Mercredi 1er novembre 1978. Grenoble, 10 heures du matin. Trois copains descendent de voiture. Il fait un temps superbe ! Nous nous sommes levés tôt pour quitter Lyon Ouest en plein brouillard. Tous trois étudiants totalisant à peu près 345 cols chacun, nous mettons le pont de la Toussaint à profit pour compléter notre collection : direction Gap par le Vercors et le Dévoluy. A peine avons-nous fait trois tours de roue que je propose de commencer par la Bastille : Hervé n'est pas chaud mais Philippe est emballé, si bien que ce petit monde attaque la Bastille qui fait mieux que se défendre : au sommet Philippe, KO, met 10 minutes à récupérer. Dans la descente, trente mètres avant le deuxième virage, mon frein avant lâche, je manque le virage et casse ma fourche sous les yeux compatissants de deux promeneurs à pied. Je ne suis pas Christophe et Grenoble n'est pas Ste-Marie-de-Campan. J'en suis donc quitte pour aller voir les "six-jours" et saluer de la famille pendant que les copains se gavent de cols. Enfin, vendredi la fourche est réparée et à neuf heures du soir, on se retrouve tous à Gap. Entre-temps, Philippe casse une manivelle dans le col de Manse. Samedi 4 novembre 1978. De bonne heure, nous gagnons Barcelonnette (une vieille connaissance !) en voiture et, sous un superbe soleil, montons au Super Sauze à vélo. Au passage, nous parions avec le cafetier du coin que nous pouvons monter les premiers mètres du col de Fours sur le vélo. Hervé gagne son pari et je perds le mien. Puis, c'est la superbe montée du col de Fours, tantôt dans la caillasse, le sable, l'herbe ou les moraines au sommet mais toujours avec une magnifique vue sur la vallée de l'Ubaye baignée de soleil et du col également sur la vallée du Bachelard. De là-haut, il faut descendre et c'est du sacré caillou. Philippe, pas en super forme, a le malheur de casser un rayon arrière sur le filetage. Personne n'a d'écrou de rechange, aussi fait-il demi-tour sur Barcelonnette avec un voile remarquable, tandis qu'Hervé et moi nous lançons à l'assaut de la Moutière sur une route bien dessinée mais bien caillouteuse et dans un vallon, nous ne reverrons plus le soleil. Nous atteignons le col alors que la nuit tombe : nous n'irons pas au col des Fourches aujourd'hui. Je me fais traiter de loque parce que je pousse le vélo pour atteindre le Restefond et me défends en invoquant une absence de vélo totale depuis plus d'un mois. Nous arrivons au sommet proprement dit de la route à 19 heures, après que je me sois étalé en pleine nuit sur une couche de verglas. Là, on double le cliché (la Bonette de nuit, au mois de novembre, ce sera un sacré souvenir !). |
Nous atteignons Jausiers en 1 heure et demie avec, bien-sûr, une seule lampe car Hervé n'aime pas le poids inutile (sic) puis Barcelonnette où nous retrouvons Philippe dans une crêperie, un Philippe tout fier d'avoir dévoilé sa roue tout seul (en 1 heure cependant !). Nuit à l'hôtel, un par lit et le troisième par terre comme d'habitude. Dimanche 5 novembre 1978. Pas chaud dehors ! Un solide déjeuner. Trois cyclistes emmitouflés (pas pour longtemps car ça va bientôt monter !) se dirigent vers Sainte-Anne, tout émoustillés par le Parpaillon qu'aucun ne connaît encore. Jusqu'à Sainte-Anne, du billard ! Ensuite, parmi les superbes mélèzes de l'automne, on atteint les cabanes du Grand Parpaillon. Devant nous : une vallée d'altitude, baignée de soleil, sans âme qui vive, un monde presque minéral et sur la droite une ligne droite qui se met à tourner puis disparaît, perdue dans la montagne. Hervé est loin devant, dans la première épingle à cheveux, il représente un point minuscule. Philippe et moi nous consolons de notre train de gastéropode en prenant des photos auxquelles se prêtent bien la luminosité exceptionnelle et le décor grandiose. La route caillouteuse à souhait nous fait alterner marche et vélo. Au bout d'une heure, deux peut-être, on aperçoit la trouée du tunnel. Hervé nous y attend depuis une bonne demi-heure. Nous avons tous grand faim mais rien dans les sacoches. Nous traversons le tunnel et ses stalactites. De l'autre coté, le paysage de crêtes est tout aussi splendide et irréel. Philippe et Hervé qui vient de casser sa roue libre, redescendent sur Embrun pour regagner Paris Moi, je fais demi-tour, récupère la voiture à Barcelonnette et rejoins Lyon où je découvre, au fond d'une sacoche, un énorme camembert. Les retrouvailles entre copains, hors saison et pour la bonne cause, sont bien agréables et si j'ai été bien content de monter pour la troisième fois la Bonette, qui est le plus de 2000 goudronné le plus sauvage que je connaisse, je retiens surtout la splendeur désolée du Parpaillon qu'il ne faudra pas hésiter à parcourir lentement pour bien l'apprécier. Marc LIAUDON (AS GRAVES VICHY). Mes compagnons de route étaient : Philippe ROCHE (ASG VICHY) et Hervé BURTSCHELL (ST CYR AU MONT D'OR). Marc LIAUDON Leschadoires (63) |