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Pancarte... ou pas pancarte ?

Revue N° 20 Page 44

A qui cette question n'est-elle venue pas à l'esprit pendant l'ascension d'un nouveau col ? La présence d'une pancarte, d'un panneau, d'une balise, d'un écriteau, appelez ça comme vous voulez, apparaîtra en effet à tout chasseur de col d'une importance considérable. Et il n'y a qu'une alternative à cet angoissant problème de la pancarte soit il y en a une, soit il n'y en a pas...

Commençons par ce dernier cas, certainement le plus décevant de la pratique du cyclotouriste ou du cyclosportif. Et là il faut bien dire que la politique de la DDE en ce domaine est souvent curieuse. Dans le même département, il arrive qu'un petit col, à peine un faux plat, même pas signalé sur la carte, dispose du panneau réglementaire lettres blanches sur fond bleu, alors qu'un col de plus grande envergure, carrefour important, trace blanche entre > et < sur route sur fond rouge Michelin, tout-à-gauche-je-freine-pour-pas-reculer, se voit amputé de cette officialisation par la Direction Départementale de ce qu'on n'ose plus alors appeler l'Equipement.

Mais alors dans ce cas comment savoir qu'on est bien au sommet ? Comment vous faites vous ? Moi je commence par chercher. Où est-il ce panneau ? Moins bien visible parce que parallèle à la route ? Economie oblige, un seul panneau suffit. Trop vieux, de l'autre côté du fossé et recouvert par les broussailles, ou carrément couché au fond du talus ? Déboulonné par un confrère qui avait oublié son appareil photo ?

Et bien dans ce cas où je ne trouve pas, je suis amené à douter que le sommet soit bien là. Eh oui ! Je fais partie de ces assidus des cols qui, en cas de chasse par aller-retour sur le même versant, font volontiers quelques hectomètres de plus pour vérifier si la descente, de l'autre côté, est bien la descente et pas un replat avant la dernière ascension qui masquerait alors un père... pardon, une paire de panneaux se dérobant à mon meurtre (se reporter à Freud, œuvres complètes).

Alors il faut le dire : un col sans pancarte, c'est toujours un peu frustrant. Pas besoin de se pencher au sommet pour constater un vide ! Bien sûr, les cartes routières, les guides Chauvot, Poty, etc, nous disent que nous sommes arrivés au terme de notre ascension et sauf erreur (ça peut toujours arriver), chacun connaît la réussite qui est la sienne. Il la connaît, oui mais il ne la constate pas de visu. Car le problème est là. Ce panneau de col, à qui croyez vous qu'il soit destiné ? Au familles motorisées et réjouies du pique-nique dominical ? A l'arrêt-pipi du voyage en car du comité des Fêtes de Triffouillis-les-Oies ? Certainement pas ! Une pancarte de col est destinée à qui a fait un effort pour venir la voir.

Il suffit d'avoir vécu le cas où "y en a une" pour en être convaincu. Car vous avez alors visiblement le signe, que dis-je, la preuve, l'officialisation de votre exploit (et je pèse bien mes mots). Encore que dans le cas où il s'agit réellement d'un exploit, il faut bien reconnaître que vous n'avez guère besoin de la pancarte au sommet pour savoir que l'ascension est terminée. Vous en connaissez, vous, des cyclistes qui basculent au sommet du Galibier sans se rendre compte que leurs efforts ont été couronnés de succès ? Où alors reconnaissez que dans ce cas, ce n'est plus un problème de pancarte !

