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Col du Sabot, premier 2000

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Jusqu'à ces derniers mois, le plus haut col routier et goudronné de l'Isère était le Col de Sarenne avec ses 1999 m. Bien sûr, il existe des sentiers ou des pistes, parfois cyclables en VTT, avec des cols dépassant les 3000 m, mais des routes pour nos coursiers et randonneuses avec pneus de 20 ou de 23, point !

Et puis voilà que notre ami du club, Robert, découvre, via une connaissance et Internet, que depuis peu, le col du Sabot - altitude 2100 m - reliant Vaujany au barrage de Grand Maison, venait d'être goudronné jusqu'au sommet. Ce n'était pas tombé dans l'oreille d'un sourd et il convenait de vérifier ! ...

Voilà justement que ce mardi 17 Août 1999, la Grande Boucle Féminine, ex Tour de France Féminin, fait étape à Vaujany. Zora et moi, tous deux sociétaires du "Club des Cent Cols", sautons sur l'occasion (un "plus de 2000" ça compte !). Le matin, nous gravirons le Col du Sabot et l'après-midi, nous irons applaudir nos championnes.

Allemont est le point de départ. Beau temps nuageux et pas trop chaud : idéal pour le vélo. Nous bordons le lac sur la route du Col de la Croix de Fer puis, au bout de 3 ou 4 km, nous abordons à droite la montée en lacets vers Vaujany. Passages proches de 10 %, mais montée agréable, notre vitesse est de l'ordre de 7/8 km/h, permettant d'apprécier les paysages. Nous traversons Vaujany, en effervescence avec l'installation du podium d'arrivée de l'étape du jour, et poursuivons sur la D 43a vers La Villette, altitude 1250 m.

Nous y voilà et, sur la gauche, nous abordons les premières rampes du Col du Sabot proprement dit.
La route s'élève en longs lacets où s'intercalent des sinuosités rompant la monotonie. De lacet en lacet, nous retrouvons un petit groupe de marcheurs qui grimpe un petit sentier sécant, conduisant lui aussi au Col du Sabot. La route, goudronnée depuis peu, est fortement gravillonnée et nous oblige à suivre les traces tassées laissées par les voitures. La pente assez rude avoisine les 10 % et ne se relâchera que dans la partie centrale du col. En effet, en 10 km nous nous élèverons de 850 m. Chaque grand virage en épingle est prétexte à un arrêt pour admirer le paysage - avec, par rapport à la direction du col : le pic de l'Etendard (3468 m) et les Cimes de la Cochette (3238 m) à droite, les Aiguillettes (2553 m) en face, et le Bissiou (2622 m) à gauche) - mais aussi et surtout, pour souffler et entamer allégrement notre réserve de petits sandwichs au jambon cru.

C'est tellement bon en vélo et ça change des barres et des figues !
Au cours d'un de ces arrêts, un autochtone sexagénaire nous rejoint en VTT. Brin de causette. Le col a toujours été sa montée "plaisir", même à l'époque où ce n'était qu'un chemin. Le voilà reparti.
Et puis nous aussi... Enfin, le sommet est en vue et, 200 m avant, la route est envahie par une nuée de moutons. Pied à terre, le vélo à la main, nous nous frayons un passage, nous amusant à répondre aux bêlements par des bêlements. Une sorte de conversation s'engage. C'est à qui bêlera le plus. Trois ânes nous suivent et le plus grand vient sur moi et plonge carrément son museau sur ma sacoche de guidon : il a manifestement senti l'odeur du pain et des sandwichs. Comme quoi, les ânes sont de fins connaisseurs...

Voilà le sommet du col. La route goudronnée s'arrête brusquement et un chemin descendant la prolonge. En bas, en face, nous avons une magnifique vue sur le barrage et le lac de Grand Maison surplombé par la route du col de la Croix de Fer.
Il est midi. Nous redescendons prudemment à cause des gravillons, évitant de prendre de la vitesse.
Quand les gravillons auront disparu, la descente sera agréable et spectaculaire.

Arrêt dans un bar à Vaujany où nous accompagnons nos derniers sandwiches d'un demi pour moi et d'un panaché (bien blanc) pour Zora. Un jeune cycliste, bavard comme pas possible et un peu "folklo" s'assoit à notre table et nous raconte qu'il correspond avec une " coureuse " du Tour féminin, qu'il espère la retrouver tout à l'heure et qu'il a prévu de lui faire un petit cadeau. En même temps, il sort de la poche arrière de son maillot un petit paquet cadeau tout fripé et sale et nous le montre fièrement. Tout un poème !

Après une bonne heure de repos et de discussions, nous redescendons de quelques kilomètres pour nous installer en spectateurs au-dessus de deux virages bien visibles en contrebas. Fruit du hasard, nous nous arrêtons juste à l'endroit qu'a choisi Roger, un ami cyclo de notre club, pour voir passer le Tour.

Nos championnes arrivent enfin. Le trio de tête est composé des trois premières du classement général: les miss Ziliute, Polkhanova et Pucinskaité. Entraînant un 39x16 ou un 42x18, elles passent à toute allure. Attaque de miss Polkhanova qui gagnera l'étape. Les autres sont déjà loin derrière. Et puis, à quelque 25 mn, passe un couple de concurrentes montant côte à côte et bavardant tranquillement. Passant à notre hauteur, Zora qui les applaudissait, ne peut s'empêcher de leur lancer joyeusement : " Allez, allez ! C'est pas du cyclotourisme, oh !"

L'une des deux se retourne, deux mitraillettes à la place des yeux, et lance avec un fort accent courroucé : "Cyclo...tourisme ? !"

Évidemment, elles montaient à 14 km/h ; ce matin, au même endroit, Zora était à 7... D'où la question !
N'empêche, elles n'ont pas monté le Col du Sabot, premier 2000 de l'Isère, elles !

Robert POSITELLO N°3504

de Le CHAMP (Isère)


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