Réunion entre amis au retour des vacances. Maryse et moi recevons Géraaard, son épouse Gladys, Jérôôôme et Marie-Chantal, l'inévitable... Gérard : - Ah, la Tunisie, Djerba, quels hôtels...quel standing ! Il y avait là à nos cotés l'ancien ministre X... et la célèbre starlette Y... Jérôme : - Nous, en Espagne, nous avons mangé de ces paellas...et qu'est-ce-qu'on a pu admirer notre nouvelle voiture. C'était extra... - J'ai fait des heures entières de zéro-kini reprend en roulant les hanches la plutôt grasse Gladys. - Moi", enchaîne Marie-Chantal, "j'avais emmené ma collection de chez Dior... - Et vous autres ?... - Oh ! Nous, dis-je d'un air effacé, nous avons amené nos bécanes en Savoie... Figurez-vous qu'un jour, avec notre casse-croûte dans le sac de guidon, nous avons été au col de Chérel. - Ah !...C'est quoi çà ? - C'est pour le rassemblement du Club des Cent Cols. - Et alors ??? - Alors, nous avons commencé à grimper le long d'un ruisseau limpide qui murmurait au milieu des fleurs et des arbres pleins d'oiseaux. Plus nous grimpions, plus ça sentait bon. A un certain moment, la route devenait interdite aux automobiles. Le rêve du cycliste ! Nous avons grimpé, grimpé...jusqu'à un virage plein de boutons d'or, d'herbe tendre et d'ombre bienfaisante. Là nous avons stoppé. J'ai ôté mon maillot, mes souliers, nous avons déballé le sac et nous avons déjeuné à pleines dents dans le silence magique de la montagne, le cul sur l'herbe. Quelques cyclistes inconnus qui passaient nous saluaient entre deux prises d'air. Une voiture, eh oui ! (voiture chargée de fromages et de vins de Savoie pour le ravitaillement de la concentration), est venue rompre la douce somnolence qui nous envahissait. C'était la famille Perdoux qui passait et continuait son chemin après un bonjour et une poignée de mains. Rendez-vous fut pris pour le sommet. A ce moment là, Gérard m'interrompt : - Ah ! C'est au sommet que vous aviez la réception ? Il y avait les majorettes ? Un hôtel "sélect" avec piscine et champagne ? Un ministre pour vous recevoir ? - Hum ! Pas exactement... D'abord, en arrivant, nous avons vu de braves cyclos qui nous ont accueillis avec un grand sourire "désintéressé" de gens à qui on n'apporte pas d'argent. Oui, je sais, vous ne connaissez pas cette race là... Enfin peu importe ! On saucissonnait à pleines dents et on coupait des portions de reblochon bien gluant que ces dames avalaient sans vergogne avec ces petits vins de grands crus qui vous colorent les joues et font briller les yeux. Marie-Chantal s'écrie : ciel ! Et leur ligne ? (J'enchaîne)... Moi, immédiatement dans l'ambiance, je fis comprendre à l'assemblée qui m'offrait toutes sortes de victuailles que j'avais copieusement mangé mais que je ne dédaignerais pas une tasse de café. Sitôt dit, sitôt fait : Le ciel s'est ouvert au-dessus de moi, sous les traits d'une charmante pédaleuse qui fut le bon apôtre et me tendit le café tant désiré. |
- Tu la connaissais au moins ? - A vrai dire non et je serais bien incapable de la reconnaître si un jour je la rencontre dans la rue mais le principal n'et pas ça. Le principal, c'est cette chaleur humaine qui nous unit, ne fut-ce qu'un moment. - Et ensuite qu'avez-vous fait ? me demande Jérôme, pas du tout emballé par mon histoire. Est-il au moins venue une célébrité sportive pour "marquer le coup" ? - Pas vraiment de célébrité... Mais, entre autres, on a eu le plaisir de retrouver les amis Lucas, Meyer, et les autres...ah oui ! tout de même une sorte de célébrité : le père Bordat, le chef de file de 100 cols, celui qui a encore réalisé une diagonale, un jeune homme de 73 ans ! - Connais pas... Et ensuite ? soupire Gladys sans conviction. - Ensuite... Bah, à quoi bon ! Il n'y a pas eu de majorettes mais des vaches (même que Lucas a glissé dans la bouse). Il n'y a pas eu de champagne à l'hôtel "sélect" mais des tréteaux garnis de produits du terroir que chacun mordait à pleines dents. Il n'y a pas eu de ministre... Mais trois braves dirigeants qui ont prononcé quelques mots simples que tout le monde a compris, ce qui n'est pas toujours le cas... Et puis il y a eu la coupe pour Maryse. A ce moment là, l'assemblée se ré-intéresse à mon monologue, pensant à quelque exploit sportif de notre part. Quelques chose à pouvoir ensuite raconter à d'autres "amis" avides de snobisme à bon marché du genre "nos amis Machin ont gagné tel ou tel grand truc à vélo...". Non, au risque de vous décevoir, nous n'avons rien gagné. Cette coupe, toute modeste, a été remise à Maryse parce que, paraît-il, elle était la féminine la plus éloignée... Ce qui n'était pas prouvé. Ce que je pense surtout, à tort peut-être, c'est qu'on lui a remise parce qu'on sait que si nous avons été en vacances en Savoie, c'est à cause du rassemblement du col du Chérel que nous ne voulions pas manquer. Une façon de nous dire "merci". Notre façon à nous de leur dire "merci", c'est d'avoir mis le trophée en évidence et pour longtemps, afin de dire plus tard, bien plus tard : "Tu te souviens la bonne journée que nous avions passé parmi tous ces braves gens...". Voilà c'est tout simple ! A la fraîche, nous sommes redescendus avec quelques cyclos. Des gens de différentes régions qui n'ont pas tous le même accent mais qui parlent tous la même langue. Le temps trop court de prendre un apéritif en parlant du "Circuit des Aravis" qui nous attend demain et une poignée de mains bien sincère. Jérôme, Gérard et leur épouse assez déçus par mon récit de vacances fort modestes à leur goût ne nous ont même pas demandé si nous avions pris des photos. Ils nous ont salué après que Marie-Chantal ait refait sa façade pendant plus de vingt minutes. Gladys s'est levée, ses cuisses pleines de cellulite violacée se sont décompressées. Gérard sec et blanc comme un poulet élevé aux hormones nous a serré la main avec cérémonie. Jérôme, la chemise explosant autour de son estomac dilaté nous a dit "bonsoir" en s'épongeant le front... Au sujet des photos, oui nous en avons pris ! Elles sont belles et riches en couleur. De plus, chaque personnage qui y figure est orné du plus beau joyau du monde : LE RIRE. N.D.L.R. Les personnages de ce texte sont purement imaginaires. Toute ressemblance ne saurait donc être que PURE COINCIDENCE... Robert BELLONI Antibes (06) |