Revue N°3 page 39

LE TOUR DU MONT-BLANC

de Roland CIPRIANI de LYON (69)

 


    Choisir parmi, les nombreuses randonnées montagnardes celle qui serait la plus évocatrice, j'avoue que l'élection en est difficile. Des voyages de plusieurs semaines en cyclo-camping, comme il y a vingt ans, aux brevets cyclo-montagnards, en passant par les simples promenades d'une journée, la préférence m'oblige à une longue réflexion.

    Mais il faut bien une heureuse élue ; j'ai donc choisi le Tour du Mont-Blanc, randonnée permanente organisée par les cyclos chambériens.

    Sous sommes à la fin du mois d'Août 1972. Le circuit peut s'effectuer en deux jours, donc en une fin de semaine. Je pars quand même le Vendredi soir, par le train, jusqu'à Albertville. Courte nuit à l'hôtel, car je m'en vais avant l'aube. Le ciel, constellé, annonce le beau temps.

    A Ugine, le jour se lève. Me voici dans les gorges de l'Arly. J'y évite le bord de la route, le garde-fou brille quelques fois par son absence et une chute dans le ravin signifierait un adieu à la vie.

    Près de Megève, j'aperçois le Mont-Blanc, majestueux, brillant sous l'azur. A cette heure matinale, peu de monde encore. Par contre, dans les prés, je vois les vaches, j'entends les cloches. Je me crois au Palais Bourbon.

    A mon arrivée à Sallanches, les rues s'animent. De là, par Passy, je vais à Chamonix. La circulation s'intensifie. De plus, beaucoup de camions se dirigent vers le tunnel du Mont-Blanc et l’Italie. Sur cette route, souvent étroite et sinueuse, je me méfie surtout des semi-remorques. Dans les virages, et sans rendre responsable le conducteur, je me trouve pris entre le parapet et la remorque.

    Voici Chamonix, capital de l'alpinisme européen. Par cette magnifique journée, je reste coi devant la beauté du spectacle.

    Ah ! Merveilleux Mont-Blanc ! Au milieu de tes aiguilles, tu ressembles à un monarque dans son habit d'hermine parmi sa Cour.

    Vers le col du Montet, le paysage change, les montagnes deviennent plus vertes. Ce col est un jardin botanique ; de nombreuses variétés de fleurs jonchent le sol.

    Et je passe en Suisse. Je monte au col de Forclaz où je m'arrête quelques instants. Puis je descends vers Martigny. Je jette de rapides coups d'oeil sur les vignobles, et sur la vallée du Rhône, avant de m'engager en direction du col du Grand Saint-Bernard.

    En ce début d'après-midi, la circulation s'accroît, après une accalmie pendant l'heure du repas. La montée, sinon difficile, est longue. De plus, la chaleur ne me ménage pas.

    Quel trafic en direction ou en provenance de l'Italie ! Aussi, quelle malédiction, ce tunnel du Grand Saint-Bernard ! Par sa caisse de résonance, je deviens abasourdi. Je pousse un grand soupir de soulagement à la sortie. Certes, le fort pourcentage m'oblige à de rudes efforts pour terminer les quelques kilomètres avant d'atteindre le sommet, soit 2.469 mètres. Que m'importe ! La tranquillité dans cet endroit sauvage est un délassement.

    Après une bonne tisane de cynorrhodon, je me lance dans la descente vers l'Italie. Et j'arrive dans la capitale du Val d'Aoste au terme de la première étape.

    Le soir, un bon repas typique, comme il se doit, puis une bonne nuit à l'hôtel, avant le départ pour la seconde et dernière étape.

    Ce dimanche matin, plus de soleil, mais un ciel couvert de lourds nuages. Sur le bord de la route, je vois de grands panneaux sur lesquels je lis, non sans ironie "Vista Monte Bianco". Hélas ! ce sera pour une autre fois. La montée du Petit Saint-Bernard s'effectue sous la pluie. Par bonheur cette côte est assez facile.

    Au sommet du col, je m'arrête quelques minutes pour me mettre à l'abri et me restaurer. Ensuite, c'est le retour en France.

    Curieux douaniers, curieux policiers ! Suivant leur humeur du moment, soit nous devons leur raconter notre vie, soit ils ne nous demandent rien. Ceci fut mon cas. Trois frontières franchies, aucune question.

    Le ciel se dégage un peu. Il laisse apercevoir les cimes dominant la haute vallée de l'Isère.

    Je déjeune à Bourg Saint-Maurice. Le mauvais temps ne me permet pas de passer par le barrage de Roselend. Je rentre directement à Albertville en fin d'après-midi.

    Le tour est bouclé. Encore une randonnée pleine de souvenirs inoubliables, et surtout quatre nouveaux cols à ma collection.

N.B. : Pour ceux qui seraient tentés par cette randonnée, je ne leur conseille pas de l'effectuer à cette période, surtout en fin de semaine.

Roland CIPRIANI.