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Et si mon Vélo avait une âme?

Revue N° 23 Page 11

Ce 21 juillet vers 13 heures, je descends, plutôt vite, le col de Tourniol (Drôme). J'ai mal sous les pieds et j'ai un peu soif. La vue sur Barbières aperçue un court instant dans un virage justifie l'arrêt. Ce sera beau, reposant et touristique.

Je pose contre la glissière, mon vélo. Je l'ai souvent regardé dans ces circonstances. J'ai fait construire ce cadre il y a 15 ans à Limoges, chez Marcel Jourde. De nouveau, la peinture et le vernis s'écaillent. Subitement, je regarde cette bécane avec un peu d'attendrissement. Quelle intimité !

Elle sait tout des douleurs de mes genoux, de mes angoisses des départs de nuit, et de la solitude que j'éprouve si souvent.

Elle est le seul témoin de mes efforts et des litres de sueur que je perds sur les routes. Elle sait que je souffre dans le froid, et que dire des averses pendant des heures ! (Aravis en 1983).
Ce vélo sait aussi combien je chante faux, il connaît le répertoire de mes jurons (fabuleux !), il connaît mon obstination, mes limites, ma générosité. Il connaît les joies intenses des sommets et des grands cols, les yeux mouillés d'émotion : la Bonette, l'Izoard avec " Pierre " etc...

Ce vélo est le témoin des efforts gratuits, pour l'honneur. Il est aussi le Sésame des amitiés indéfectibles que nous échangeons entre cyclos et de ces échanges de saluts fugaces et profonds le long des routes.

Ce jour là, je crois bien que je lui ai prêté une vie propre à lui, le miroir de la mienne.

En laçant mes chaussures, assis sur le rocher d'en face, me revient ce vers de Lamartine :

" Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? "

Jean ROCHE N°1811

METZ (Moselle)


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