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Trois papys pédaleurs au pays d'Eldorado

Revue N° 32 Page 33

Journal de voyage numéro 1
Huanco (Pérou), le 7 décembre 2002

On ne vous parlera que très peu de LIMA où nous sommes arrivés le 17 novembre dernier car nous n'y avons pas fait de véritable expérience vélocipédique de peur que notre périple au Pérou ne s'y termine prématurément : circulation infernale tout azimut, pollution effarante, priorité au plus fort, toujours une voiture, mieux un autobus, encore mieux un camion, sans stop, sans clignotant, sans rien d’ailleurs parfois qu’un kamikaze au volant. Un peu de tourisme à Lima donc, quelques musées histoire de se resituer parmi les Incas, les Mayas et autres Aztèques, quelques églises et enfin préparation du départ avec les derniers achats. Tentative de vol à la tire sur la personne de RdR, tentative qui a tourné à la corrida car notre papy Robert Dervaux a conservé une bonne pointe de vitesse et d’excellents réflexes ! En coursant les voleurs il a attiré l’attention des policiers qui quadrillent en général tous les rassemblements de foule à Lima. Les chiens policiers s’y sont mis également et la foule, tout particulièrement jeune, nous nous trouvions près de l’université, se mettait à pousser des « Ollé » chaque fois qu’un des deux jeunes voleurs esquivait soit un papy, soit un policier. L’histoire s’arrête là car si les 2 jeunes furent définitivement arrêtés, aucune plainte ne fut déposée, comme le souhaitaient les policiers.

Première étape du voyage : traversée en zigzag de la Cordillère blanche où se trouvent les plus hauts sommets du Pérou, HUSCAYAN, ALPAMAYO etc… Des plus de 6000 m entourés de grands glaciers, mais pour y arriver il faut s’y faufiler en laissant la Cordillère noire à l’ouest, 500 km plus au nord de Lima. Un petit peu de Panaméricaine, route mythique chez les cyclos au long cours et qui traverse les Amériques du Nord au Sud ; elle nous tentait, ne serait-ce que pour voir. Nous voilà donc partis pour 479 km de désert jusqu'a CHIMBOTE, point d’entrée le plus au nord pour accéder aux Cordillères. Rien de bien particulier à dire sur ce désert côtier, presque toujours noyé dans le brouillard. Le désert péruvien, c'est bien désert (!) et de voir parfois à quelques centaines de mètres les rouleaux du Pacifique n’a pas suffi à estomper les innombrables côtes, parfois très sévères, qui jalonnaient le parcours. Quatre jours pour rejoindre CHIMBOTE. Ville qui restera marquée dans notre voyage car nous y avons subi une attaque frontale et massive de puces qui nous a laissés comme criblés à la chevrotine... Rien que sur ma jambe droite (RdR), on a dénombré 63 piqûres ! multipliez cela par 6 jambes et 6 bras et vous aurez une idée de l'importance de l’assaut.

Au départ de CHIMBOTE nous avons choisi de rejoindre HUARAZ, ville la plus importante pour accéder à la Cordillère blanche ainsi qu’à la noire, par la piste, en empruntant le « cañon del Piso » piste supportable pendant une vingtaine de km, puis ensuite progression par bons (c'est une image...) de un ou deux km, arrêt pour reprendre du souffle, car nous sommes maintenant dans la zone des 3000 mètres, re-départ, arrêt, reprise de souffle et ainsi de suite pendant toute la journée. Les vélos souffrent déjà, pour les bonhommes cela ne va pas tarder. Plus de 150 km de piste donc, des hébergements toujours sympathiques, bien que souvent à la limite du sordide, le tout émaillé d'incidents physiques ou autres qui marquent notre progression. Ainsi comme ce matin où je m'aperçois, 3/4 d'heure après un arrêt pour besoin naturel à la sortie d'un hameau, que j'ai oublié mon sac à dos sur le bord de la route, sac à dos contenant passeport, une bonne somme d'argent, carte bleue... ! Imaginez le choc, la descente qui s'ensuit au risque de casser le vélo, voire le bonhomme, et surtout le cri poussé, un vrai cri de joie, lorsque à 200 mètres de là j'ai aperçu mon sac toujours au bord de la route.

Nous avons également repris notre concours de crevaisons, commencé voici deux ans dans l'Himalaya, et Robert Dervaux, tout comme il y a deux ans, ne nous a laissé aucune chance en reprenant vigoureusement la tête de la compétition. Résultat final dans trois mois. Nous retrouvons la route une vingtaine de km avant CARAZ. Le rédacteur du LONELY PLANET sur le Pérou n'a jamais dû y mettre les pieds car là où il nous annonce 40 km de route asphaltée, nous n’avons eu droit qu’à une piste particulièrement défoncée et dure à maîtriser. Nous suivons maintenant la vallée qui a subi de plein fouet le tremblement de terre de 1970, lequel a fait 250 000 morts. Les signes en sont encore bien visibles. Les villages traversés sont tous construits sur le même moule, un système de quadra, aux blocs de maison en adobe, pas finies, pas de réseaux, des monceaux d'ordures partout, une misère qui ne se cache pas. Séjour de 48 heures à HUARAZ pour glaner notre premier + de 4000 m. Ce sera « l'Abra Punte Callan » à 4225mètres. Robert Dervaux tarde toujours à trouver la forme. Il souffre !

