Il faisait chaud sur Annecy en ce samedi qui, sur deux jours, devait leur permettre d'accomplir le célèbre Circuit des Aravis. Il faisait chaud, très chaud quand ils longèrent le lac. Leur regard ne fixait pas encore les cimes traîtresses environnantes mais plutôt les vallonnements graciles et gracieux des muses savoyardes s'adonnant à une tout autre activité sur les plages verdoyantes de ces lieux encore enchanteurs. Tout se déroulait à merveille si ce n'était l'inquiétude, maître Optimus a un estomac récalcitrant mais pour qui le fréquente souvent, rien de grave: un massage à deux doigts et ça repart! Pessimus, la moustache lisse et fraîche, le verbe haut et rocailleux, ne sentait plus les pédales et avançait fièrement détaché du groupe, tel un éclaireur en opération... Enfin bref, la forme était là, signe d'une randonnée sans problèmes. Quant à Rosus, malgré une condition entretenue depuis des mois par une culture diététique personnelle, il savait se désaltérer à l'eau fraîche des montagnes que la Savoie sait offrir au promeneur assoiffé. Mais que le soleil frappait fort... Que la route montait et cette eau si fraîche mais si plate se mit à prendre une belle teinte dorée dans un verre embué et son goût d'une amertume légère glissa dans son corps en surchauffe... Hélas! La réalité refit surface à une halte casse-croûte sous forme d'un breuvage se voulant citronné mais n'ayant pour effet que de laver un peu plus un estomac déjà passablement rincé. Ah ! Que ce soir, dans quelques heures, l'arrêt à l'hôtel sera doux pour nos trois promeneurs... Leurs pensées s'y posent déjà... Mais nous verrons plus tard car les premières rampes de l'Arpettaz se présentent là, sur la gauche. Peu à peu, parmi les mouches et les taons, le trio s'étira... Rosus, pédale légère et souple, sans un regard pour ses compagnons, partit vers les cimes, sur un rythme soutenu, dépassant fièrement ça et là d'autres cyclos essoufflés, cramoisis, caramélisés... |
Optimus, fort de sa longue expérience et de ses crampes stomacales adopta une allure plus modeste en rapport avec ses capacités du jour, s'arrêtant une ou deux fois à l'ombre des grand frênes que la nature avait su planter là depuis des lustres. Quant à Pessimus, la chaleur de l'accueil, l'inquiétude et, dit-il, une légère surcharge pondérale, le firent ahaner, suer, s'arrêter, repartir, pester, galèrer mais tout de même arriver au sommet où ses deux compagnons l'attendaient depuis peu, affalés dans l'herbe fraîche, leur regard tourné vers le Mont-Blanc tout proche. Enfin ça y était, la difficulté du jour était vaincue. Une seule pensée, vu l'heure déjà bien avancée: l'hôtel, l'hôtel et sa douche, l'hôtel et son restaurant, l'hôtel et son lit... Optimus, responsable de la logistique, avait un soir passé, déplié sur son bureau, la carte routière des lieux. Qu'elle était plate, la Michelin 74 avec ses noms savoyards... Flumet ...La Giettaz... Crest Voland, juste à côté...près du circuit...l'hôtel du Mont Charvin...vue imprenable...Logis de France...parfait...le choix est fait et retenu, mais du papier à la réalité il y a parfois un pas, même un gouffre profond duquel pourtant "il va falloir sortir"... 6 km de montée abrupte pour enfin mériter le repos... C'en est trop pour Pessimus et Optimus! Rosus, sentant un reliquat de forces et de bonté mêlées, laisse parler son cœur et écrase les pédales afin d'aller chercher un véhicule motorisé et salvateur pour faire gravir à ses deux amis les derniers lacets de ce supplément...il sue sang et eau, l'heure tourne vite que les pédales...mais que voit-il? Une voiture le dépasse...deux vélos sur le toit...des signes "amicaux" de la main... Pessimus, Optimus...auto-stop...ingratitude...solitude...mais que de rires et de souvenirs...Le trio se réformera ce soir autour de la table de l'amitié et d'un verre frais, embué, doré, ce n'est plus un mirage mais une belle réalité... Il faisait très chaud en ce samedi de juillet sur Annecy quand Optimus, Pessimus et Rosus prirent la route de Crest Voland ! Michel SAVARIN N°2739 AS l'Union (Haute Garonne) |