J’AI ETE DOPE

Pas évident de partir en Février pour épuiser les congés de l'année précédente... Sur toutes mes routes il n'a manqué aucun panneau de "Verglas Fréquent", j'en suis même venu à me demander si on ne les laisse pas en place d'un hiver sur l'autre juste pour ajouter un brin de fraîcheur pendant l'été.

J'aurais tellement aimé qu'il y ait des feuilles aux arbres pour pouvoir rouler à l'ombre du 21 au 24 Février 90 ; j'aurais aimé aussi qu'il y ait davantage d'arbres, même sans feuilles, le long de quelques nationales et départementales mais j'aurais tort de me plaindre d'un excès de soleil au cœur de l'hiver : j'ai trouvé cela très agréable et tant pis si j'ai charrié des vêtements par excès de précaution - il aurait simplement fallu pouvoir en disposer pour les premières heures de la matinée et les retrouver le lendemain à l'étape suivante.

Toutes les conditions extérieures ont été idéales au delà de mes espérances mais ça ne m'a pas empêché de connaître des jours "sans", va savoir pourquoi ! Heureusement qu'il a fait beau et que ma bicyclette est un bon vélo ; heureusement que j'étais attendu et que j'avais un but, sinon j'aurais renoncé et me serais couché quelque part à attendre le retour de la forme : un jour, sans jambes, sans moral, sans enthousiasme, sans énergie, sans appétit, avec un col à 800 et quelques mètres comme une "Barrière" à franchir entre le Gard et l'Aveyron, et l'idée fixe d'arriver à Ceilhes dans l'Hérault avant la fermeture d'une pharmacie perdue dans la nature.

"Pouvez-vous me ressusciter un mort et me redonner des jambes pour demain ?" Il l'a fait en me donnant des conseils et en me vendant des produits qui ont réalisé le miracle de me guérir... et puis j'ai lu la notice: "Mise en garde : Sportifs, attention ! cette spécialité contient un principe actif pouvant induire une réaction positive des tests pratiqués lors des contrôles anti-dopage."

Je n'ai pas été contrôlé mais j'ai été dopé et j'ai continué sans me croire disqualifié pour autant et, si j'ai triché, c'est autrement : en ne passant pas toujours les cols avec le vélo -pas n'importe quels cols ; des cols à moins de 200 mètres d'altitude !

Je connais des cyclos qui négligent ce menu fretin mais je pense que le Club des Cent Cols serait bien inspiré d'ajouter un additif à son règlement pour exiger, en plus de 5 cols à plus de 2000 mètres par centaine, 5 cols à moins de 200 mètres par centaine. Plaisanterie ?

Sûrement pas ! et il vous faudra bien rompre avec des idées toutes faites si vous voulez vous faire à l'idée de faire et d'avoir tous ces cols du Gard à vous... du col de Caque Renard (135m) au col de la Carriérasse (154m), d'un autre col de la Carriérasse (165m) au col du Bois des Pins (172m) et au col du Plan des Masques (195m) - chacun son carnaval - C'est pas aussi prestigieux que Vars, Izoard et Galibier, mais à travers vignes, garrigues et forêts, je peux vous garantir que ce n'est pas triste ni facile !

Et puis non loin de ces bosses, c'est plein de creux qui valent le détour parce que les hommes, leurs croyances, leurs luttes et leur histoire ont su construire des monuments qui témoignent de leur foi, de leur savoir-faire, de leurs recherches et de leur science... que ce soit à NotreDame de Prime Combe, au Musée du Désert, à la station thermale de Fumades-les-Bains ou à l'ancienne Chartreuse de Valbonne - hélas fermée à cette époque - encore que j'ai pu en voir quelques aspects. Si les chartreux n'avaient pas été chassés en 1790 et 1901 - ce ne devait pas être les mêmes! -je crois qu'ils auraient fui en ce mardi 27 février (Mardi-Gras) à cause du bruit de chansons yéyés diffusés à fond la caisse par haut-parleurs d'une radio locale pour l'information et le divertissement de stagiaires en réinsertion sociale.

Comme tout était ouvert autour de la Chapelle et des Cloîtres, j'ai visité ce que j'ai pu, sans acquitter de droit d'entrée puisque c'était "fermé du 15 novembre au 15 Mars". J'ai pu aussi recopier ce texte trouvé affiché à la cafétéria :
"Si tu es las et que la route te paraît longue, Si tu t'aperçois que tu t'es trompé de chemin, Ne te laisse pas couler au fil des jours et du temps, Recommence !

Si ta vie te semble trop absurde, Su tu es déçu par trop de choses et trop de gens, Ne cherche pas à comprendre pourquoi, Recommence !

Si tu as essayé d'aimer et d'être utile, Si tu as connu la pauvreté et les limites, Ne laisse pas là une tâche à moitié faite, Recommence !

Si les autres te regardent avec reproche, S'ils sont déçus par toi, irrités, Ne te révolte pas, ne leur demande rien, Recommence !

Car l'arbre re bourgeonne en oubliant l'hiver, Car le rameau fleurit sans demander pourquoi, Car l'oiseau fait son nid sans songer à l'automne, Car la vie est Espoir et Recommencement."
Pour passer le Mardi-Gras en Carême, la Cèze était tout indiquée qui me ramenait vers Méjannes-le-Clap "loin du bruit, près de tout", plateau désertique devenu zone touristique de détente et de loisir, vers le Rhône et Pont-Saint-Esprit au pont tordu construit en 1265.

C'était le mercredi 28 février, mercredi des cendres, jour de jeûne et d'abstinence... pour le vélo. Mais en me reconvertissant en jardinier, à bêcher quelques mètres carrés pour une nouvelle Jacqueline, j'ai trouvé que ce pouvait être utile d'avoir un bon coup de pédale pour le retour à la terre...
Je recommencerai ...

Paul André

Menton