On s’adapte à la cuisine péruvienne pas très variée mais consistante et surtout pas chère (pour nous évidemment, pas pour les péruviens). Pour le moment on est loin des 23 € par jour et par personne que nous avions prévu comme budget au Pérou. Pollo à toutes les sauces, papas (c'est la frite « à la française » péruvienne), Pescado (formule générique pour designer n'importe quel poisson). HUARAZ - CATAC sera la dernière étape avec notre ami Robert Dervaux. Incapable de suivre sur route comme sur piste, où il s'avère que c'est son coeur défaillant qui le handicape, il a décidé de nous quitter et de rentrer en France. La perspective de nouvelles étapes de piste dans la Cordillère Blanche et surtout dans la Cordillère HUAYHUASH qui approche ne lui laisse pas d’autre choix. C'est la solution de la sagesse à laquelle il s'est résigné. Notre dernière nuit ensemble nous la passerons dans une salle de classe d'un village perché à 3800 mètres d'altitude. Une salle de classe construite a minima, hangar au toit de tôle de récupération, sol en terre battue, table en bois de caisse etc. mais avec un accueil si chaleureux des enfants et du directeur de l’école que le décor en passera momentanément au second plan. En rangs d’oignons, ils chanteront en notre honneur l’hymne national péruvien et nous devrons leur rendre la pareille en chantant La Marseillaise. Imaginez les deux Robert et le Jean-Pierre, presque au garde à vous, massacrant à qui mieux, mieux notre chant national. Anthologique ! Et en plus les enfants nous ont appris des mots et phrases en Quetchua, car depuis plusieurs jours nous y sommes en pays Quetchua. Les appareils photos marchent à plein. Egalement les promesses d’envois de courrier et autres fournitures nécessaires à ces classes qui fonctionnent presque sans rien…AU REVOIR ROBERT, à bientôt en France. La poignée de mains d'adieu sera donnée en haut du col de CONACCOCHA, à 4080 mètres. A droite, ça descend, direction Lima pour Robert, à gauche, ça monte, direction l’Abra MOÑJON à 4268 mètres et les nouveaux sentiers et pistes qui suivront immédiatement le col pour Jean Pierre et l’autre Robert.

En ce qui concerne la météo, les prévisions sont faciles à établir, et toujours fiables: matin grand beau, nuages vers midi, pluies diluviennes et orages sur les hauteurs vers 15h, soirée et nuit calme. Et si jusque là nous avons toujours pu tenir compte de ce rythme météo, cette fois-ci, dans la montée de l'Abra YANASHALLA à 4720m, nous avons mis plus de temps que prévu et dès 15 heures, c’est sous la grêle puis la neige que nous avons terminé l’ascension et basculé vers HUANCALLA. Piste boueuse à souhait, pluie battante glacée, mains gelées et complètement ankylosées à force de cramponner les freins. C'est ce moment qu'a choisi Jean-Pierre pour crever, et à l'arrière SVP! Enlever les bagages, démonter la roue, changer la chambre avec les doigts gourds, la pluie battante, les pieds dans 30 cm de boue, interdit de laisser tomber une pièce, faut le faire. Bravo JP ! Jusqu’à HUANACO où est écrit ce premier épisode, ce sera encore 240 km de piste sur les hauts plateaux du centre, piste détrempée, boueuse, avec des ornières si profondes que parfois les sacoches des vélos n'y passent pas. Ce sera aussi des chutes, plus spectaculaires que graves, des traversées de village provoquant l’étonnement voire, devant notre état, l’hilarité des habitants...On savait que de décembre à mars ce n'étaient pas les meilleurs mois pour cycler dans les montagnes péruviennes, et bien on peut vous dire que c’est vrai, mais c'est si beau ici et les gens si accueillants et ouverts (mais pas les chiens péruviens qui nous mènent la vie dure...) qu’on ne regrette rien.

Journal de voyage numéro 2
Ayacucho (Pérou), le 22 décembre 2002

On avance, on avance comme dit Souchon, mais doucement, doucement. C'est bien parti pour passer nos trois mois au Pérou et revenir au Chili une autre saison. D'abord parce que le Pérou on aime, mais ça, vous vous en doutez depuis notre premier journal et ensuite parce qu'on ne peut pas aller beaucoup plus vite en ayant choisi de voyager par les pistes. Enfin et surtout parce que nous avons également choisi de grappiller tous ces petits cols à 4000 mètres et plus (ici on dit Abra, quelquefois Paso ou Portechuelo) qui nous tendent généreusement leurs ornières et leur glissements de terrain en guise de bras.

