelques instants. L'endroit idéal est trouvé au début de la descente : un banc, une table d'orientation, un point de vue dans un calme parfait. Je ne puis pourtant rester trop longtemps, d'autres difficultés m'attendent et le ciel se couvre de gros nuages assez menaçants ; je plonge sur cette route, toujours étroite, longeant un ravin assez profond.

    A Zweisimmen, alors que la route grimpe lentement, la pluie fait son apparition et semble vouloir m'accompagner dans le reste du parcours si j'en juge par l'horizon complètement bouché. Le pointage de Saanen vers 14 h 20 me pose quelques problèmes : tout est fermé ; enfin un pompiste obligeant accepte, après un dialogue difficile (je suis dans le canton de Berne, et il ne parle que l'Allemand) de m'apposer le précieux cachet sur ma feuille de route. Gstaad, la pluie a cessé et le vent favorable me pousse bien dans cette large vallée parcourue rapidement sous un ciel de plus en plus sombre...

    A nouveau, la route s'élève au milieu d'une forêt de sapins après lesquels s'accrochent les nuages ; même le plus petit braquet me semble trop grand, les hectomètres sont longs, longs ... C'est la défaillance, le moral flanche. Que suis-je venu faire ici ? Où sont les routes faciles de la Beauce ? Je songe aux randonnées alpestre d'il y a ... 17 ans ! aux montées relativement aisées de Vars, Izoard, Iseran, d'un certain "Méditerranée-Léman" ; ces pensées moroses ont tout de même eu le mérite de me faire arriver au col du Pillon au moment où l'orage éclate.

    Peu de regards à accorder au paysage ; le glacier des Diablerets est invisible, les rares voitures passent phares allumés et dans des gerbes d'eau. Trop courte descente (4 kms) qui ne me permet guère de récupérer avant l'attaque du dernier "os" au menu, et également le plus haut : 1732 m (le Col de la Croix). La route semble récente, d'un revêtement impeccable ; deux larges lacets permettent d'admirer les jolis chalets de bois disséminés au fond de la vallée.

    La pente est régulière, il fait frais et malgré le brouillard pénétrant, je transpire abondamment en grignotant l'asphalte, les yeux fixés sur un groupe d'arbres qui, je pense, marquent le sommet du col. Un dernier virage et j'entrevois le chalet, "en danseuse", j'arrache les derniers mètres, ce qui doit tromper trois touristes frigorifiés sur mon état de fraîcheur car ils m'encouragent fortement.

    Un peu de faux plat sur le versant Sud avant d'entreprendre la longue descente vers le Rhône. La station de Villars, dans la bruine, est vite dépassée pour retrouver la plaine à trois kilomètres de l'arrivée ; qu'ils seront longs, d'ailleurs, ces kilomètres dans le vent et les voitures remontant vers Lausanne, avant de pouvoir retrouver mon contrôleur du matin ; il est 18 h.

    Heureux d'avoir pu, grâce à ce nouveau brevet, ajouter quatre nouveaux cols à mon actif et d'atteindre le chiffre de 145 ; évidemment, ce n'est pas un record, mais pour un parisien éloignée depuis plusieurs années des routes montagneuses, cela représente une certaine performance, et la joie d'avoir pu vaincre de nouveaux sommets.

Pierre MEUNIER.