Il faut aussi remarquer parfois des panneaux tellement sophistiqués qu'ils en atteignent l'architecture d'un monument, comme en haut de l'Iseran ou de l'Izoard... Il est vrai que ces cols sont des purs monuments en eux-mêmes, véritables hymnes au dépassement de soi et lieux historiques de ce que le cycl... Bon, ça va, ça va !
Ce que je préfère encore, ce sont ces vieux panneaux en ciment, au vernis craquelé par le soleil, le froid et les années, comme au Col de Finiel (4872), de Montmirat (48-42), etc, etc, genre "Don de l'Automobile Club de France' ou "c'est Michelin qui vous l'offre". Ça, ça vous donne du cachet à un col.
Mais retour au métal embouti et mention spéciale à la DDE de la Loire, qui a posé un énorme panneau (l50x80 cm), lettres noires sur fond blanc au sommet du Col de la Croix de 1'Homrne Mort (42-30). Allez le voir, ça fait deuil.
La pancarte du sommet est parfois à l'origine de quelques surprises. Je ne parle pas des différences d'altitudes qui se révèlent à cette lecture avec les diverses cartes routières ou catalogues usuels de la confrérie... C'est à nous donner les vertiges. Non, j'introduis là une liste non limitative concernant les modifications d'orthographe. Ainsi le Col de Fonta sur cartes et guides (07-41) s'écrit Col de Fontailles sur le panneau, le Col de la Croix de Part (69-47) s'épelle sur place Col de la Croix de Pars, le Col du Mas de l'Air (30-69) devient dans le Gard Col du Mas de l'Ayre, charme du régionalisme...

Le panneau du sommet a aussi le bel avantage d'être photographiable et parfois en compagnie du cycliste lui même (un conseil : attendez quelques instant après être arrivé au sommet pour poser, vous avez vu la tête qu'on a en arrivant ?). Et je pose la question aux maniaques du petit oiseau (celui qui va sortir de l'appareil, bien sûr) : quand il n'y a pas de pancarte, qu'est-ce que vous photographiez ?

Il faut dire que certains panneaux méritent plus que d'autres d'être évoqués : celui du Col de la Loubière (48-55), écrit à la main sur une planchette à peine plus grande qu'une boite d'allumettes. Et la pancarte du Col de Clye (01-32b), tout aussi planchue, mais clouée à 10 mètres de haut sur un arbre accompagnée d'une fleur autocollée en son milieu, vous l'avez remarquée ? Et l'écriteau du Col du Navois (71-07), libre de tout support et avec lequel on peut danser au milieu de la route ?

A l'extrême inverse, un col sur lequel j'aurais bien parlé sur l'absence de pancarte... Je le prends par Poncin, Mortaray et je vais chercher la D11 qui me fait passer au village et m'emmène en faux plat jusqu'au sommet et là, petaf, un panneau de 5 mètres sur 3 : COL DE CEIGNES ! (01-10c). Attention, je répète la taille: 5 mètres sur 3. En fait, la route passe à cet endroit sous 1'autoroute Lyon-Genève et je comprends instantanément ce que l'Equipement a fait de sa ligne budgétaire pour la décennie en cours...

Il faut signaler aussi que la pancarte du sommet peut être doublement réconfortante. Merci, et salut au(x) confrère(s) qui a (ont) apposé des autocollants "Club des 100 Cols" sur le panneau du Col de Bonnecombe (48-66) et du Col des Trois Sœurs (48-70). Cela ne fait d'ailleurs qu'illustrer ce que nous dit clairement l'étymologie du mot pancarte, 1440 (non c'est l'année, pas une altitude) : "charte", c'est-à-dire contrat, ce qui relie les êtres entre eux.
Les pancartes existent donc aussi pour réunir les membres de la confrérie.

Mais puisque nous y sommes, il faut ajouter que le mot "panneau", lui, a connu une double origine: en 1155, "panel" évoquait alors un "coussinet de selle" (on n'en sort pas !), puis au Xlllème siècle, "penel" signifiait, lui, "filet à gibier" (Cf. dictionnaire étymologique Larousse).

Cela explique-t-il que dans le cas du Col de la Rochette (01-31), il ne reste de cet autocollant confraternel que la trace de sa forme (laquelle ne peut pas tromper), elle entoure actuellement l'impact d'une balle de fusil sur la pancarte tant espérée ? Triste manière de chasser les cols !

Jean-Louis CONTI

Saint-Etienne (Loire)


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