Nous avions franchi le col du Télégraphe sous une pluie glaciale... Un arrêt à Valloire nous avait permis de nous réchauffer en absorbant un breuvage bouillant. Mais il fallait bien remonter en selle et partir à l'assaut de ce Galibier en dépit des mauvaises conditions météo qui renforçaient encore notre appréhension. La pluie avait fait place à un épais brouillard et les rares voitures descendant du col arboraient leurs feux de croisement, malgré cela nous ne les apercevions qu'au dernier moment. Nous moulinions dans cette très longue rampe rectiligne qui conduit à Plan-Lachat, distinguant à peine le copain nous précédant de vingt mètres. Au bout de quelques kilomètres nous stoppons un instant, l'absence de visibilité nous fait hésiter à poursuivre. En outre nous nous demandons ce que nous allons trouver plus haut, la chaussée devenant glissante par endroits... La "majorité" ayant opté pour continuer nous reprenons notre lente et hasardeuse progression. Tant bien que mal nous atteignons Plan-Lachat, ses pourcentages sévères, ses beaux lacets et... des tas de neige de chaque côté de la route. De cet endroit jusqu'au tunnel nous marquons plusieurs arrêts, ce col est le quatrième de la journée et la fatigue se fait sentir. Un panneau "Col du Galibier Alt. 2556m" émerge de la neige entassée là par les engins des Ponts et Chaussées, tout contre le tunnel désormais infranchissable. L'un d'entre nous, qui entrevoyait la fin de ses souffrances en pensant passer dans le tunnel et que je m'étais bien gardé de décourager en lui annonçant le contraire, est déçu et mécontent... |
Dans le dernier kilomètre, où les engins ont taillé dans la neige un étroit couloir permettant juste le passage d'une voiture, nous grimpons tantôt sur nos machines, tantôt à pieds lorsque la couche durcie fait office de patinoire, trimant, ahanant, pestant contre le mauvais temps de ce début de juillet !... Et brusquement, les nuées dans lesquelles nous évoluions depuis près de trois heures, disparaissent comme par enchantement. Emergeant du brouillard les sommets blancs nous dominent de toute leur splendeur. Au col (alt. 2642 m), enfin atteint, c'est un merveilleux coucher de soleil qui colore la montagne. En toile de fond se détachent les célèbres sommets des Ecrins et de la Meije. Le moment de contemplation passé, il ne nous reste plus qu'à descendre vers le Lautaret. Un salut au passage au monument dédié à Henri Desgrange situé près de l'autre orifice du tunnel, et nous terminons cette dure étape dans le froid glacial, sur la chaussée glissante, mais avec la perspective d'un bain chaud, d'un repas copieux, et d'une nouvelle joyeuse soirée entre amis. Abel LEQUIEN N°1810 WILLENCOURT (Pas de Calais) |