Mais revenons à HUANCO, ville de 150.000 habitants, porte d'entrée de l’Amazonie péruvienne. Son altitude - 1900 mètres- en fait une ville au climat agréable pour les péruviens qui en ont fait une ville de villégiature (enfin, pour ceux qui en ont les moyens…). Les Péruviens sont assez chaleureux, vous saluent les premiers, engagent facilement la conversation mais...ils sont bruyants et irrespectueux. Bruyants à toute heure du jour et de la nuit, vous dérangeant en criant, hurlant, allumant la télé ou la radio aussi bien la nuit qu'au petit matin. Un peu difficile à s'habituer, surtout pour nous, si calmes. Mais d'ici fin février, peut-être qu'avec l'habitude...

Repos à HUANCO pour remettre les vélos en état, déguster la variante (unique) du Pollo à la Brasa, véritable savoir-faire national, et enfin envisager dès le lundi de monter en deux jours sur l'Altiplano péruvien avec une première halte à CERRO DE PASCO, ville minière située à 4200 mètres d'altitude. Pas moyen de changer la météo, alors on a décidé de contourner le problème en se levant encore plus tôt le matin - 4h45 - afin d'arriver à l'étape au plus tard à 14 heures, heure à laquelle les orages déjà bien gros depuis le matin éclatent. Globalement c’est une stratégie qui nous réussit et nous laisse ainsi du temps pour visiter les lieux où nous faisons étape. C’est tellement rationnel que même Jean-Pierre en oublie de faire sa sieste...

CERRO DE PASCO, ville de plus de 30 000 habitants - la plus haute du monde de cette taille, c'est le panneau d'entrée de ville qui le dit - mais ville où même en été il fait froid, ce qui nous vaudra de faire une ample provision de la production locale de gants, bonnets et écharpes en Alpaca. Car, et oui, nous sommes maintenant au milieu des troupeaux d’alpacas. Il y en a partout. Le premier qu’on a vu, avec ses petits yeux brillants, ses lèvres pincées et sa grosse moumoute sur le dos, on l’a photographié sous toutes les faces. Un exemplaire unique ! Mais les milliers d'exemplaires uniques qu’on a croisés durant les kilomètres suivants, on n’a pas pu les photographier, vous comprendrez aisément pourquoi.

CERRO DE PASCO, c'est 2 cols à 4300 mètres, l'un pour y accéder et l'autre pour en sortir. Ce sont aussi des lagunes magnifiques ainsi que le plus grand lac d'Amérique du sud (Laguna JUNIN) après le TITICACA. C’est aussi des heures à rouler dans les nuages avec sur le dos, sur la tête, les mains, les pieds tout ce qu'on a pu trouver de chaud dans nos bagages pour ne pas geler sur roues... Mais alors, lorsque le soleil se pointe, le spectacle est splendide. Essayez d'imaginer, je sais ce sera difficile, mais essayez quand même : à droite, la lagune à perte de vue, recouverte pour partie de roseaux, avec au fond des collines (c’est arrondi bien qu'à 5000 mètres) partout des alpacas, des lamas, et les cavaliers qui les gardent. A gauche une large pampa avec en toile de fond des sommets enneigés et des glaciers de 6000 mètres, et juste à côté de nous, une voie de chemin de fer qui va se perdre dans le lointain brumeux. Et on est toujours à rouler à plus de 4000 mètres d'altitude. J'arrête ici la description car vous avez enfin compris qu'on a aimé cela.

Arrêt a JUNIN où nous logerons chez l’habitant, faute d’autre lieu. Nouvelle expérience positive. Contacts chaleureux avec les habitants de cette bourgade perchée en plein vent à 3900 m. Deux jeunes filles, perspicaces, qui ont reconnu en nous des touristes (on se demande à quoi on nous reconnaît, nous qui essayons de nous fondre dans le paysage), nous inviteront dans un lieu créé à l'initiative des jeunes locaux afin de donner un peu d'animation à la ville. Malgré le barrage de la langue, la soirée très chaleureuse se prolongera dans la rue lorsqu’ils nous présenteront leur professeur d'anglais. Chaleureux également le départ du lendemain où nos hôtes nous donneront l’accolade, malgré le réveil plus que matinal que nous leur avons imposé.

Passage à LA OROYA. Deux évènements majeurs marqueront notre passage dans cette ville minière à la pollution inimaginable due aux aciéries, aux usines de raffinage de plomb, de cuivre et d'étain, la totale de la pollution ! 2 événements donc. Le premier ce sera la montée de l'Abra TICLIO à 4818 mètres (de plus en plus haut, hourra !), col qui porte en outre le titre de la station ferroviaire la plus haute du monde. Le second événement sera le vol à la tire de mon porte-monnaie qui contenait quelques soles, quelques dollars et surtout ma carte bancaire. Rien vu, rien senti ! Visite à la police de LA OROYA pour obtenir le papier de déclaration de vol : là se trouvait la vraie aventure, là était l’expérience qu'il fallait vivre. On était à deux doigts de déranger le Ministre de l'intérieur péruvien pour ce qui prenait le chemin d’un événement international faute de pouvoir s'entendre au propre et au figuré sur la nature d’une « déclaration de vol », quoique derrière cette incompréhension, l'idée de bakchich pointait le bout de son nez….Heureusement dans la conversation hispano-bredouillante, on a parlé de Zidane et de Desailly. Et là, miracle, le papier tant attendu est arrivé dans les minutes qui suivaient. Secrets de la diplomatie parallèle, merci au ballon rond.

