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LE SENTIER ALPIN

Revue N° 06 Page 19

L'ASCENSION

Le soleil, sur la cime, allait bientôt renaître,
Nous le vîmes lever en forme de segment,
Puis l'astre tout entier éclairait la fenêtre
De l'auberge d'un soir, étape d'un moment.

Nous prenions un sentier pour passer les prairies,
La montée était rude au départ des chalets ;
Nous allions lentement, droit vers les bergeries,
Assurant bien nos pas en raison des galets.

Les gentiane et trolle, et la belle pensée
Fleurissaient dans un pré ceinturé de piquets ;
Le soleil au levant brillait sur la rosée
Qui tombait goutte à goutte au pied de ces bouquets.

Sortant de la forêt, nous suivions un passage
Apparent jusqu'au col surmonté d'un poteau ;
Et la sueur perlait tout le long du visage
Quand, parfois, nous devions franchir un dur coteau.

Des bouleaux contrastaient au bord de la futaie ;
En lisière, un tétras dressé sur ses ergots
Coquetait sa femelle adossée à la haie
Qui protégeait du temps plusieurs tas de fagots.

Pour joindre les moutons épars sur la colline
Un pasteur attentif rappelait ses deux chiens ;
La clarine tintait sous le cou qui s'incline,
Tandis qu'un épervier chassait pour tous les siens.

Les ruines d'un habert tombaient dans la pelouse,
Des éboulis roulaient tout près d'une auge en bois ;
Tandis que nos souliers s'imprégnaient dans la bouse,
Nous approchions du bac pour y tremper nos doigts.

Des oiseaux dépendant de l'abrupte falaise
Tournoyaient sur les bords des rochers stratifiés ;
Du beau schiste ardoisier entraîné par la glaise
Dévalait sur des flychs déjà solidifiés.

Pour franchir une barre au bord du précipice
Nous devions, pas à pas, avancer prudemment ;
Il nous fallut chercher un endroit plus propice
Pour passer cet obstacle et son éboulement.

LE COL

Au sommet du grand col les monts étaient sublimes,
Le soleil, au zénith, éclairant le glacier ;
Des clapiers entassés au-dessus des abîmes
Ressemblaient, vus de loin, à des titans d'acier.

Un névé sur le plan de ce site rupestre ;
Puis des bruits de galops nous mirent en émoi,
Tandis que sur les monts planait un aigle alpestre :
Le Maître de l'espace effrayait les chamois.

Des crocus à foison, fleurissant dans la neige,
embellissaient ce col, ce superbe massif ;
Sur les bords d'un ravin pointait le perce-neige,
Tout comme un naufragé s'accrochant au récif.

Toute de blanc vêtue, une éminente crête
Se mirait dans un lac éclatant et serein ;
Et dans ce clair azur apparaissait l'arête
En-deçà de laquelle étincelait l'écrin.

LA DESCENTE

De l'adret à l'ubac les sols étaient précaires.
Nous descendions le val en longeant le torrent,
Le chemin était plein de sédiments calcaires
Déplacés, depuis peu, par les sauts du courant.

Nos pas, sur le sentier, continuaient à battre.
La marmotte siffla... puis son écho strident
Alerta les rongeurs tous en train de s'ébattre
Sur les bords du ruisseau rapide et cascadant.

Un couple de perdrix, deux jolis lagopèdes,
Partit en cacabant d'un glacis érodé,
Surpris par l'arrivée intruse des bipèdes,
Puis disparut bientôt d'un vol précipité.

Dans le fond du talweg nous sautions la barrière,
Puis, avant la forêt, nous passions les limons.
Le soleil déclinait tandis que, vers l'arrière,
Nous regardions toujours les splendeurs des grands monts.

Ce chemin muletier traversant la montagne
Est, depuis ce beau jour, un charmant souvenir ;
Nous y pensons souvent l'hiver dans ma campagne :
Dans le sentier alpin, pourrons-nous REVENIR ?

Jean LONGEFAY

Poète du Beaujolais de Savigneux (01)

Ce poème est une description en forme de synthèse.

Il rappellera à beaucoup d'entre nous ces passages muletiers où, seuls dans le silence des altitudes, nous avons vécu des instants inoubliables. La petite reine est, bien-sûr, toujours présente, ce qui justifie l'emploi de la première personne du pluriel par le Cyclo solitaire.

Je pense que certains mots ou expressions, ésotériques au regard d'un non initié, seront bien compris des amis de la montagne, sans qu'il soit besoin que je traduise.


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