Je l'avais retrouvé à la présentation de l'émission de la RTBF « Le beau vélo du Ravel » qui organise chaque année une grande fête du vélo, chaque samedi des vacances, pour promouvoir les balades familiales à bicyclette le long des chemins de halage et des anciennes voies de chemin de fer désaffectées et « recyclées » ce qui permet de pédaler et de découvrir des coins superbes de notre Wallonie. Bon d'accord les « Ravels », ces chemins de voies lentes, sont plats comme la main et donc l'opposé d'un col mais qu'est ce que vous voulez: l'amour de la bicyclette et la rencontre de tant de gens amoureux de la petite reine... (même Télérama s’en est fait l’écho... cet engouement n'a pas de frontière). Mais ne nous égarons pas sur des chemins de traverse. Je l’ai donc rencontré à ce moment là. Lui, c'est Roger Laboureur qui est à la RTBF (notre radio publique à nous) ce que Robert Chapatte ou Gérard Holtz sont aux médias français. Autant dire tout un mythe d'autant plus que Roger est un ancien. Il a, entre autres choses, commenté bien des exploits d'Eddy Merckx. - Alors, t'es venu à vélo? qu'il me lance. C'est vrai que j'étais venu à vélo... 150 km aller-retour le long du canal et de la Sambre (sur lesquels Stevenson navigua sur un canoë... J'aime ces rêveries en roulant à vélo...) - T'es vraiment sot... Mais tu sais, il y a un col pas loin d'ici : le col de Landelies. On dirait un vrai : 177 mètres et quelques beaux virages dans les bois... Ca vaut le détour !! La présentation terminée, j’enfourche mon vélo bien décidé à tâter de ce col. Quelques kilomètres le long de la Sambre (on se croirait le long des bayous de Louisiane...), un pont-écluse à franchir (un pont à la Van Gogh), un virage à droite et les premiers lacets... Derrière moi, une voiture hésite à me dépasser - la route est étroite - puis, lentement, arrive à ma hauteur et j'entends cette voix, tant entendue à la radio, qui commente ma montée avec des mots grandiloquents : « Magnifique... C'est un véritable exploit auquel on assiste... !» |
J'en ai des frissons. C'est tout un passé qui me revient où, l'oreille accrochée au poste de radio, j'écoutais la voix de Roger Laboureur - la route du Tour - commenter les exploits des coureurs dans les Alpes ou le Tourmalet. « Oui... et bientôt il franchira la ligne comptant pour le Grand Prix de la Montagne, il endossera le maillot à pois... plus que quelques mètres et ouuui... Sans doute même le maillot Jaune... » Cette voix... Elle donne des ailes. Je voudrais que la montée ne s'arrête plus mais 177 m de hauteur ce n'est pas grand chose... On est déjà au sommet... La voiture s'arrête, Roger Laboureur en descend, on s’embrasse. Je suis un peu essoufflé, lui est rayonnant. - « Ca me rappelle bien des choses » qu'il me dit la larme à l'oeil. - « Moi aussi, Roger ! » mais il ne m'a pas entendu. Il était déjà reparti dans un grand sourire... Et j’ai continué ma route, la tête ailleurs... avec cette voix mythique dans l’oreille. Je n'ai jamais eu l'esprit d’un « coureur », je suis « cyclo » et pourtant d'un seul coup Roger Laboureur m'a fait voyager bien plus loin que sur la route où, à vélo, on n'est jamais seul, mais toujours avec une histoire, une chanson, une image d'un paysage traversé. Comme à chaque fois qu'on grimpe un col... Je me doute que le « Col de Landelies 177 m » (comme l'indique la plaque le long de la route) n'est pas homologué (ce que je comprends aisément). Mais depuis ce jour-là, ce col compte beaucoup pour moi. Car il faut bien l’avouer, chaque col est plus qu’une route qui aboutit à un endroit où une plaque indique une hauteur, c’est chaque fois comme un merveilleux voyage à l’intérieur de soi-même, de ce qu’on est, et de toutes ces histoires et légendes de vélo qu’on a écoutées les yeux écarquillés et qu’on a emmagasinées quand on était enfant. Merci Roger et à bientôt sur le bord de nos routes. Christian Merveille CC n°3861 |