Après LA OROYA, départ pour HUNCAYO, autre grande ville péruvienne perdue dans les montagnes, réputée pour son indépendance et son université, à moins que ce ne soit pour l'indépendance de son université. Nous sommes à 3300 m. Nous faisons route dans la ville vers la Plazza de Armas, dénomination de lieu qui nous sert constamment de point de repère car toute ville ou village péruvien possède la sienne (un héritage de Pizarro !) et là, nous tombons sur... une course cycliste. Une cinquantaine de gars bariolés et numérotés, sur des VTT haut de gamme s'affrontent sur des circuits de 10 à 30 km. Notre objectif à nous, l'hôtel El Dorado le bien nommé, se trouve sur le trajet de la course. Allez Hop ! On s'y insère pendant quelques centaines de mètres, montés sur nos vélos à sacoches bien rebondies et aussitôt c'est une véritable ovation qui nous accompagne. On quitte le circuit mais on a eu notre succès ! Le soir, seconde grande première (hum, hum) le cabaret péruvien: un peu au pif car on ne connaît évidemment pas les artistes locaux, mais le résultat nous enchantera: on en redemande, surtout pour l'ambiance. Les Péruviens aiment vraiment la fête.

HUNCAYO est le point de départ de nos retrouvailles avec la piste. Au programme un trajet de plus de 150 km nous attend. Et quelles pistes! Les pluies quotidiennes les détériorent constamment. A partir d’IZUCHACA c’est dans la boue que nous roulerons. Nous inventons une nouvelle discipline sportive olympique : la nage avec vélo dans la boue. Très physique comme sport ! Evidemment c'est dans ces moments cruciaux que les ennuis mécaniques et autres arrivent. Paraît qu'il y a une loi qui régit ce type d'événements: la loi de l’emm...... maximum. Nous croyons qu’elle existe, nous l’avons vécue. Comble, Jean-Pierre pédale avec aisance dans ce marécage boueux et me laisse sur place. Mes garde-boue portent bien leur nom, ils la gardent bien. Démonter les garde-boue, ça tombe sous le sens, mais la clé de 10, qui c’est qui l’a, hein ? Jean-Pierre évidemment, et où il est Jean-Pierre ? Là-haut, trois virages au-dessus, heureux de jouer dans la boue comme un gosse... Signes désespérés et inutiles de ma part. Je pousse donc le vélo dans la bouillasse, ou plutôt je glisse, je flotte dessus, les roues refusant de jouer le rôle qui leur est normalement dévolu par les lois de la physique, celui de tourner : je patauge, je suis en sandales, imaginez le résultat. Un 4x4 passe sur la piste et hop un petit coup de tyrolienne, les maçons apprécieront l’image. Enfin Jean-Pierre m’entend et m’attend :

Relookage du vélo en VTT, autrement dit démontage des garde-boue qui voyageront maintenant fixés sur le porte-bagages, nettoyage général dans le gué voisin, et c’est reparti pour une séance d’équilibre sur 2 roues. Reparti au ralenti car les bains de boue m’ont épuisé. De plus, c’est au tour du dérailleur de dérailler, suivi ensuite par la chaîne qui ne veut plus entraîner son pignon. Même celle de Jean-Pierre, en bonne camarade, se solidarisera avec la mienne pour ne plus fonctionner. Révolte générale sur la piste. Et il reste pour aujourd'hui un col à 3850 mètres, l'Abra AYACOCHA et une dizaine de km plus loin un autre, l’Abra SACHAPITE à 4090 m. Tiens, voila maintenant la pluie. Toujours la fameuse loi qui joue son rôle. Mais attendez, c'est pas fini : 25 km de descente mouillée, défoncée (pas nous, la piste...) et maintenant 4 km avant HUANCAVELICA, le pont a été emporté par les eaux. On ne passe pas nous dit une Indienne. L’idée de devoir camper ici, sous la pluie, trempés, transis, nous impose de trouver une solution et c’est en équilibre sur les poutres encore en place, vélo sur le dos, que nous passerons la rivière.

HUANCAVELICA est maintenant à notre portée. Nous y passerons deux jours pour conjurer cette fameuse loi et souder le porte-bagages du vélo de Jean-Pierre qui a souffert du parcours. Piste encore, piste toujours. Traversées de pauvres villages désolés. Nous sommes dans la partie la plus pauvre, la plus reculée du Pérou, là où précisément le « Sendero Luminoso» a pris naissance dans les années 80. On peut aisément en comprendre les raisons avec un terrain social si fertile. Pas ou très peu de touristes par ici. Pas de routes, pas d’industrie, des paysans pauvres, sans terre ou si peu, vivant de petits riens avec pour tout avenir un exil dans les bidonvilles des grandes villes pour ne pas crever de faim. Beaucoup de hameaux abandonnés, et là où des gens vivent encore on voit beaucoup d’adultes, jeunes souvent, désoeuvrés. Les images d’Epinal d’Indiennes en tenues traditionnelles bariolées ou de jolis troupeaux d'alpacas menés par de jeunes bergers ne peuvent faire oublier cette triste réalité.
Journal de voyage numéro 3
Arica (Chili), le 12 janvier 2003

