C'était un de ces hivers où la passion vous pousse vers les cimes enneigées de nos massifs afin d'y respirer un air connu à la belle saison, sous un autre climat. Cet hiver-là, la neige était rare sur les hauteurs de Saint Lary, dans nos Pyrénées, entre le lac de l'Oule et Espiaube, lieu souvent fréquenté par les randonneurs pédestres. M'adonnant à cette autre ivresse procurée par la glisse, après avoir en cette fin d'après-midi bouclé pour la enième fois la même piste, la seule praticable en cet hiver hors norme, je me décidai à rentrer par une voie inhabituelle pour moi, voie que le langage imagé des concepteurs de stations a baptisé Mirabelle. Est-ce le fruit bien connu ou le surnom donné en son temps à la non-moins célèbre skieuse, enfant du pays ? Je m'élançai donc, avec l'extrême prudence due à mon niveau et à la qualité nivale des lieux. Un chemin vers la droite, une première boucle à gauche et me voilà en présence d'un tunnel routier fermé à la circulation en cette période hivernale ; j'étais sur une route dont je devinais les nombreux lacets sur la "soulane" opposée, vierge de toute neige. J'avais compris dès lors qu'en un lointain matin ensoleillé, à l'heure où les marmottes boivent la rosée, seul ou accompagné, je viendrais défier ce géant méconnu, ce plus de 2000... M'y voilà, nous y voilà, Dany, ma fidèle accompagnatrice de toutes mes nombreuses escapades, et puis Francis pour qui le moindre pic, le moindre caillou porte un nom et dont la présence en ces lieux est un bonheur communicatif. Les sensations, les senteurs d'une matinée de juillet en vallée d'Aure sont autant de plaisirs difficiles à communiquer au non-initié. Un rapide coup d'œil vers les névés du Sarrouès et se dressent devant nos yeux ébahis les premières pentes qui nous conduisent vers Soulan. Dany trouve son rythme, Francis chantonne ou professe, heureux de faire partager ces instants d'une rare intensité. Un regard vers les remontées mécaniques connues sous des jours plus froids, un passage à pied pour franchir la barrière interdisant l'accès aux véhicules motorisés et nous voilà à même d'affronter les rampes du col de Portet. |
Quiétude des montagnes, paysages lumineux, un semblant d'euphorie paraît gagner le trio, un mélange d'impatience d'atteindre le sommet et ce désir diffus de suspension du temps afin de mieux apprécier ce "plaisir souffrance" que nous ressentons tous en ces moments-là. Mais que vois-je ?... c'est bien lui, le tunnel... le tunnel de la Mirabelle... son ombre est toute proche, agréable pour tous, y compris pour ces occupantes saisonnières que sont les vaches et leurs nuées de taons et mouches nous saluant à notre passage, chacune à sa façon ! Souvenez-vous ! Une boucle à droite, un virage à gauche... la fin du goudron... 2215m... des fleurs... un léger courant d'air comme il sied en pareil lieu... un regard vers les cimes environnantes... nos montures sont déjà retournées, prêtes à la descente récompense... un chemin vers la droite... vous avez compris ?... une première boucle à gauche... quelques bosses herbeuses en contrebas... une folle envie de plonger sur la Mirabelle "dévêtue" ... Mais non ! Plus tard, en février peut-être si les flocons reviennent comme autrefois sur nos sommets... qui sait ? Pour l'heure, la descente, belle, impressionnante, grisante... Dany freine, un peu crispée mais heureuse... Francis a disparu sous les derniers lacets d'un bonheur éphémère mais sans cesse renouvelé. C'était un jour de plénitude près de la Mirabelle, avec Dany, ma fidèle accompagnatrice, et Francis, "pour qui le moindre caillou porte un nom".... Michel Savarin A.S. l'Union (31) |