Titre ronflant mais récit modeste ! Voilà des années que le col d'Olen, ce passage au nom qui chante et qui s'inscrit à près de 2900 mètres d'altitude au flanc sud du Mont-Rose, est à mon programme. Et le circuit sur deux jours que j'y ai réalisé l'an dernier peut éventuellement vous être utile. Le camping de Saint-Vincent est petit mais accueillant et joliment situé en balcon sur le Val d'Aoste. C'est de là qu'à 6 h du matin j'entre dans le vif du sujet en me colletant avec la rude grimpée jusqu'au village. Plus haut, au fur et à mesure de l'enchaînement des superbes épingles à cheveux du "Colle Di Joux" la perspective sur le Val d'Aoste s'élargit et, au loin, le ruban de l'autoroute brille dans une brume ténue. A cette heure matinale un brave paysan valdotain et moi sommes seuls à profiter du panorama. Tout en guidant ses vaches hors de l'étable il m'aperçoit de loin et me lance au passage un joyeux "Forza, forza, Bartali !" Effectivement pour l'âge et le nez c'est O.K. mais pour les jambes c'est H.O. (hors de question). N'empêche que l'espace d'un instant, il m'a bien semblé avoir accéléré l'allure ! Aussitôt fini de me prendre pour Gino le Pieux, le paysage me captive à nouveau d'autant que derrière moi, au fond de la vallée, le Mont-Blanc fait maintenant briller au soleil son altier versant sud. La crête toute proche, une dépression dans la ligne des résineux marque l'approche du col : 1658 m. Aucune vue sur le Mont-Rose pourtant bien proche mais un immense cirrus lenticulaire indique bien cependant, dans le ciel, l'aplomb du grand sommet. Courte descente. A Brisson, joli village de montagne, tout est écrit en français; le nom des rues n'est même pas rappelé en italien. En direction du prochain col une belle route s'élève à flanc de montagne et, de chalets en chalets, s'achève dans un alpage vers 1800 mètres. Le facile sentier qui lui succède mène en une petite heure au col "Colle Ranzola" (2171 mètres). Vent frais de-Nord-Ouest; Il est 10h 1/2. C'est un peu plus bas, dans les rhodos en fleurs, qu'il faut apprécier la beauté du Mont-Rose resplendissant de blancheur. Et à l'est, juste en face du col, la belle échancrure du Passo Valdobbia qui sera peut-être demain mon passage de retour... Pour la descente du Ranzola, on éviterait sans doute beaucoup de portage en tirant très à droite sous le col, dès l'entrée en forêt, afin de rejoindre aussi haut que possible l'Alp Ciarolina d'où une belle route descend à Gressoney-Saint-Jean où j'arrive, moi, par le sentier, tout bêtement. De la station pimpante et animée sous le chaud soleil et la lumière du sud la route s'élève en cinq kilomètres à Gressoney-la-Trinité qui, comme son nom ne l'indique pas, est complètement germanisé (Gasthaus Winckel !...). Curieux contraste avec la terminologie française de toute la vallée ! Contraste aussi entre le grand sommet entrevu tout à l'heure depuis le col et les quelques pâles langues glacières qu'on aperçoit d'ici. Pour le col d'Olen on peut aller au fond prendre le sentier où sont assurées solitude totale et super suée d'un long portage (je le sais, j'y étais!) ou alors prendre plus en aval sous le télésiège le chemin de chantier par lequel, dans une ambiance de manège, vous atteindrez le refuge Gabiet. Du sommet du télé-porteur les deux itinéraires se rejoignent et un bon sentier s'élève vers le col. Une jeune italienne en randonnée pédestre palpe mon sac de guidon et explique à sa fille qu'il lui faudrait le même pour ses virées... dans la vallée. Ma monture l'intéresse, c'est sûr; elle la soupèse longuement. Par contre, le cavalier, lui, la laisse nettement plus indifférente... Vous pensez bien, un contemporain de Bartali ! |