On vous a quittés à HUANCAVELICA, à 500 km sur la route de CUZCO. Vu l'état des pistes et l'énorme défaillance de Robert dont les intestins lui font subir le martyre, obligeant à des journées d'arrêt, c'est plus d'une semaine qu'il nous faudra pour franchir cette distance. Nous voyageons toujours avec nos copains les alpacas, et on les aime tellement qu'on s'est même mis à en manger. Grillé ou à la poêle, l'alpaca a la consistance de la grillade de porc et le goût du veau un peu âgé. Toujours des cols à plus de 4000 m au programme, qui s'atteignent par de longues pistes qui remontent les vallées, jamais très pentues, mais toujours caillouteuses, boueuses, truffées de nids de poule, barrées d'ornières et de gués.

C’est le 19 décembre, nous faisons étape à SANTA INES, village perché à 4200 m d'altitude où nous sommes rattrapés par le mauvais temps et la nuit toute proche, faute d'avoir rencontré un autre lieu d'accueil en cours de route. Quelques maisons en adobe, beaucoup d'enfants et évidemment de chiens, un restaurant à la mode péruvienne, pas d'hôtel. Ce sera une chambre chez l'habitant, c'est-à-dire un réduit sans eau ni électricité (mais bougie et allumettes quand même), et miracle de la modernité, avec un WC en état de marche. Repas traditionnel: soupe avec un os de …? (indéterminé) et une pomme de terre, poulet et riz, le tout pour 3 soles, même pas 1 € chacun. Nos vélos font toujours sensation auprès des Péruviens qui nous demandent de les essayer, voire à se faire prendre en photo dessus. Le hic, c'est que les Péruviens sont petits et que nos vélos sont grands, très grand même pour celui de Robert. C’est ainsi qu’à l'arrêt les pieds des Péruviens ne touchent pas le sol et il a mieux valu cesser les expériences qui se soldaient toutes par des chutes.

20 décembre : aujourd'hui les cols vont nous permettre de côtoyer les neiges éternelles. L’Abra APACHETA à 4750 m et le Paso CCORHACCPAMPA à 4130 m nous y amènent. Mais notre chemin nous a de nouveau portés dans une région très peu peuplée où le repas de midi, faute de mieux, se résumera en gaufrettes - la nouvelle découverte gastronomique de Jean-Pierre après le coca-cola pakistanais -, et café. La nuit se passera sous la tente. Camping humide, très humide même parce qu'évidemment comme tous les jours de l'été andin la pluie viendra et s'installera pour une partie de la nuit. Chacun dans sa mini tente, nous continuerons notre repas, solitaires, tout en s'interpellant à travers nos toiles. A 18h30, tout le monde, c'est-à-dire nous deux, sera dans les duvets. Le camping itinérant a au moins ceci de bien, c'est qu'on y dort au moins 10 heures, du coucher au lever du soleil (s'il ne pleut pas avant...)

Noël approche. Il faut se rendre à l'évidence : nous ne serons pas à CUZCO pour la nuit de Noël. Il nous faut viser maintenant le Nouvel An. Les étapes sont plus courtes que prévues à cause de l'état des pistes et du mauvais temps de l'après-midi. Et puis on ne souhaite pas seulement traverser les villes mais également prendre notre temps pour les apprécier. Beaucoup d'églises à visiter au Pérou, souvent fermées, nous obligent à y aller pendant les offices, en essayant d'être discrets et là n'est pas la qualité première des Péruviens.

Lundi 23 décembre : pour bien préparer Noël, nous nous faisons mutuellement cadeau d'une bonne étape de crêtes entre 4000 et 4500 m, avec 11 cols sur des pistes très caillouteuses et bien défoncées. Et un cadeau comme celui-la, ça s'arrose, de préférence avec de la pluie et de la grêle ! Tout cela serait incomplet si on n'y ajoutait pas des ennuis de dérailleur pour Robert et une crevaison pour Jean-Pierre. Généreux, Jean-Pierre, dans la descente, ira même voir dans le fossé s'il n'y est pas et il y était… Plouf !

Arrêt à OCROS : quelques dizaines de pauvres habitations, rues en terre défoncées, l'inévitable « Plazza de Armas », les chiens etc… Chambre presque habituelle, c'est-à-dire sans eau, ni WC, lits douteux: depuis les derniers combats - perdus il va de soi - avec les puces, Robert ne dort plus que dans son duvet.

