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UNE CHASSE AUX COLS

Revue N° 11 Page 38

Cette CHASSE AUX COLS était basée sur un voyage en cyclo-camping d'une durée de un mois, essentiellement français et passant par les nids de cols que sont le Massif Central, les Pyrénées, les Alpes et le Jura.

Parti plein d'enthousiasme, j'ai failli trépasser dès le premier jour dans le col de la Croix de l'Homme Mort à cause de la grosse chaleur. La Destinée n'en avait pas décidé ainsi et j'ai pu rejoindre Ambert, terme prématuré de mon étape.

Cette CHASSE AUX COLS m'a permis, une fois le rythme de croisière établi ( 9 à 10 cols par jour) de découvrir de toutes petites routes où la circulation est insignifiante, et où on ne voit à perte de vue que des pâturages et quelques fermes. Le Massif Central, hors des villes et des quelques lieux touristiques est un terrain de prédilection pour le cyclotouriste de par ses étendues, son calme, ses paysages, son impression d'immensité et de solitude.

Cette CHASSE AUX COLS a donné lieu, pour le 14 juillet , à l'ascension de mon millième col sur une route forestière des Pyrénées. Je suis accueilli au pied du col par la pluie et une route pleine de trous. Cette montée que j'aurais voulu triomphale ( !) est stoppée par une crevaison. En réparant, je m'aperçois qu'un rayon est cassé. La chambre à air réparée et le rayon changé, l'ascension se termine sans autre problème. Clin d'œil du destin qui rappelle à l'occasion la modestie et l'autonomie nécessaires au cyclotouriste.

Cette CHASSE AUX COLS a vu ma revanche dans le 1200 ème col. C'était dans les Alpes en Italie, un après-midi de grand beau temps après une matinée pluvieuse qui m'avait vu passer les cols de Vars et d'Agnel. Dans ce dernier, le pourcentage et le mauvais état de la route sont tels que j'ai doublé une R4 en roulant sur mon 28 x 24 ! Je plante donc ma tente à Sampeyre et cherche la route du Colle di Sampeyre, muletier à 2284 m. On m'indique que je ne pourrai pas monter à vélo parce qu'il y a des pierres grosses comme ça (un vaste geste décrit la taille d'une pastèque). La route revêtue dans sa première partie se transforme en chemin caillouteux (mais les pierres ont plutôt la taille d'oranges !) et le col est atteint après 18 km de montée (pourcentage moyen 7.3 %). La récompense est à la hauteur des efforts fournis. Dans un environnement sauvage peuplé de quelques troupeaux, on entend le silence de la montagne, et on en profite pleinement en effectuant les deux portions de chemin qui s'éloignent peu de la ligne de crête allant au col de Rastcias (2176 m, non carrossable). Impression irréelle d'être en équilibre dans les airs au-dessus de la vallée de Casteldelfino.

Cette CHASSE AUX COLS a été le dur apprentissage de la lecture des cartes Michelin. Excellentes et très faciles à lire pour les routes " normales ", la précision et l'exactitude s'évanouissent en ce qui concerne nombre de routes forestières. Le tracé est parfois fantaisiste, l'indication du pourcentage par les chevrons encore plus, et l'état des routes encore plus. Un trait pointillé par exemple peut représenter un chemin large et carrossable ou un sentier si étroit qu'on ne peut y poser les deux pieds côte à côte !

