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Cols du Hoggar

Revue N° 20 Page 28

Après quelques belles journées de vélo au goût de diagonale sur la Transsaharienne, me voici à Tamanrasset. Pour le routard presque toujours pétaradant qui file vers le Sud attiré comme un aimant par l'Afrique Noire, Tamanrasset n'est souvent qu une halte pour faire le plein d'essence.

Pour moi, c'est le pied du mur, en l'occurrence le massif de l'Atakor, partie géographiquement la plus escarpée du Hoggar et que je vais parcourir en une huitaine de jours sur une piste tantôt sableuse et tantôt caillouteuse, tout au long d'une boucle de cinq cents kilomètres.

Dans les premiers kilomètres, plat et dominé par le Pic Laperrine, on rencontre quelques ânes et dromadaires en semi-liberté comme en témoignent les liens entre leurs pattes avant. Pour eux, l'acacia fournit un complément de nourriture à la végétation rabougrie.

Vingt kilomètres après Tamanrasset, la route s'élève sèchement dans la montagne au dessus de trois zéribas blanches habitées par une famille de bergers. Pour elle, l'unique point d'eau se trouve dans une faille à cinq cents mètres de la piste : la guelta d'Iméléoulaouéne.

Ensuite, alors qu'il n'y a plus de vraie habitation sédentaire jusqu'à Hirafok à plus de cent kilomètres de là, la piste traverse un plateau caillouteux, à près de 2.000 mètres d'altitude.

Bien après le coucher du soleil, j'arrête ma progression et installe le premier bivouac de cette boucle. Au petit matin, après le gel de la nuit, il fait encore frisquet, et l'apparition au loin des Tezouai, au delà de cet immense pierrier, sont une formidable motivation.

Plus loin, dans le désert minéral parcouru depuis plus de soixante kilomètres, apparaît, bien à l'écart de la piste une faille qui s'entrouvre sur la guelta d'Hafilal, nettement plus importante que la guelta d'Iméléoulauène. La présence de l'eau à cet endroit a quelque chose de magique et permet l'existence d une certaine végétation. La piste, de plus en plus défoncée, passe au pied des Tezouai sur la plus petite dent desquelles des Européens s'adonnent à l'escalade.

Je m'écarte pour deux jour de la piste d'Hirafok et atteint les derniers lacets du Col de l'Assekrem à 2.600 mètres d'altitude où est bâti le refuge, en fait deux blocs d'une trentaine de places chacun. Le col est surplombé par le plateau de l'Assekrem où se tiennent, dispersées, les trois petites maisons de pierre qui constituent l'Ermitage de Foucault ainsi qu'une table d'orientation qui date de 1939.

Après une première nuit très calme au refuge, le 31 décembre je franchis les Cols de Entre Tahelarine et de Sesker Akr avant d'abandonner le vélo au pied du Mont Tahat, point culminant de l'Algérie à 2918 m.
La montée pédestre au Mont Tahat, assez longue, et encombrée par les rochers et il faut de temps à autre s'aider des mains. La récompense, au milieu de ce désert minéral, c'est de croiser quelques gazelles en liberté et de contempler d'en haut l'étonnant Pic Ilamane.

Comme il fait nuit quand je récupère le vélo, j'en oublie le Col Ilamane. Deux heures plus tard, me voici revenu au refuge. Quel contraste, après cette magnifique journée solitaire, que cette foule bigarrée qui se serre dans le refuge pour passer la nouvelle année.

Matin du 1er janvier 1990. Retour à la solitude de la piste qui longe les magnifiques orgues de la montagne d'Imadouzène pour grimper ensuite le Col Téhé N'Ttghatimt. La présence d'une fleur annonce la guelta d Issakarassene. C'est là que Serge il y a dix ans avait eu droit à un bivouac agité. Encore un col au crépuscule, le Téhé N'Siberi, avant la nuit sous les étoiles.

A Hirafok, comme souvent, le café est sympa et pour trente kilomètres, me voilà sur la piste de Djanet. Là c'est très sableux et même avec un VTT, j'aurais sans doute du mal à rester sur la bicyclette.

A Idelès, je fais le plein des victuailles disponibles : du lait en poudre, des sardines, des biscuits et du chocolat. Un gamin quémande une pièce et devant ma réticence me montre sa roue de vélo délabrée. C'est en fait une Rustine, une pièce en caoutchouc, qu'il réclame !

Après une nuit où les gerboises ont fait du dégât dans le sac des biscuits, les seules rencontres de la journée sont un lièvre, un camion citerne Berliet et un couple de français en 504.

Je franchis le Téhé N'Sita sans savoir s'il dépasse ou non les 2.000 mètres d'altitude. L'arrivée sur Tazruk, plus haute oasis du Hoggar, est très ensablée. Ce village targui, à l'écart des pistes, est peu fréquenté par les touristes. Au café, Botefna me sert une omelette, mais le gendarme de service refuse que j'y passe la nuit. Après maintes palabres, nous parlons en quête d'un gîte, en l'occurrence un chantier touareg surveillé par des gardiens toujours enclins à partager le thé.

Le lendemain, un collègue humoriste ou peut-être lucide du gendarme de la veille traite de mort-vivant celui qui a été épargné par les loups "très méchants, car affamés", qui sévissent sur la route d'Idelès.

Finalement toujours bien vivant, je reprends la piste qui, pendant des kilomètres, suit le lit de l'oued Teberber avant de franchir le Col d'Azrou. L'oued est asséché depuis lurette mais un soupçon d'humidité maintient en vie des plantes piquantes et quelques arbustes, un moula-moula vient picorer un biscuit.

Le lendemain, les habitants des sauvages zéribas de Tahifet me font le plein d'eau et j'oublie un moment la difficulté de l'effort due à l'ensablement de la piste. Dans la montée du Téhé N'Oudi, la pierre remplace le sable et au col, la vue porte jusque'à Akerakar, la montagne qui domine le pierrier de la première étape. Au fond d'un oued ensablé, je m'offre le dernier bivouac de la boucle. A présent la piste s'élargit, et le sable restant très épais, je renonce à faire le crochet de la guelta Témékerest.

Au loin apparaît la brèche d'Hadriane qui annonce la proximité de Tamanrasset. Ma progression est lente et ce n'est qu'en fin de journée que le sable cède la place au goudron de la route du Niger.
Griserie de la vitesse, 40 km/h en descente, record de ces derniers jours pulvérisé et dix kilomètres plus loin, c'est Tamanrasset. Il fait gris mais qu'importe, puisqu'il y a du poulet-frites au café et des oranges à l'épicerie.

Marc Liaudon

Randonneurs Lyonnais


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