Bealach na Ba : je vous rassure tout de suite, c'est plus dur à monter qu'à prononcer. Littéralement col du bétail, le Bealach na Ba est l'un des plus hauts cols Ecossais, et assurément le routier le plus dur à grimper. Autant dire que, depuis près de trois semaines à me frotter aux rudes pentes des petites routes écossaises, je commençais à redouter cette confrontation. Un bon point déjà : après une semaine pas mal arrosée (et pas à coup de whisky !), ciel bleu et soleil au rendez-vous. Ce col est situé sur une petite presqu'île, à deux pas de la mer, dans cet Ouest de l'Ecosse, où on ne sait plus très bien ce qui est île et ce qui est "continent". Un bout du monde accessible par une agréable route touristique longeant le Loch Torridon puis l'Inner Sound. Un loch, non, ce n'est pas une bête, mais, à la manière d'un fjord Norvégien, un bras de mer formé à l'époque glaciaire. Soyez bléca : prononcez le "ch" à l'allemande (r rauque), ça vous distinguera du touriste moyen - il en faut si peu pour se rendre heureux ! (exemple : moi). De Applecross, petite station balnéaire, la route monte au col en guère plus de 5 km, mais la pente n'est pas très forte dans la première moitié. Elle est semblable à nombre de ces petites routes, tellement étroites que deux véhicules ne peuvent s'y croiser, sauf, à intervalles plus ou moins réguliers, au moyen de "turnouts". A vélo, c'est la hantise de se faire accrocher dans un dépassement, ou lors d'un croisement dans une descente sinueuse. Heureusement que la circulation n'est généralement pas dense ! Très vite, la route s'éloigne des rives fleuries du bord de mer et des modestes arpents de forêt plantés par Forestry Commission, pour rejoindre les pentes chauves, à peine herbeuses, des montagnes écossaises. Seule présence, le moutonnement des... moutons, ici comme dans le reste de l'Ecosse. Ils n'ont pas de poils aux pattes peut-être, mais le reste ne forme qu'une énorme pelote de laine. Le climat de par ici, ça ne rend pas malingre ! On dit qu'en Australie il y a plus de moutons que d'hommes, mais je me demande si on ne peut pas dire de même pour l'Ecosse, une fois retirée la zone archi-peuplée du Sud (Glasgow, Edinburgh)... Tiens, le matin même, dans une de ces brutales descentes qui font le charme (ah ?) de cette région, j'ai bien failli écraser un agneau qui divagait sur la chaussée. Quand on vous dit que le grand air, ça saoule ! Heureusement qu'il avait plus de réflexes que moi, sinon je me l'embrochais bel et bien... |
Bon revenons à nos... je veux dire à notre route, qui a profité de cet aparté pour prendre un profil tout à fait respectable. A vue de mollet, ça doit chiffrer dans la tranche 12-15%, sans déc ! (décimales, bien sûr). Lâchement, je prends prétexte d'admirer le paysage en arrière pour m'arrêter à trois ou quatre reprises : le bras de mer de l'Inner Sound, l'île de Skye, un bloc montagneux, et partout de petites îles montagneuses surgissant de l'eau. Pas mal du tout ! Me voici enfin au sommet de la route, un peu au-dessus du col proprement dit : Bealach na Ba, 2053 pieds, soit 626 m. Quand je vous parlais de passages à 15%, ce n'étaient pas des pourcentages marseillais ! (pardon, amis de la Canebière). Du col, la vue est un peu réduite ; je vise alors un pic proche, au sommet duquel est installé un réémetteur, et qu'une piste permet d'atteindre. Une piste bien écossaise : caillouteuse, très pentue, au point que, même avec un 30x28, je suis parfois contraint à poser pied à terre. Mais la récompense est au bout de mes efforts : à 771 m, un panorama à presque 360°: toujours l'île de Skye et les pics des Cuillins lancés dans le ciel ; au Nord, les collines dans lesquelles se nichent de nombreux petits lochs ; vers le sud, derrière la crête, apparaît le Loch Carron, un fjord de toute beauté ; et dans le ciel, pas un nuage ! Après une pause bien méritée, j'attaque la descente. Je comprends vite que j'ai monté le col par le flanc le plus "facile" : en moins d'un km et demi, on se retrouve déjà 250 m plus bas, avec des passages cotés "1:4", soit 25%. Ce n'est plus une route, c'est un ascenseur ! Puis la pente s'adoucit, mais chaque virage est l'occasion d'une frayeur, sur cette route circulante et étroite. A Tornapress, me revoici au niveau de la mer, longeant le Loch Kishorn, prêt à récupérer mes sacoches dont je m'étais délesté fort judicieusement (si si) pour ce circuit. Le lendemain, la pluie reprenait... Frédérick FERCHAUX VINCENNES |