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MON PREMIER 2000…

Revue N° 09 Page 20

Après avoir passé la semaine de l’Ascension dans l’Hérault, semaine au cours de laquelle nous avions grimpé quelques trente cols, mon mari préparant nos vacances courant juin, me lança cette boutade : « Et si tu t’inscrivais avec moi au CLUB DES 100 COLS. J’ai fait un rapide pointage, tu en possèdes cent trente à ton actif mais malheureusement pas un seul à 2000 m. et c’est la condition première pour s’inscrire, à raison de cinq par centaine ». Le défi était lancé, je n’avais plus qu’à le relever. C’est vrai qu’autour de la table, dans ses pantoufles, on se sent toujours bien courageuse. Enfin c’était parti. Il n’y avait plus qu’à s’accrocher mais, grosse question, quel serait mon premier 2000.

A partir de ce moment, je commençai à m’intéresser sérieusement au programme vélo pour les vacances. Nous devions descendre à BOULOURIS-ST–RAPHAEL en une semaine et, le trajet était prévu, jalonné d’étapes-vélo de 100 kms en moyenne, synchronisées au mieux avec le maximum de BCN ET BPF.

En entrant un peu dans le détail, je fais toujours confiance à mon mari pour ce genre d’organisation, je constatais que deux cols m’étaient particulièrement réservés, ceux du Petit St Bernard et d’Allos.

Mon premier 2000 serait donc le Petit St Bernard-altitude 2188 m- aller et retour depuis Bourg St Maurice soit 62 kms.

Bien sûr, certains souriront en pensant 62 kms, en voilà une affaire, et dont la moitié en descente, mais, que l’on se mette à ma place, dépasser l’altitude de 2000 m à bicyclette, moi qui ai commencé à faire du cyclotourisme à 40 ans.

Mon mari, pour me conditionner un peu, n’avait cessé de me répéter : « Souviens-toi, tu es déjà montée à AVORIAZ, tu as également fait le Grand Ballon, côté Willer-sur-Thur et, c’est une référence, tu verras, tout ira bien ».

23 juillet 1980- 8 h 00- Jour J- Heure H… Nous quittons BOURG-ST-MAURICE sous un ciel magnifique, d’une pureté propre la haute montagne.

Jusqu’à SEEZ, je n’ai pas l’impression d’être dans un grand col, c’est encor la « zone habitée ». La pente, tout de même un peu forte, nous réchauffe très rapidement, nous permettant au croisement avec la route qui mène à VAL D’ISERE, d’enlever nos survêtements. Cette fois, plus de doute, il faut faire face et, se diriger vers le sommet. L’ascension se poursuit donc, régulière, le revêtement est bon et, je suis la première surprise de constater, par les bornes kilométriques, que nous avons déjà parcouru une dizaine de kilomètres. Si tout pouvait se passer aussi bien jusqu’au sommet.

La ville de Bourg-St-Maurice réapparaît régulièrement chaque deux lacets, toujours plus lointaine. En face sur le versant opposé, la station des ARCS commence à apparaître et, les derniers kilomètres de la route y accédant si l’on peut en juger à distance, paraissent très pentus. Enfin occupons-nous déjà de notre propre itinéraire.

Nous sommes tout à coup rejoints par un cyclo de BEAUNE (Côte d Or) en vacances dans la région. Un petit salut amical, les présentations rapidement faites et, gentiment, il se met à notre rythme, plus exactement à mon rythme.

Et toujours ce ciel merveilleux, ce fut d’ailleurs notre premier sujet de conversation, c’est un enchantement sans cesse renouvelé. Chaque kilomètre nous fait découvrir une nouvelle flore, de nouveaux aspects de pierre.
A tout moment, mon mari s’inquiète de mon développement, de l’état de mes jambes, s’arrêtant régulièrement pour fixer sur la pellicule, chaque tableau de notre ascension. Notre compagnon, à qui mon mari a prêté son appareil, nous photographie même au sortir d’un lacet.

Les sommets enneigés se rapprochant, me galvanisent littéralement. Je sens que je tiendrai le coup, l’entraînement régulier subi depuis le début de l’année porte ses fruits.

Mon mari décide d’arrêter au lieu-dit « La Rosière »- altitude 1850 m, pour une pause café et une petite restauration. J’ai presque l’impression d’être coupée dans mon élan mais respectons la consigne déjà entendue maintes fois, « il faut manger avant d’avoir la fringale ». Après cette pause notre ami cyclo nous quitte là, voulant être de retour à Bourg St Maurice pour midi. Il nous laisse son adresse au dos d’une carte postale, mon mari lui ayant promis de lui faire parvenir plus tard une photo prise en arrivant à ce lieu-dit. Une dernière poignée de mains et, nous nous séparons, lui plongeant dans la vallée, nous le regard fixé dans la direction du sommet.

Il nous reste huit kilomètres et, les jambes un peu lourdes, nous nous dirigeons vers le poste frontière français où les douaniers regardent plus mes mollets que ma carte d’identité.

Une fois la douane passée, le paysage devient tout à coup plus sauvage, moins de verdure, c’est la haute montagne. Je crois rêver, pour la première fois j’atteins à bicyclette l’altitude de 2000 m.

Tout à coup, au détour d’un piton rocheux, le sommet apparaît, encore à sept ,kilomètres mais tout de même là, bien présent, majestueux dans son blanc manteau.

Pour y être passée il y a une dizaine d’années en voiture, je crois reconnaître au loin cette fameuse statue de St Bernard, se découpant fièrement sur fond d‘azur. Mon mari me le confirme aussitôt, me rappelant également qu’elle n’est pas aussi prêt qu’elle le paraît. Le plus gros est tout de même fait et, je ne suis pas « cuite » sic, mon mari.

Les trois derniers kilomètres sont franchis entre deux murs de neige. Je n’en crois pas mes yeux, si on m’avait dit un jour, etc… Mon mari fait photo sur photo, que de beaux souvenirs en perspective. Dernier lacet et, c’est le faux plat du sommet avec l’inévitable photo en passant devant le panneau. C’est fini, je viens de terminer mon premier 2000. Mon mari me regarde descendre de bicyclette, sans trop réaliser. Oui, je suis bien avec lui dans cet environnement enneigé avec ma bicyclette, au sommet d’un col à 2188 m d’altitude. Craignant le refroidissement, malgré ce beau soleil nous remettons aussitôt nos vestes de survêtement et tout à coup, c’est trop fort pour mon mari, une certaine tension nerveuse, l’émotion, je ne sais, il ne peut s’empêcher de verser une larme.

C’est pour moi la plus belle conclusion mais, je voudrais tout de même ajouter, que je souhaite à tous ceux qui n’ont jamais fait de bicyclette en haute montagne, de tenter au moins une fois l’expérience, ils ne le regretteront pas.

Depuis, j’ai fait les cols d’Allos, du Grimsel , de la Furka, du Gothard, de l’Oberalp, mais cette grande première restera gravée dans ma mémoire.

Merci à la bicyclette pour tout ce qu’elle m’apporte.

Louisette Ansel

Vagney (88)




Nota

Bravo Madame ANSEL, vous savez, moi aussi j’ai vécu la même aventure que votre mari et au même endroit, avec aussi une épouse de quarante ans…et puis quelques jours après ce fut le GALIBIER… et puis maintenant, je suis inscrit à la très noble amicale suisse des « Maris battus »…

Non messieurs les cyclos, le vélo, ce n’est plus une affaire d’hommes.

Bien amicalement
Jean PERDOUX


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