Ce dimanche 28 mai 1995 commencera par un voyage d'une trentaine de kilomètres en train à destination de Sestri-Levante. Le train est à l'heure et nous nous hissons dans l'un des wagons de voyageurs puisque si ce train accepte le transport des vélos accompagnés, rien de spécifique n'est prévu. La taxe pour le vélo me coûtera plus que mon propre billet, tout en demeurant d'un montant très très modique (moins de 15 francs). Dans les nombreux tunnels qui me mènent à destination, je me remémore la "festa del limone" qui avait paré toutes les vitrines de Monterosso, charmante bourgade balnéaire des Cinque Terre, d'une symphonie en jaune et vert. Le plus gros citron produit dans la zone accusa le poids respectable de 1240 grammes ce qui conduisit le jury à le goûter afin de vérifier qu'il ne s'agissait pas d'un faux-frère, le cédrat en l'occurrence. Sur la place de la gare de Sestri Levante, plusieurs cyclistes papotent joyeusement. Je me joins au groupe, accueilli par le président des 100 Cols italiens, Alberto Ferraris et par l'organisateur de cette concentration: Giuseppe Scotto. Je suis le seul inscrit "étranger", encore que mes origines piémontaises... Nous sommes en Ligurie, étroite bande de terre coincée entre la chaîne des Appenins et la mer Ligure. Connue surtout par ses deux Riviera, celle du Ponant à l'ouest de Gênes et, celle du Levant à l'est, elle est parcourue par des vallées étroites et profondes, perpendiculaires à la côte. Les oliviers et la vigne constituent l'essentiel des cultures de la Ligurie du Levant qui bénéficie d'un climat méditerranéen. Pour les collectionneurs de cols c'est une région qui mérite le détour puisque Georges Rossini y a dénombré pas moins de 291 cols. (pas un seul, hélas, n'atteint les 2000 m). Mais revenons plutôt à cette concentration. Après les photos d'usage, le groupe, fort d'une quarantaine de cyclistes dont deux cyclotes aux formes plus avenantes que les escarpements qui s'offrent à notre vue, s'élance pour parcourir les 17 cols inscrits au programme de la journée. La pente est modérée et régulière et nous permet de dominer rapidement la mer en nous offrant une vue remarquable sur la station balnéaire de Moneglia. Au carrefour de la Baracca une pause casse-croûte permettra aux attardés de recoller au groupe de tête. Le soleil qui jouait à cache-cache avec la brume qui s'élevait par instant de la mer sera désormais omniprésent. |
Peu après, nous rejoindrons des routes plus étroites et plus tourmentées qui nous éloignent de la mer. Les collines décharnées portent de moins en moins fréquemment l'olivier. Le paysage est varié : vallées profondes, bourgs perchés et pauvres, bois de châtaigniers. Après deux nouvelles haltes, je quitte le gros de la troupe pour rejoindre le Passo del Bocco via la Colla dei Faggi (1050 m) en compagnie de deux équipiers fort aguerris. Dans cette montée d'une douzaine de kilomètres vers le 15ème col de la journée, je ne pourrai suivre mes deux compagnons pressés de terminer le parcours afin d'aller fabriquer les énormes roues de Parmesan à 25 km de Sestri-Levante. Péniblement j'atteindrai le col où épouse et enfants sont au rendez-vous. Le déjeuner qui m'y attend, à l'ombre des faggi (hêtres) est particulièrement bienvenu. Des impératifs familiaux ne me permettront pas de terminer le circuit. Deux cols au moins (plus quelques autres...) m'imposeront dès que l'occasion se présentera de retourner en Ligurie. Avant de quitter ce col, j'aurai l'occasion de saluer et d'encourager une bonne partie des participants à la concentration qui, profitant de ma pause-déjeuner, ont franchi pendant ce temps les escarpements du Colla del Faggi. René USEO N°2848 SEYNOD (Haute Savoie) |