Départ d'OCROS assez maussade ; d'après les villageois, pas d'hébergement possible à CHINCHEROS, seule bourgade sur notre itinéraire de piste pour ce jour. Devrons nous passer la nuit de Noël sous la tente, même pas dans une étable ? Mais si, CHINCHEROS possède deux ou trois lieux d'accueil et se prépare à la fête. Justement le Père Noël est dans la rue, entouré d'une nuée d'enfants. Des jeunes gens masqués, bâtons à la main poursuivent ces enfants, qui s'en amusent bien, crient, hurlent. Les bandas, orchestres de cuivre, arpentent les rues du village. Des pétards explosent de partout. Et tout cela finit provisoirement car des pétards exploseront à nouveau dans la nuit. L'inévitable orage accompagné de sa pluie diluvienne s'installe vers 17 heures.

Pour vous faire saliver voici notre menu de réveillon: cuisse de poulet, frites péruviennes (variété peu cuite) salade de choux blanc, le tout arrosé d'une bouteille de vin péruvien au goût à mi-chemin entre le mauvais pineau et le cinzano éventé. Coût de cette folle nuit, 4 € pour deux !

Nuit du réveillon : nème bagarre avec les puces. Histoire déjà racontée ! La route du jour de Noël sera jalonnée de fêtes de village très colorées, très musicales. Pas toujours possible de s'y arrêter malgré les invitations empressées des Péruviens, curieux. Ne pas oublier que nous sommes dans des régions où les touristes ne passent guère et les « gringos » attirent toujours une forte attention.

Etape à ANDAHUAYLAS pour se requinquer, suivie d'une nuit mémorable en camping sur la route d'ABANCAY, dernière grande ville à 180 km de CUZCO. Orage énorme à 4000 m d'altitude, orage qui nous inquiète un peu. Nos minuscules abris de toile vont-ils tenir le choc? L'eau ruisselle à seaux. Nous constaterons les dégâts le lendemain, non pas sur nos tentes qui ont vaillamment résisté, mais sur la piste qui est maintenant encombrée d'éboulis impressionnants. Le pont qui permet la remontée sur ABANCAY est inutilisable et ce sera grâce à des paysans du coin que nous pourrons contourner l'obstacle en empruntant un vieux pont en pierres d'origine Inca qui, lui, a tenu le choc. Par la même occasion nous pourrons reprendre l'entraînement à notre discipline favorite, la nage dans la boue avec bicyclette ! Mais encore une fois la boue ne réussit pas du tout à Robert. La montée sur ABANCAY sera son nouveau calvaire et même la journée de repos obligé du lendemain n'apportera aucune amélioration à son état. Mauvais, très mauvais passage qui l'obligera deux jours plus tard, complètement épuisé, vidé, à finir l'étape de CUZCO en voiture. Et pourtant, pour ce chasseur de cols, il y en avait 2 superbes au programme que ce glouton de Jean-Pierre s'est mangé tout seul.

Lundi 30 décembre : nous sommes enfin à CUZCO. Au programme la ville évidemment, et à tous les égards, historique, habitants, vie locale elle en vaut la peine malgré la foule de touristes qui fait de cette cité un endroit un peu à part au Pérou. Le Machu Pichu, inévitable, les ruines Incas qui entourent toute la ville ou presque, etc. etc…

Mais auparavant, il s'agit de fêter dignement la fin de l'année. Repas pantagruélique (enfin presque) le 31 décembre au soir, vrai vin cette fois bien que chilien, super repas donc qui sera fatal le lendemain à Robert qui en laissera des traces en maints endroits du Machu Pichu. Les descriptions sont ici superflues... Quels souvenirs lui resteront de ce site ? A coup sûr pas ceux de vieilles pierres.

CUZCO un 31 décembre au soir vaut le déplacement : tous ceux qui vendent et tout ce qui se vend est dans les rues. Une foule immense, bruyante, klaxonnante, musicale, et différente tous les décamètres a envahi le centre ville. La Plazza de Armas est noire de monde dès 22 heures. Des pétards claquent dans tous les coins malgré les confiscations de la police, très nombreuse pour l'occasion. Bref la fête dans ce qui ressemble à l'anarchie la plus complète. Quatre jours passés à CUZCO et ses environs avec l'impression pour une fois d'avoir manqué de temps. Et une mention spéciale pour l'hôtel où nous avons séjourné. « LOS NINOS » est un hôtel-fondation, créé par un couple hollandais et dont les bénéfices d'exploitation sont entièrement réinvestis pour aider les enfants de la rue péruviens : repas, soins médicaux, éducation, sport, et cela, sur place, ça se voit, puisque les locaux qui accueillent les enfants sont juxtaposés à l'hôtel, tandis qu'une dizaine de jeunes Péruviens y sont employés dans le cadre d'actions d'insertion. Et, pour ne rien gâcher, l'endroit est de qualité, l'accueil impeccable. Un moment de plaisir, un moment de partage. Endroit chaudement recommandé si vous passez par là !

De CUZCO, direction le Lac TITICACA. Mais comme le temps passe beaucoup trop vite, nous avons fait le choix d'essayer de le rattraper en y allant en bus, la route pour le rejoindre, en comparaison de ce que nous avons fait jusqu'à ce jour n'offrant qu'un attrait limité.

Voila donc pour les dernières nouvelles de l'année 2002 et les premières de 2003. Notre prochain journal sera envoyé du CHILI dont nous ne sommes plus maintenant qu'à quelques jours de piste, du moins l'espérons nous !