Cinq heures du soir, Col d'Olen (2871m.). Un dernier pinceau de soleil vers les glaciers où j'ai un jour connu de dangereux débuts de gelure dans une mémorable équipée à skis et les nuages prennent possession de l'arrête rocheuse et de l'immense pierrier où se faufile le col. Long portage jusqu'en dessous des chalets d'alpage avant de trouver enfin un chemin raide mais cyclable à freins bloqués. C'est tellement raide qu'en arrivant à Alagna j'ai l'impression d'atterrir ! Amis "100 Cols", je vous signale qu'il y a un refuge ouvert au col, un peu au-delà de l'hôtel en ruine et une arrivée éventuellement tardive au col d'Olen ne doit donc pas vous inquiéter. Quant à moi petit problème à Alagna : avec 30000 lires en poche j'avais l'impression d'avoir plein de sous. Petite chambre à la pâtisserie, en haut du village : 13000 lires, repas frugal au resto : 11000 lires, il me reste 6000 lires (trente balles) pour la 2ème étape ! Départ 5 heures du matin sous les étoiles. C'est à Riva que s'embranche le Val Vogna. Trois kilomètres de bonne route mènent à Çà Inzo. Au-delà, chemin de terre et sentier, parfois cyclable. Quand le vallon s'infléchit à gauche, il faut choisir: le continuer pour s'élever vers le col de Maccagno ou attaquer le sentier à droite pour le Col de Valdobbia. Une heure de moins pour ce dernier, mon choix est vite fait ! Séance de portage, petite chapelle au fronton de 1629, casse-croûte matinal sous les mélèzes, nuages blancs qui courent dans le ciel bleu, rhodos à profusion, sentier bon enfant... Quel bonheur d'être centcoliste ! De la grosse bâtisse juchée en travers du col s'échappe un filet de fumée. Un filet seulement car le plus épais sort... par la porte. Le gardien, tout juste arrivé d'en bas par l'autre versant, a quelques problèmes avec la cheminée. Après un café, ni très fort, ni très chaud mais partagé dans la fraternité des gens de la montagne, descente un peu raide face au panorama du massif du Grand Paradis. La préoccupante sécheresse dont me parlait le gardien oblige les sonnailles d'alpage à s'égrener vers les crêtes et les chèvres tout là-haut ont l'air de faire de l'alpinisme. Un sentier archi-raide où s'essoufflent quelques promeneurs ébahis descend en courts lacets jusqu'à Gressoney-Saint-Jean alors qu'approche l'heure de midi. Quelques kilomètres de route et c'est l'attaque d'un sentier ombragé et agréable s'élevant jusqu'aux alpages. Au-delà, ça se corse : sentier minuscule, très raide, souvent escarpé, que la montagne domine à droite, ce qui veut dire qu'à chaque fois que la roue avant bute dans une roche ou accroche une branche il y a intérêt à avoir le pied montagnard ! Plus haut, les pentes sont plus calmes mais les nuages arrivent et j'enfile le pull pour passer vers 2h 1/2 le Passo di Frudièra (2132m). Casse croûte par-delà le col près d'un petit lac tout calme. Du portage à plein tube, c'est le cas de le dire, pour déboucher en pleine forêt sur une curieuse installation : une scie horizontale qui ne semble pas désaffectée depuis bien longtemps et qui permettait de scier sur place des troncs qu'aucun chemin ne pouvait acheminer vers la vallée. Beaucoup plus bas enfin le torrent s'assagit, le sentier aussi et je peux rouler dans la poussière, apostrophé par des faneurs de l'impossible qui n'ont jamais vu de vélo dans ce coin-là. A cinq heures j'entre dans le hameau de Graine où je retrouve définitivement le goudron. Belle descente pour toucher la vallée à 1132 mètres d'altitude à Arcesa. A Challand-Saint-Alselme (1040m.) allègre montée dans la fraîcheur du soir jusqu'au "Colle Zuccore" (1623m) où ça sent bon le foin coupé avant la super descente sur le camping de Saint-Vincent. Avec quelle joie on retrouve sa tente après de tels programmes ! André VOIRIN Gérardmer (88) |