Cette CHASSE AUX COLS a été le dur apprentissage des routes forestières. Il faut remercier l'ONF de goudronner et d'entretenir ces routes ainsi que de les ouvrir à la circulation. Mais il est inutile d'y calculer un pourcentage moyen. Ce sont en général des successions de très fortes côtes et de replats, de descentes même, très éprouvantes pour le cycliste surtout chargé. Elles sont souvent mal ou pas indiquées et peu fréquentées même par les cyclistes . " Vous êtes le deuxième cycliste, le deuxième de toute l'Histoire " m'a-t-on dit dans une ferme sur le bord d'une de ces routes.
Cette CHASSE AUX COLS a été la magnifique montée au Parpaillon malgré la pluie (je pense à mes amis bressans qui l'ont inscrit à leur programme ...en tandem), le passage de la Bonnette , Restefond et la Moutière sous une pluie glaciale et ensuite l'accueil très chaleureux de la paysanne qui tient le camping de Jausiers (camping qui je recommande particulièrement). Ce sont d'ailleurs les gens de la campagne , les bergers et les montagnards qui respectent le plus et encouragent le cyclotouriste. Ils connaissent la valeur de l'effort et savent l'apprécier. Ce n'est pas comme ces automobilistes qui, même au sommet d'un col, klaxonnent le cyclo parce qu'il ne leur laisse pas assez de place ou cette parisienne qui ne voulait pas que je pose mon vélo contre sa caravane. Elle a pris ma monture ainsi protégée de la pluie pour la coucher par terre : " Que diriez-vous, si j'allais mettre la poussette de mon fils sur votre tente ? ". Sans commentaire.

Cette CHASSE AUX COLS a été l'occasion de rencontrer quelques trop rares " purs et durs " du cyclo-camping inconditionnels et passionnés. C'est l'occasion de parler avec des cyclistes étrangers (canadiens, hollandais, allemands, belges pardon flamands) et de revoir des amis qui m'avaient rendu service ou hébergé lors de précédents voyages. C'est aussi une série de " rencontres d'un moment " telle celle de ce pépé assis sur le bord de la route au-dessus de Banyuls et qui offrait du vin dans une vieille boîte de conserve seulement aux cyclistes qui ne ressemblaient pas à des coureurs. La rencontre de cette petite fille à Valloire alors que je cherche la route du col d'Albanne (pour éviter le traditionnel Télégraphe). Les adultes ne connaissaient pas et c'est elle qui me l'indique ! C'est aussi la rencontre qui aurait pu être brutale avec le goudron (que j'apprécie pourtant beaucoup, mais sans y toucher) dans une descente rapide : une touriste promène son chien, elle à gauche de la route, le chien à droite et au milieu...la longue laisse tendue !!!

Cette CHASSE AUX COLS a été aussi le camping sauvage, parfois forcé. C'est aussi rouler un ou plusieurs jours sous la pluie, monter la tente et plier sans pouvoir sécher, et ensuite apprécier le beau temps retrouvé. C'est aussi des paysages enchanteurs tels la route Sestrières-Suze faite au lever du jour où j'ai manqué d'écraser des marmottes tellement elles étaient nombreuses. Je propose que cette route serve de certificat d'études du cyclo-muletier. Le chemin carrossable est " consistant " mais sans réelle difficulté et permet de prendre goût à ce genre de sport.

Cette CHASSE AUX COLS est avant tout et surtout l'autonomie (la vélonomie), une vie à l'extérieur 24 h sur 24, une liberté absolue, des routes et des lieux tranquilles (hormis quelques points touristiques qui ne représentent en superficie qu'une infime partie du territoire), le plaisir de pédaler en France (je deviens chauvin ou plutôt réaliste après avoir traversé quelques pays pourtant pas très éloignés lors de mon tour d'Europe).

Cette CHASSE AUX COLS représente pour parler chiffres, 273 cols dont 28 à plus de 2000 m.

Cette CHASSE AUX COLS a pu être réalisée parce que, et grâce aux époux CHAUVOT, j'ai passé quelques soirées à repérer sur les cartes tous les cols que je n'avais pas escaladés. J'ai ensuite tracé un trait passant par le plus grand nombre d'entre eux, les plus hauts possibles, sans autre contrainte. Il faut rendre hommage au travail effectué pour le repérage de TOUS les cols de France et par conséquent pour l'établissement d'une liste exacte et non contestable des cols routiers. Il faut aussi rendre hommage à la diplomatie de R. CHAUVOT qui a annexé une partie du territoire espagnol (avec 3 cols) du côté de la Pierre-St- Martin. A ce jour, le gouvernement espagnol n'a pas réagi officiellement.

Pierre BRIVET

COURS (69)


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