Journal de voyage numéro 4
San Pedro de Acatama (Chili), 27 janvier 2003

PUÑO, comme CUZCO, a ceci de particulier que les touristes sont en grande majorité des occidentaux, lesquels se remarquent aisément parmi les Pueños car le tourisme est justement fait pour ces occidentaux, à la hauteur de leurs moyens financiers et c'est ainsi que tous les habitants du coin tentent par tous les moyens, et n'est-ce pas normal, d'en profiter au maximum.

Décidés comme d'habitude à ne pas nous laisser faire, c'est sous le regard hostile de notre hôtelier dépité de ne pas avoir pu nous soutirer quelques dizaines de soles supplémentaires que nous quitterons PUÑO. Quitterons laborieusement d'ailleurs, car comme toujours pas de noms de rue et aucun panneau indicateur pour nous aider à trouver notre chemin. Après une heure de pérégrinations hasardeuses, un jeune vélo-taxi nous guidera sur la route de sortie sans même demander une compensation financière. Il en était tout surpris et fort heureux lorsque nous lui avons quelque peu forcé la main pour accepter le prix de son service, soit le montant d'une course.

PUÑO/TACNA, 340 km : ce sera 3 jours de vélo marqués de divers incidents et de difficultés, dont le plus inquiétant fut la casse, à plus de 4000 m d'altitude, de la vis de selle du vélo de Robert. Sur la piste impossible de rouler sans selle, aussi bien à la montée, les faibles développements utilisés interdisant de grimper en danseuse, qu'en descente où debout sur les pédales les muscles se tétanisent rapidement. Je sais, j'entends d'ici les quolibets et les vannes faciles sur le vélo sans sel(le) etc… etc. Mais l'atmosphère dans notre couple n'était pas à la franche rigolade, c'est le moins qu'on puisse dire quand on imaginait devant nous encore 70 km de piste en très mauvais état. Piste déserte d'ailleurs, car en si mauvais état que sur 210 km, pas une voiture ne nous croisera ou doublera en 3 jours. Revenons à la vis de selle pour le moment en 2 morceaux. Poussant l'abnégation jusqu'à amputer son cher FOLLIS d'une de ses vis, Jean-Pierre procède à une réparation de fortune. Bonne intention qui permettra de franchir 3 km supplémentaires, avant de montrer son inanité; la vis, trop fine cède et en même temps abîme définitivement le chariot de selle (non, le chariot de selle n'est pas une remorque attelée au vélo, mais un système qui permet de placer la selle à l'endroit morphologiquement le plus adéquat de celui qui s'assied dessus). Tout branle, mais ce n'est pas encore une catastrophe insurmontable car maintenant la piste est en sable et nous ne pouvons plus monter sur nos vélos, alors selle ou pas selle où est bien la différence, n'est-ce pas ?

2 camions et un scraper (pour les grenoblois qui lisent ce journal, le scraper est un CAT...) apparaissent au loin, immobilisés sur la piste, le poste de salut serait-il là? Oui, car avec leurs vieux camions souvent déglingués, les péruviens sont dans l'obligation presque vitale d'être débrouillards, sinon... Aussitôt l'aide sollicitée, un vieux silentbloc est décortiqué à la scie à métaux pour en extraire la vis qui y est enfouie, un écrou de 13 au filet différent est forcé dessus et le tout est monté sur le chariot de selle en charpie. Et voilà réinscrite la devise de Lavoisier. « Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ». C'est donc nanti d'une selle qui tient son rôle qu'on peut continuer...à pieds encore quelques heures car la piste est plus que jamais ensablée et elle monte, monte, monte. Camping obligatoire et glacial à 4350 m, sous un ciel qui nous fera cadeau de toutes ses étoiles. BONITO !

Dernière étape pour atteindre MOQUEGUA, seule ville d'un peu d'importance avant TACNA. Et cette étape sera la récompense dont rêve tout cyclo-grimpeur. Une descente de 60 km, superbe, parfaitement revêtue d'un tapis goudronné, enjolivée de lacets, de pleins et de déliés, de terrasses préhispaniques et de sites incas, et qui nous fera passer des 4380m du Paso CHILLIGUA aux 1400m de MOQUEGUA. C’est la ville la plus septentrionale du désert de TARAPACA dont la majeure partie se trouve au CHILI. La Panaméricaine est la seule route possible pour atteindre TACNA, dernière ville péruvienne avant la frontière, et cette route traverse le désert, rien que le désert, sous un soleil torride, sans un abri, sans un arbre. 153 km particulièrement éprouvants. De longues lignes droites - nous en avons relevé une de 36 km - où rien n'arrête le vent.

ARICA, première ville chilienne après la frontière nous accueille assez rapidement. Mais ici, stop pour le voyage. Les intestins de Robert sont au bout du rouleau (légère exagération imagée pour montrer à quel point il est malade...) et il devient urgent de filer sur un hôpital. Détournement sur IQUIQUE à 200 km de désert de là, où le corps médical diagnostiquera une dysenterie amibienne à traiter rapidement, d'où transfusion et médicamentation de choc.

