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DERNIERE ETAPE

Revue N° 09 Page 28

A mon retour de vacances, je décidais de passer une nouvelle fois le col de Menée et d’aller pointer à la Salette, histoire d ‘ajouter quelques cols à ma liste annuelle.

Après avoir remonté la vallée de la Drôme jusqu’à Pont de Quart, j’allais à Châtillon. En ce milieu septembre, le temps se faisait doux et paisible. Je connaissais la fontaine au centre du village. A chaque passage je m’y arrête. L’endroit me plait. Le village s’étire au pied des deux mille mètres du Glandasse, les murs et les toits y ont la couleur du bon pain. Et puis, il y a la distillerie de lavande. Instinctivement, lorsqu’on y arrive, on ralentit, pour respirer profondément.

Le col de Menée développe vingt kilomètres de route tranquille. La montée est régulière, sans soubresauts, les virages sont bien dessinés et le cantonnier aime son travail : de chaque côté de la route les buis sont taillés. Il y a, outre les fontaines des hameaux, deux sources qui sourdent de la montagne à proximité de la route. La deuxième est signalée par un petit écriteau en bois. Les falaises calcaires sont chaudement colorées : rochers ruiniformes de Tussac, rocher de Combau , navire rouge dans les lavandes bleues… (et puis allez au cirque d’Archiane, au bout du monde, qui vaut le voyage). Tout le long du parcours, pins parfumés, fayards tordus par le vent, et, vers les sommets, les pâturages maigres des moutons. Les vues sont vastes, les montagnes élevées, mais jamais écrasantes, bref un paysage tout en harmonie et fait pour les hommes. Malheureusement, le Haut-Diois se vide, les maisons se ferment, les champs s’abandonnent.

De l’autre côté du col, le paysage change puisqu’on arrive dans les Alpes du Nord. La limite géographique est ici immédiatement sensible. Les sapins ont remplacé les pins et le Trièves vers lequel je descends en roue libre se fait plus verdoyant. Ce soir je couche à Mens. L’hôtel est correct, sans plus. Mon vélo passera la nuit dans une cour intérieure, sous une tonnelle. De la fenêtre de ma chambre, je vois l’Obiou et le Grand-Ferrand. Cela me rappelle des pages de Jean Giono, qui a situé l’action de plusieurs de ses écrits dans ce coin des Alpes.

Le lendemain, dernière étape avant de retrouver mes montagnes du Bugey. Direction de la Salette. Mais le pont du Sautet est coupé et je dois aller faire le détour par La Mure, pour emprunter la route Napoléon, que je n’aime pas, en raison des fortes déclivités incessantes et surtout de la circulation Aujourd’hui, mon bonheur est complet puisque, en prime, la route est défoncée sur plus de 10 kilomètres, pour des travaux de réfection de la chaussée. Ce n’est pas que je n’aime pas les cailloux- il m’arrive au contraire de choisir délibérément des itinéraires non goudronnés- mais ce sont des parcours où il vaut mieux être seul. Et pour l’instant, ce sont des cailloux plus les voitures, plus les engins de terrassement. Vue plongeante sur les gorges du Drac, dominées par le pic de l’Obiou.
A Corps, je monte pointer le BPF de la Salette. Route tranquille, montée agréable, mais je suis fatigué quand j’arrive au sommet. Je fais le plein d’eau à une fontaine en redescendant.

L’un des intérêts du club des 100 cols est de nous inciter à franchir de nouveaux passages. C’est ce qui m’a fait dessiner mon itinéraire. Et pour rejoindre Laffrey, prochain contrôle BPF, je monte le col de l’Holme et le Parquetout . Je ne sais pas si ce dernier sera entièrement goudronné, mais c’est le cadet de mes soucis : j’ai tout mon temps ; dès les premiers virages, je suis heureux d’avoir trouvé cette petite route ombragée qui me permet d’éviter la Nationale, que j’aperçois parfois en bas. Au Villard, je fais une nouvelle halte à la fontaine : il fait chaud cet après-midi.

Au pied du Parquetout, pas de panneau qui indique la direction, mais je me fie à la carte. La montée est tout de suite raide, et comme je suis modérément chargé, je passe tout de suite le 28 x 26, car je préfère mouliner et bien respirer. C’est à ce moment-là qu’un cycliste me rattrape. Triple plateau, garde boue, vélo signé par un artisan grenoblois connu. Le cyclo vient de Pont de Claix, et il a ralenti son allure pour l’ajuster à la mienne.

Nous roulons donc ensemble, parlant de nos randonnées respectives. Mon compagnon a fait Paris-Brest-Paris. Je peux donc me renseigner sur la prestigieuse randonnée. La ferai-je un jour ? Pour l’instant, je ne suis guère sorti des massifs montagneux et tout l’ouest de la France m’est encore inconnu.

Puis nous discutons de notre travail, de notre vie de tous les jours. Avant Laffrey, un curieux incident : la couronne extérieure de ma roue libre s’est dévissée et voilà toutes les dentures qui partent à leur tour ! obligés de nous arrêter, d’enlever la roue et de remettre tout en place. Cela doit faire de nombreux mois que je n’ai utilisé mon « grand » développement- ce n’est pourtant qu’un 46 x 14- et les trépidations de la route ont peu à peu desserré l’ensemble. On en apprend tous les jours !

Au contrôle de Laffrey, je payais à boire à mon compagnon. Il me proposa alors le couvert et le gîte pour la nuit à Pont de Claix, dans sa maison. J’acceptais.

Merci donc à toi, ami Daniel, et à ton épouse, qui avez hébergé le cyclo de passage ; de toutes les « bonnes maisons » où je me suis arrêté cette saison, ce sera la vôtre, à coup sûr, qui me laissera le meilleur souvenir.

Bernard Chanas

Oyonnax (01)


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