Depuis que le vélo accapare la plus grande partie de mes loisirs, et depuis qu'il occupe mon temps, même lorsque je ne suis pas sur les routes, j'ai eu longuement l'occasion de réfléchir à tout ce qu'il pouvait m'apporter. A ce stade, la réflexion se bornait à mettre en évidence l'aspect qui en lui, me fait profiter pleinement du temps qui s'écoule. Et dès lors il est tout naturel d'essayer d'approfondir le pourquoi de la chose. Le fait de faire de la bicyclette, implique de parcourir du paysages, des régions les plus diverses et parmi les contrées traversées les reliefs parcourus, il faut reconnaître que tous ne sont pas, à porter au pinacle ! C'est le propre de chacun de s'adapter à telle ou telle situation, de prendre ici son plaisir et de s'ennuyer là-bas ! En ce qui me concerne, à propos des paysages que le vélo m'amène à traverser, je peux dire que des lieux rendus fades par leur monotonie, ne peuvent m'inciter à les privilégier - pour ne pas dire qu'il est plus simple pour moi de les laisser carrément tomber - Je citerai pour exemple le type de voyage qui sur plusieurs centaines de kilomètres emprunterait une plaine, aussi riche soit-elle, mais totalement dépourvue de relief ! Nous y voilà ! Ne concluons pas hâtivement que je rejette d'entrée tout ce qui n'est pas montagneux, mais il est un fait, que l'homme dans sa multitude est une individualité qui ne peut s'exprimer que dans l'existence qu'il voit tracée juste pour lui! Alea jacta est ! Depuis quelques années c'est par la bicyclette que je peux approcher les choses de la nature et par voie de conséquence la nature des choses. Il est vrai que ma monture a longuement contribué à modifier mon initiale vision des choses. Par elle j'ai appris à connaître les arbres, à écouter les bruits des oiseaux, le cri d'une marmotte, à apprécier le théâtre des saisons. Plus je vivais avec elle, plus mon corps ressentait la nature. Mais cette approche des êtres et des choses qui nous entourent ne s'est pas faite en un jour; je dois reconnaître aujourd'hui que les motivations qui me poussaient lors de mes débuts étaient totalement différentes ce celles qui maintenant me poussent avec force à enfourcher ma bicyclette. Ce qui a littéralement déclenché une passion c'est la découverte de la montagne. A elle seule tout un univers. Mes premiers kilomètres dans une région de montagnes remontent à plus de dix ans, et pourtant, l'émotion qu'ils ont laissée est toujours présente ! Je me souviens de l'ascension de mon premier col, de mon étonnement à découvrir qu'il puisse exister des côtes aussi longues et qui n'en finissent jamais. Mais j'ai encore en mémoire cet ébahissement permanent au détour de chaque virage, cette découverte de la montagne telle que le vélo seul peut la faire connaître, cette approche des choses où l'effort contribue pour une large part à mettre en valeur notre environnement. Depuis ce jour là, la montagne est devenue un lieu de prédilection, et chaque fois que j'ai pu me soustraire au rythme intensif de la vie active, c'est vers elle que je me suis réfugié. La montagne qui pour nous, cyclistes, ne peut exister que grâce aux routes ou aux chemins qui la parcourent, nous met aussi en présence de certains lieux, relativement nombreux, appelés cols. Il n'existe pas de massifs montagneux dépourvus de ce type d'endroits. Le col est avant tout un terme géographique. Sa définition est toujours très controversée. D'ailleurs en prenant une bonne douzaine de dictionnaires et encyclopédies, modernes et anciens, j'ai à chaque fois trouvé une définition différente : certaines utilisant des termes scientifiques, d'autres étant pour le moins très laconiques, et voire même douteuses. L'on peut comprendre aisément comment celle qui décrit le col «comme passage le plus bas»... Peut faire rugir le cycliste néophyte en la matière, qui après avoir grimpé un col avoisinant les 2000 mètres est tout ahuri de voir utilisé sur un dictionnaire un superlatif suivi d'un qualificatif aussi décevant ! D'un autre côté, ce ne sont pas les termes de «thalweg» ou «ligne de faite» qui pourront lui traduire l'émotion qu'il a rencontré dans son premier col. |
