COUP de FROID... Pâques 1994. Dès la fin des savoureux discours des maires de Vitrolles et Céreste pour le baptême d'un petit nouveau-né de l'année 1994 le col de l'Aire dei Masco (04-0697), porté sur les fonds baptismaux en ce jour pascal par toute la crème Centcoliste, Jean-Pierre et moi filons vers Grasse prendre le départ d'un tour de la lavande en autonomie complète sur quatre jours avec plus de 40 cols au programme. Dont, bien sûr, celui qui est interdit pour cause de camp militaire et que chacun d'entre nous rêve d'inscrire à son palmarès : la fameuse Glacière ! Comme il se doit, les organisateurs nous ont fortement recommandé de ne pas s'y frotter ! Certains inconscients se seraient, parait-il, fait reconduire vers les limites du camp "manu-militari". Mais enfin notre compère Jean-Jacques de Niort (revue 100 cols n° 21 - page 30) avait bravé l'interdiction, sans rencontrer âme qui vive et en était ressorti "heureux comme un gosse qui aurait chipé des friandises au nez et à la barbe du marchand !". Pourquoi pas nous ? Ayant prévu de faire étape à Bargemon, nous avions élaboré une stratégie pour échapper à la vigilance des militaires. Première tentative, en fin d'après-midi, par le village de Brovès, en jouant le rôle de deux innocents un peu demeurés. Du genre: "Y a-t-il des tirs ces jours-ci ? C'est surveillé comment ? Vous y êtes déjà allé, vous, au col de la Glacière ? etc..". Manoeuvre de diversion préparatoire à l'attaque véritable pour le lendemain matin... par l'autre coté, c'est à dire la D563 peu après le col de Bourigaille (83-0751). Stratégie imparable, selon moi, et qui nous permettait aussi de récolter au passage le col d'Aisse (83-0955). Village de Brovès, bientôt 17 h. Silence absolu. Nous déclenchons la phase UN, en ignorant les multiples panneaux "Terrain militaire, Entrée strictement interdite". Progression de 300 mètres, tous sens en alerte. Un groupe de bâtiments sans aucune âme. Même pas un animal. Silence absolu. Les grondements de canons entendus en début d'après-midi avant Comps-sur-Artuby se sont tus. Nous avançons... à pied, presque rampant. Une pancarte fléchée : "Renseignements". Jean-Pierre veut passer outre. Moi, ça m'ennuie pour les organisateurs de la rando... et parce que je préfère ma stratégie, à double détente. Enfin une âme ! Un superbe militaire "carte postale", dans un treillis tout neuf et fortement armé... d'un balai. Il nettoie la salle de garde et il est seul ! Absolument seul ! Il nous explique dans un français partiel, appris à la Légion avec un accent est-européen très marqué, que son rôle n'est pas de monter la garde mais simplement d'indiquer aux inconscients qui veulent se risquer en zone interdite : "Que personne n'y va jamais, sinon avec un engin de déminage blindé, car cette zone est utilisée pour des essais de munitions de nouvelle génération, qui présentent la particularité d'exploser une fois sur deux... et quelquefois six mois après, au passage d'un écureuil ! Brr ! Lui-même n'irait pas pour tout l'or... Notre entretien sera plus long car ce monsieur s'emm... et il est très bavard. Mais l'enquête est suffisante ! Adieu veaux, vaches, cochons... et Glacière ! Audacieux certes mais pas inconscients! Même Si le risque de sauter sur une mine est très faible, nous ne le prendrons pas. Nous avons des familles et beaucoup de copains qui nous attendent pour gravir encore beaucoup de cols... |
et COUP de COEUR Nouvelle crise de " Centcolite " pour l'Ascension dans la Basse Ardèche, en compagnie de mon autre compère Bernard. Suivez le guide ! Nous sortons de Vals-les-Bains par la D578, plein nord direction Antraigues-sur-Volane. Après cinq kilomètres de pente douce, nous traversons un petit village au nom évocateur d'Asperjoc. Asperjoc est une commune dont le coeur est perché à 500m d'altitude et dont les pieds s'étirent au fond de deux vallées encaissées : à l'ouest le Bésorgues qui traverse Asperjoc-Nogier, à l'est la Volane qui murmure en contrebas d'Asperjoc-Rigaudet. Pour aller du pied Rigaudet jusqu'au coeur, il faut grimper un versant à forte pente qui paraît inaccessible. Mais juste à la sortie de Rigaudet, une toute petite route, large comme un char à boeufs, herbue mais très carrossable, s'attaque sans hésitation à ce rude obstacle. Un petit panneau indique "Thieuré". La pente est rigoureusement fixée à 5%, limite autorisée par la traction animale lors de sa construction au siècle dernier. Nous nous élevons rapidement entre deux haies de genêts en fleur, par de superbes lacets posés sur de solides murs de soutènement en parpaing de granit. L'étroitesse de la route et la courte distance qui sépare deux lacets successifs donnent l'impression de gravir un grand col, un Rousset miniature, un Stelvio de poche. Comme la pente est douce, l'esprit est libre pour jouir du paysage, pour écouter la mélodie qui monte des orgues basaltiques jalonnant l'autre rive de la Volane, pour penser à nos deux aïeux endimanchés gravissant ces pentes au pas de leurs mules. Après avoir traversé quelques prairies, nous laissons à droite la route de crête qui conduit vers Antraigues ? La pente devient un peu plus forte quand nous pénétrons dans une belle forêt de châtaigniers. Une ou deux habitations et soudainement, une route en corniche. Mais est-ce un mirage ? C'est la Croix de Fer au-dessus de St-Sorlin ! Comme précédemment dans les lacets, l'illusion est totale et le panorama est grandiose. En bas Volane et orgues basaltiques sont désormais des modèles réduits. La route s'est aplatie, nous sommes parvenus sur les hautes terres d'Asperjoc. Un calvaire apparaît, c'est la Croix du Coulet, c'est le sommet du col (07-0551). A gauche, la chapelle de Thieuré, plantée comme un oriflamme à la proue du navire, domine la confluence des rivières et la cité de Vals-les-Bains. A droite, la route descend vers Asperjoc-le-Haut puis plonge dans la vallée du Bésorgues. Belle descente mais le coup de coeur est passé. La beauté était sur l'autre versant. Allez un jour de printemps y apaiser votre âme. Nos ancêtres savaient tracer des routes merveilleuses. Vive le vélo qui nous permet de les parcourir et de les déguster. Gilbert JACCON N°3497 Beaune (Côte-d'Or) |