Amis, chasseurs de 2000 et plus, passez votre chemin: la Nouvelle Zélande n'est pas une terre d'opportunités. Le plus haut col cyclable atteint certes la respectable cote de 4398. Hélas, ce sont des pieds (1), ce qui n avance guère - c'eut été mesuré en tours de roue, on aurait encore pu espérer. La Nouvelle Zélande, où la race ovine prédomine fortement (95,5 % de la population totale, la minorité dite "humaine" ayant cependant réussi à faire respecter ses droits, afin de ne pas se laisser tondre la l... oui, bon), est composée de deux îles principales : l'île du nord, sismique à l'écoute du moi profond de la terre, l'île du sud, divisée par les Alpes Néo-zélandaises, aux paysages nordiques. Quelque chose entre la Norvège, l'Islande et l'Ecosse, dans ce dernier cas surtout pour les moutons. Les Alpes Néo-zélandaises, culminant à 3764 mètres au Mont Cook, se franchissent en trois lieux somme toute assez bas: 563m, 920m et 685m. Pas de quoi fouetter une chaîne. Mes amis de Christchurch m'avaient mis en garde contre l'Arthurs Pass, qui du haut de ses 920 mètres était le plus dur col de l'île. Endurci à nos Alpes, nos Pyrénées, les Rocheuses et les Andes, je ne pouvais m'empêcher d'esquisser un sourire quelque peu supérieur. Broutilles que tout cela. Dans la bonne vieille tradition pionnière et "personnaliste" du Nouveau Monde, c'est Arthur Dobson qui découvrit et légua (ce qui nous fait un bon legs) son nom à cette passe, le plus court chemin entre les colonies installées sur la côte Est, et les mines d'or récemment mises à jour sur la côte Ouest. Avis aux "Cent Colistes": toute personne qui découvrira un col caché, ignoré de tous, dans le Massif Armoricain, les Ardennes, la Gâtine Poitevine ou les Marches Creusoises sera autorisée à donner son nom de pionnier. Non mais quoi, y'a pas d'raison! Aujourd'hui, la voie ferrée sert plus prosaïquement à transborder le charbon d'une côte à l'autre. La route, elle, voit surtout passer des touristes, cette voie étant interdite aux véhicules de plus de 13 mètres. A voir les monstres qui m'y ont dépassé ou croisé, quelque chose me dit que le mètre étalon s'est dilaté en traversant les tropiques pour arriver jus qu'ici. Laissant les paysages sauvages et la végétation luxuriante de la côte Ouest, je boucle la boucle en dix semaines de route chez nos amis kiwis (2) en retournant au Christchurch, naturellement par l'Arthurs Pass; simple formalité. Il suffit de demander au vélo de mettre une roue devant l'autre, pas plus compliqué que cela. Du reste, ça commence bien: la large vallée de Taramakan (3) est plate, et le vent s'y engouffre joyeusement. Allez on fait une croix sur ce col, il est virtuellement franchi. Dur qu'ils disaient ces kiwis ! un rien les impressionne. |
Tiens quelques petits à-coups... Bah, la bête veut m'en conter. Au village d'Otira, il me reste 10 kilomètres pour monter 500 mètres. Calculez-moi le pourcentage moyen, je ramasse les copies au sommet. Eh, cette route ne se décide toujours pas à monter ! Recalcul des distances, coup d'oeil suspicieux vers l'altimètre. Encore un qui se laisse impressionner par le beau temps, il est vrai assez inhabituel sur la côte Ouest et refuse de grimper. Zut, reste plus que 5 kilomètres pour 354 mètres; ça va encore. A coups de plus en plus rudes, l'altimètre commence à faire valser les chiffres. Nous avons affaire à une montagne qui ne veut pas se laisser monter comme ça. Qu'a cela ne tienne, on va réparer l'oubli. Les cale-pieds aussi serrés que les dents (j'en ai mal à la mâchoire, rien que d'y penser - pauvres cale-pieds, comme ils ont du souffrir !), j'accroche chaque mètre que la route me concède de mauvais gré. La vache!, en moins de 3 kilomètres, je viens de monter plus de 300 mètres! Avec 30 kilos de charge, ça pèse dans les mollets. Et je ne suis pas pour autant au col, mais perché au-dessus de la vallée, juste sur la crête d'une falaise couverte d'éboulis. Il faut d'abord redescendre brutalement jus qu'au pont, avant d'atteindre le col, que je vois maintenant tout proche. Chose faite, en serrant les cale-pieds et les dents. Voila, j'y s.... Eh non, ce n'est pas encore le col ! Ce faux seuil me cachait une dépression, à redescendre, afin d'atteindre la passe. Vicelarde de montagne ! On lui a très mal expliqué qui j'étais. Souffle et coups de pédale courts, j'atteins enfin le sommet. 4 kilomètres plus bas, au village d'Arthurs Pass, la voie ferrée rejoint la route, après un passage souterrain, pour redescendre tranquillement vers Christchurch et la plaine de Canterbury, longeant une douce vallée. La route, elle, au moyen d'un tracé tout en fantaisie, me fera encore franchir le Goldney Saddle, le Graigieburn Cutting, le Lyndon Summit puis le Porters Pass, avant de daigner s'abaisser au niveau de la mer. La prochaine fois Arthur, t'iras percher tes cols ailleurs ! (1) - lsland Saddle, 4398 feed = 1340 mètres. sur une piste privée. Autorisation nécessaire. S'informer à la maison forestière de Hamer Springs. (2) - Surnom des habitants de Nouvelle Zélande. (3) - Les noms Maons, premiers découvreurs de la Nouvelle Zélande, sont très fréquents dans la toponymie. Frédérick FERCHAUX n°2523 Marly la Ville (Val-d'Oise) |