En ce caniculaire mois d'août, je m'extraie sans trop de difficultés du col Amic et envisage avec une certaine sérénité le passage de celui du Silberloch. La montagne vosgienne, qui absorbe stoïquement les rayons d'un soleil implacable, dégage une puissante senteur de résine surchauffée. Soudain une mouche banale, ni grosse, ni petite, ni à miel, ni à autre chose de malodorant, bref la mouche normale, se pose sur le transparent de la sacoche de guidon qui protége l'itinéraire du jour. La mouche semble beaucoup s'intéresser aux caractères qu'elle découvre au fur et à mesure qu'elle se déplace à la surface du rhodoïd et ne paraît guère perturbée par une vitesse au demeurant fort modeste. La pente s'infléchissant, la vitesse augmente naturellement. Tout en conservant un œil attentif sur les sinuosités de la route j'admire le comportement de l'insecte. La mouche écarte plus largement ses pattes, se place face au vent relatif, et modifie constamment le positionnement de ses ailes. Abandonnant leur position habituelle elles se collent plus ou moins au corps, comme pour le fuseler. La vitesse croît encore et ma petite protégée a de plus en plus de mal à se maintenir en place. En dépit de ses efforts elle ne cesse de glisser. Mais avec une adresse prodigieuse elle tire des bords comme un vieux loup de mer et surmonte la pression. |
La route remonte vers le col d'Herrenfluh. Madame la Mouche semble apprécier le répit. Au sommet de l'Herrenfluh, la passagère se retourne, frotte l'une contre l'autre ses deux pattes avant et semble me regarder. Et puis, comme la départementale plonge sur Uflholz, ma minuscule compagne, qui ne tient sûrement pas à renouveler l'éprouvante séance d'essais en soufflerie, décolle gracieusement, passe près de mon oreille et me bzie-bzie * une sorte de remerciement. Cernay… Thann… j'emprunte l'itinéraire conseillé par un cyclo de rencontre pour éviter la confrontation directe avec le col d'Hundsrück. Je passe par Rammersmatt, Bourbach le Bas et Bourbach le Haut. C'est plus long, sûrement aussi raide et je commence à trouver les dernières pentes passablement indigestes. Une mouche se pose sur la sacoche. ..je jurerai qu'il s'agit de celle tout à l'heure tant la ressemblance est frappante. Elle s'immobilise sur le mot Hundsrück, se retourne pour me faire face, frotte l'une contre l'autre ses deux pattes avant et ne consent à s'envoler qu'une fois le sommet du col atteint. Comme au passage j'ai droit au même bzi-bzi le doute n'est plus permis mon amie la mouche a pris le plus court chemin ! * Il est bien connu, que si les fourmis « crohondent », les mouches, sauf évidemment les tsé-tsé « bzient bzient » René CODANI CC n°1882 |