En fait il est vain semble-t-il, lorsque l'on est cyclotouriste de chercher un définition à un terme qui tel que nous l'utilisons est indéfinissable. «Faire des cols» est devenu un moyen détourné de pratiquer la montagne, et en ce qui me concerne si je choisis les cols comme «points de passages obligés» dans la réalisation d'un itinéraire, ce n'est point pour faire des cols, et les accumuler, ce qui pourtant à la longue devient inéluctable, mais pour parcourir la montagne à travers les coins les plus beaux. C'est pour cette raison que je considère le col comme un moyen, comme un ingrédient nécessaire à un festin. Le col est pour moi ce qu'une boite d'allumettes est pour le philuméniste. C'est un simple objet, mais dont on ne peut plus se passer, et qu'il nous faut posséder. Tout mon orgueil est d'en vouloir un maximum, c'est pour cela que je deviens collectionneur. Une telle collection est à la portée de tout le monde. Et je connais déjà beaucoup de col-lectionneurs, j'en connais même qui font des raffinements, et qui vont par exemple jusqu'à collectionner certaines pièces bien particulières. Je pense notamment à ceux qui ne veulent mettre dans leur gibecière que les plus de 1000 mètres, ou que les muletiers. Pourquoi pas! Les désirs de chacun sont aussi variés et divers qu'il existe d'individus. Ils sont d'ailleurs d'autant plus légitimes que les cols sont nombreux. Le seul paradoxe, et qui pourtant fait notre joie c'est que dans ce type de collection l'objet convoité peut être visé par plusieurs collectionneurs... Il est divisible à l'infini, chacun peut l'apporter avec lui, pour sa collection, sans léser son voisin. C'est pour cette raison que des Iseran, Tourmalet, Péguère et autres Galibier, figurent à ma «collection». Terme que je revendique d'autant plus, que celui de «palmarès» me parait bien peu honnête. Le col par lui même, pour figurer à cette collection n'a pas à montrer ses cartes de noblesse, il n'a pas à appartenir à tel ou tel massif, il n'a pas besoin non plus de dépasser telle altitude, il peut être routier ou muletier, dans ce type de collection aucune ségrégation ne vient troubler notre rassemblement. Je voudrais en cela insister sur le fait qu'un col est collectionné, non pas en tant qu'exploit, mais uniquement en tant qu'étape d'un parcours sans limite, vers une connaissance plus grande de la montagne. Bien sûr, un col dépassant les 2000 mètres et qui plus est, offrant des passages muletiers apporte certainement plus de satisfaction, qu'un col ne dépassant pas les 50 mètres d'altitude, et ne nécessitant même pas de dénivellement. Cependant pour le collectionneur que je suis, ces deux cols ont un point commun. Celui d'être le moyen idéal de trouver un itinéraire correspondant à une bonne randonnée. En effet grâce à eux, je peux poser les premiers jalons qui donnent l'ébauche d'un circuit facile à trouver. C'est pou, cette raison, que je considère le col comme une curiosité, au même titre qu'une église, qu'une grotte, que des ruines ou divers autres lieux dignes d'intérêt qu'une carte routière nous indique par de petits signes conventionnels. Quant à l'idée des «Randonneurs Sans Frontières» de Montauban d'organiser une randonnée permanente regroupant l'ensemble des Emetteurs de télévision, elle recoupe en une large part, le but recherché par les collectionneurs de cols. Il est vrai que pour accéder à ces relais de télévision, souvent placés sur des points culminants il est souvent nécessaire d'emprunter le trajet d'un col. La randonnée en elle-même peut même faire l'objet d'une collection, dans laquelle les intéressés peuvent accumuler tous ces émetteurs, où les prendre en photo et établir ainsi un album complet des relais TV de France ! Si je parle de cette randonnée, à propos des collectionneurs de cols, c'est qu'elle est tout à fait dans l'esprit de ces derniers, et qu'en outre elle permet de quadriller tout un pays en passant par ses points de vue les plus remarquables. Stéphan KOTHE Montauban |