Après quelques belles journées de vélo au goût de diagonale sur la Transsaharienne, me voici à Tamanrasset. Pour le routard presque toujours pétaradant qui file vers le Sud attiré comme un aimant par l'Afrique Noire, Tamanrasset n'est souvent qu une halte pour faire le plein d'essence. Pour moi, c'est le pied du mur, en l'occurrence le massif de l'Atakor, partie géographiquement la plus escarpée du Hoggar et que je vais parcourir en une huitaine de jours sur une piste tantôt sableuse et tantôt caillouteuse, tout au long d'une boucle de cinq cents kilomètres.
Dans les premiers kilomètres, plat et dominé par le Pic Laperrine, on rencontre quelques ânes et dromadaires en semi-liberté comme en témoignent les liens entre leurs pattes avant. Pour eux,
l'acacia fournit un complément de nourriture à la végétation rabougrie.
Ensuite, alors qu'il n'y a plus de vraie habitation sédentaire jusqu'à Hirafok à plus de cent kilomètres de là, la piste traverse un plateau caillouteux, à près de 2.000 mètres d'altitude. Plus loin, dans le désert minéral parcouru depuis plus de soixante kilomètres, apparaît, bien à l'écart de la piste une faille qui s'entrouvre sur la guelta d'Hafilal, nettement plus importante que la guelta d'Iméléoulauène. La présence de l'eau à cet endroit a quelque chose de magique et permet l'existence d une certaine végétation. La piste, de plus en plus défoncée, passe au pied des Tezouai sur la plus petite dent desquelles des Européens s'adonnent à l'escalade.
Je m'écarte pour deux jour de la piste d'Hirafok et atteint les derniers lacets du Col de l'Assekrem à 2.600 mètres d'altitude où est bâti le refuge, en fait deux blocs d'une trentaine de places chacun. Le col est surplombé par le plateau de l'Assekrem où se tiennent, dispersées, les trois petites maisons de pierre qui constituent
l'Ermitage de Foucault ainsi qu'une table d'orientation qui date de 1939. Comme il fait nuit quand je récupère le vélo, j'en oublie le Col Ilamane. Deux heures plus tard, me voici revenu au refuge. Quel contraste, après cette magnifique journée solitaire, que cette foule bigarrée qui se serre dans le refuge pour passer la nouvelle année. |
Matin du 1er janvier 1990. Retour à la solitude de la piste qui longe les magnifiques orgues de la montagne d'Imadouzène pour grimper ensuite le Col Téhé N'Ttghatimt. La présence d'une fleur annonce la guelta d Issakarassene. C'est là que Serge il y a dix ans avait eu droit à un bivouac agité. Encore un col au crépuscule, le Téhé N'Siberi, avant la nuit sous les étoiles.
A Hirafok, comme souvent, le café est sympa et pour trente kilomètres, me voilà sur la piste de Djanet. Là c'est très sableux et même avec un VTT, j'aurais sans doute du mal à rester sur la bicyclette. A Idelès, je fais le plein des victuailles disponibles : du lait en poudre, des sardines, des biscuits et du chocolat. Un gamin quémande une pièce et devant ma réticence me montre sa roue de vélo délabrée. C'est en fait une Rustine, une pièce en caoutchouc, qu'il réclame !
Après une nuit où les gerboises ont fait du dégât dans le sac des biscuits, les seules rencontres de la journée sont un lièvre, un camion citerne Berliet et un couple de français en 504.
Le lendemain, un collègue humoriste ou peut-être lucide du gendarme de la veille traite de mort-vivant celui qui a été épargné par les loups "très méchants, car affamés", qui sévissent sur la route d'Idelès.
Au loin apparaît la brèche d'Hadriane qui annonce la proximité de Tamanrasset. Ma progression est lente et ce n'est qu'en fin de journée que le sable cède la place au goudron de la route du Niger. Marc Liaudon Randonneurs Lyonnais |