Mais avant IQUIQUE, dans le désert toujours, nous inaugurerons notre premier camping dans un salar – encore ce problème de sel qui nous poursuit - Le camping dans ou plutôt sur un salar a ceci de particulier que si les sardines (les poissons) se conservent bien dans le sel, les sardines (de tente) n'y pénètrent pas facilement et préfèrent s'y tordre. D'autre part la croûte de sel qui recouvre le salar est en perpétuel mouvement sous l'effet de la chaleur le jour et du refroidissement la nuit ce qui provoque des bruits et des craquements incessants. Mais dormir dans le sel comme des concombres mis à dégorger est une expérience unique...

IQUIQUE, que le groupe CHILAPAYUN a immortalisé dans sa « Cantata Popular de Santa Maria de Iquique » en rendant hommage aux 8500 mineurs grévistes tués par la troupe en 1907, IQUIQUE, ville en bois qui conserve la mémoire du célèbre Darwin qui contribua à sa fondation, IQUIQUE n'est pourtant qu'une étape rajoutée à notre itinéraire, un crochet en somme qui, si Robert se rétablit rapidement, doit nous mener à CALAMA, puis à SAN PEDRO DE ATACAMA où Jean-Pierre a déjà pris rendez-vous avec les flamants roses ! Le désert d'ATACAMA où nous évoluons maintenant est considéré comme le désert le plus aride du monde, il n’y pleut en moyenne qu'une fois tous les dix ans. Question qui va nous tarauder: de quand date la dernière pluie ?

Apres avis positif du corps médical assorti d'une nouvelle médicamentation de choc Robert peut enfin reprendre la route. Nous voici à CALAMA, près de la mine de CHUQUICAMATA, mine de cuivre à ciel ouvert, la « Mas grande del mundo », les Chiliens y tiennent beaucoup...4,3 km de long, 3 km de large et 728m de profondeur. Jean-Pierre est allé vérifier de visu (avec sa toute nouvelle montre altimètre achetée en zone franche et sortie clandestinement). C'est tellement grand a-t-il dit que sa tête arrivait au premier boulon des roues des camions qui transportaient le minerai. Alors à vous d'imaginer le reste !

Si de CALAMA à SAN PEDRO DE ATACAMA la route est goudronnée, nous avons quant à nous, choisi de nous y rendre en faisant un détour par les geysers d' EL TATIO, près de la frontière bolivienne. Soit à nouveau 240km de piste, genre tôle ondulée qui laissera de sacrés souvenirs, à nous en premier, et surtout au vélo de Robert.

Ce qu'on appelle « tôle ondulée », c'est une piste striée de profondes rainures transversales très rapprochées, inévitables même par un cycliste, et qui rendent le roulage aussi confortable qu'une descente d'escalier sur les fesses. Il faut également compter sur le sable qui nous a obligés à pousser et à tirer les vélos pendant des heures. Comme les vélos à sacoches n'aiment pas le sable, surtout quand il est fin, ils se couchent, roulent en crabe ou refusent tout simplement d'avancer quand les côtes deviennent trop raides (nous sommes toujours à plus de 4000m d'altitude), bref des vélos pire que des ânes bâtés et bornés.

Les 240 km de piste se sont résumés à 3 jours et demi d'efforts pour arriver au port, une boîte de pédalier hors d'usage, un porte-bagages cassé qui a nécessité le transfert de tous les bagages de Robert sur le porte-bagages arrière, accentuant ainsi les difficultés de guidage dans le sable. Mais quand on dit tous les bagages, c'est un peu exagéré si l'on tient compte de toutes ces choses indispensables laissées sur le bord de la route parce que, par la force des événements, elles sont devenues subitement superflues. Et enfin dernier (provisoire?) avatar du vélo de Robert : sa selle a décidé définitivement de rendre l'âme. Mais, bonne fille quand même, elle fera cela en 2 fois, lui permettant de rouler 30km sur une fesse et 30km en descente, debout sur les pédales. Au final de toute cette épopée sur la piste d' EL TATIO, la récompense sera à la hauteur des efforts : un bain chaud dans une piscine naturelle alimentée par les geysers fumants, à 4350m d'altitude, seuls dans l'immense cratère du volcan. FEERIQUE. Il nous faut simplement oublier la sortie du bain. GLACIALE.

P.S. : Un petit message particulier pour tous nos amis des 100 Cols

Nous venons de franchir notre 50eme, dont 17 entre 3000m et 4000m et 33 à plus de 4000m. Amitiés à tous les 100 cols, surtout à tous ceux qui nous ont adressé un mot d'encouragement.

Robert de Rudder & Jean-Pierre Decouty

CC n°5278




C’est dans le désert d’ATACAMA que s’est terminé le voyage en vélo de nos deux confrères. Par la suite ils grimperont à pied le volcan LICANCABUR (5961m) en Bolivie, iront voir les pingouins de l’île de CHOROS, séjourneront 4 jours à VALPARAISO dont le site, les couleurs, la lumière les a émerveillés avant de rentrer en bus à SANTIAGO du Chili.

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