Il est 7 H ce matin d'août, Cesana dort encore. Le jour se lève sur un ciel sans nuages. Nous attaquons la montée avec plaisir car le froid est vif. Vite, les muscles se réchauffent, les vélos répondent bien à nos efforts et glissent sans bruit sur la route goudronnée. Bientôt, nos yeux ne quittent plus le fabuleux paysage qui se dévoile à chaque virage : des montagnes à l'infini encore toutes mauves de la nuit, enveloppées par les brumes des vallées. Le soleil qui tout d'abord s'accroche timidement aux sommets, s'enhardit à descendre les pentes et puis qui tout d'un coup envahit tout le paysage et nous saute aux yeux. Quel plaisir de pédaler devant tant de splendeurs, le corps s'exprime dans l'effort et l'âme dans la contemplation, quelle détente de tout l'être et quelle joie de voir le reflet de son bonheur sur le visage de son compagnon. Bientôt, nous franchissons notre premier col : Sestrières. Là, nous reprenons des forces devant un copieux déjeuner. Je suis bien ce matin et je me sens prêté à attaquer la suite du parcours qui doit nous faire franchir 6 cols à plus de 2000 m. Quelle aubaine ! La veille un gars du pays nous a bien dit que ce trajet était difficile... mais ça veut dire quoi difficile ! Je comprends vite... Nous nous engageons dans ce que Bernard appelle pompeusement «la route» et qui n'est pour moi qu'un vulgaire chemin de terre. Dès les premiers mètres, nous devons mettre pied à terre sous peine de nous enliser dans un tas de cailloux. La suite ne se présente guère mieux : cailloux, terre, trous... Alors, naïvement je demande à Bernard : "il dure combien de temps ce chemin de terre ?" "Mais, c'est tout le long comme cela me répond il étonné de ma question» (c'est à dire 60 kms)." Puisque je suis ici, continuons et bravement je remonte sur mon vélo qui heureusement est équipé de roues 650 avec pneus. Les premiers mètres sont plutôt titubants... puis je m'habitue à louvoyer entre les cailloux, les trous... la pente n'est pas très raide, il vaut mieux car il n'est pas question de se mettre en danseuse... Et accompagnés par un merveilleux paysage, dans une solitude complète, nous arrivons au Colle Basset sifflés par les spectateurs ! Oui, une joyeuse troupe de marmottes qui s'enfuit dans la pente. |
J'entame la descente avec appréhension, mais à allure modérée tout va bien, puis d'autres montées, d'autres descentes et les cols défilent tous aussi beaux : Bourget Blegier Lauson Assietta. De temps à autre, nous dépassons ou croisons un troupeau de vaches ou de moutons, nous rencontrons quelques campeurs au détour d'un virage, nous apprécions la gentillesse de bergers qui nous ravitaillent en eau. La fatigue de la matinée commence à se faire sentir. La fraîcheur du matin a été remplacée par une chaleur torride et nous regardons avec appréhension la route qui s'élève jusqu'au col de Finestre, le dernier. La montée est dure, le soleil chaud, l'eau et l'ombre inexistantes et c'est avec grand plaisir que nous débouchons au col. Nous entamons la descente dans le brouillard et plutôt au ralenti... le chemin est toujours aussi mauvais et au plaisir du vélo nous associons les charmes du vibro masseur ! Gratuit... Je vous le recommande... !! Je ne résiste pas au plaisir de me rouler dans la terre au hasard d'un virage pris un peu trop rapidement. Le résultat déclenche une bonne crise de fou¬-rire... accentuée par une première crevaison de Bernard (il a des boyaux lui !) puis une deuxième... il faut que cela cesse car le stock est épuisé... Enfin, nous arrivons sur le goudron que Bernard embrasse religieusement et nous nous laissons filer vers Susa heureux de cette demi journée d'amitié, de soleil et .... de cols (7 à plus de 2000 m ! ). Jacqueline COLIN GRENOBLE (38) |