... ou petit propos sur l'énergie de l'amateur de cols Qui a inventé l'économie d'énergie ? C'est sûrement le cyclotouriste et particulièrement l'amateur de cols. La dépense excessive dans une montée se paye généralement dans le col suivant surtout si la route entre les deux est dépourvue d'épicerie. C'est le seul regret des parcours muletiers ! En fait nos randonnées sont pleines de ces basses préoccupations qui relèvent pourtant de la saine gestion du capital énergétique : manger, pédaler, manger, pédaler. Et plus c'est dur, plus on mange. Certains livres spécialisés ont abordé le sujet, plus ou moins maladroitement, du style "vitesse ascensionnelle moyenne" ou "effort croissant avec le carré de la vitesse", mais de façon pas très convaincante pour répondre aux questions que nous nous posons souvent en préparant nos itinéraires : - Ai-je intérêt à monter ce col par son versant plus dur, ou par le plus facile ? - Est-ce-que je gagne du temps par ce raccourci qui représente une dénivelée supplémentaire ? - Quand est-ce qu'on mange ? Etc, etc Avec ces quelques calculs simples, (mais les allergiques aux maths peuvent toujours sauter directement aux conclusions)... Je vous propose quelques curiosités et résultats pratiques, sachant qu'ils sont outrageusement simplifiés du point de vue théorique, mais qu'ils donnent tout de même une bonne image de la réalité : Quelle dépense énergétique doit consentir le cycliste ? Il y a en fait trois causes à cette énergie consommée à tout instant. - E1 : vaincre les frottements des pneus, des roulements, de la chaîne, de l'effet ventilateur des pédales, etc. - E2 : vaincre la résistance de l'air créée par la vitesse au sol. - E3 : vaincre la pesanteur quand on s'élève. Examinons-les: Eliminons la première E1 ; elle est de toute façon faible et correspond en gros à un effort sur home-trainer qui serait lui-même sans résistance. Elle est surtout difficile à évaluer, et puis vous n'avez qu'à mettre de l'huile sur votre vélo et bien le gonfler. Donc E1 = 0. La deuxième est essentielle sur le plat. On s'oppose à une force proportionnelle au cube de la vitesse V et donc l'énergie dépensée vaut E2 = Cx.S.V3 où Cx est l'ensemble cycliste + machine mais qui est nettement plus mauvais ici que sur une voiture, et S la surface transversale des mêmes, (mesurée sur une photo de face par exemple). L'énergie à fournir croît avec le cube de 1a vitesse ce qui est énorme. Par exemple, si on passe de 20 à 25 km/h on double sa dépense énergétique instantanée, avec seulement la consolation de gagner 20% sur le temps de parcours ! L'encouragement à la paresse n'est pas loin ! Il n'est pas facile de mesurer le Cx du cycliste (serait-ce un argument de vente dans les annonces matrimoniales ?). J'ai pensé à un moyen indirect : si un cycliste pesant avec sa machine 90 kg descend sans freiner une pente de 10%, il atteint une vitesse limite, par exemple 55 Km/h (exemple vécu). Le calcul de cette vitesse limite qui équilibre force de la pesanteur et résistance de l'air donne à peu près : Cx.S = 0,4 Et donc un Cx voisin de 1 (supposant la surface transversale d'environ 0,4m) et donc loin du 0,3 des belles berlines modernes ! Dans ces conditions, se mettre en position aérodynamique doit bien gagner 10 à 20% de la surface S et donc 10% sur la vitesse, 5km/h par exemple. Réciproquement rouler avec de grosses sacoches vides a l'effet inverse : -5km/h. Cycliste ou ampoule électrique ? Pas brillant, d'ailleurs, le cycliste. Avec ces données, l'énergie du cycliste à 18 km/h n'est que de 50 Watts et il faut atteindre 36 km/h pour consommer 8 fois plus c'est à dire 400 Watts. La troisième énergie est directement liée à la montée d'une pente. Elle s'ajoute aux deux précédentes. Si m est le poids total du cycliste habillé plus sa machine, p est la pente en pourcentage (5%, 10%), g le 9,81 m/s2, bien connu des lycéens, alors E3 = m.g.p.V, V restant la vitesse du cycliste. Evidemment, plus la pente est forte et plus l'énergie à dépenser augmente. Reprenons, notre cycliste de 90 kg et supposons qu'il monte une pente de 10% à 8 km/h, ou le Puy de Dôme à 7 km/h. Cela représente une vitesse ascensionnelle de 800m en une heure. Sa dépense énergétique est donc de : 90 x 9,81 x 0, 1 x 2,22 soit environ 200Watts. Et à quelle vitesse roulerait-il sur le plat en se fatiguant de la même façon ? Un calcul simple donne 28 km/h. J'ai pris ces cas extrêmes pour simplifier, pente très forte et terrain plat. Cela se complique si on prend une pente intermédiaire, 5% par exemple, car les deux dépenses énergétiques s'ajoutent E = E2 + E3 = m.g.p.V + Cx.S.Y.3 Alors, plus la pente est faible plus la vitesse ascensionnelle (dénivelée à l'heure) va se dégrader pour la même dépense d'énergie. On monte plus vite la dénivelée d'un col si la pente est forte, vive les cols durs ! |
Vive les cols mous ! Notre vitesse moyenne est d'autant plus grande que la pente est faible, alors que la dénivelée franchie était d'autant plus grande que la pente était forte. Philippe GIRAUDIN M.I. Auvergne. Déc.92 |