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Les vieux cols d'Auvergne

Revue N° 16 Page 17

Dans le choix d'une route, il y a deux types de passages obligés : les ponts et les cols. Les premiers sont des ouvrages construits par l'homme, soumis à bien des aléas. Il en subsiste de très anciens, de l'époque romaine, d'autres datent de plusieurs siècles ; il en est de tout récents où les techniques les plus modernes sont mises en jeu. Il n'est pas rare de trouver dans une même ville les appellations de " pont vieux " et de " pont neuf " ; mais cette notion d'âge est moins évidente en ce qui concerne les cols : il existe bien un col vieux à proximité du col Agnel mais je ne connais pas de col " Neuf ". Pourtant on voit parfois surgir des panneaux sur nos routes de montagne qui viennent enrichir la liste des cols de nos départements : les cols de Vestizous, de la Volpillère, de Chamaroux peuvent ainsi être considérés comme les derniers nés des cols auvergnats. A l'inverse, certains cols, qui ont eu leur heure de gloire, sont aujourd'hui tombés dans l'oubli le plus total : pas de pancarte, rien sur les cartes et rien dans les mémoires. Il faut fouiller dans les archives pour en retrouver trace et c'est dans ce sens que je veux parler de vieux cols. J'ai ainsi découvert, au hasard de recherches sur les itinéraires routiers en Auvergne, un antécédent au col de la Nugère.

Le col de la Nugère est le plus septentrional des cinq cols, sensiblement alignés sur un axe nord-sud, qui franchissent la chaîne des Puys, les suivants étant les cols des Goules, de Ceyssat, de la Moréno et de la Ventouse. C'est aussi le moins élevé des cinq et c'est pourquoi une variante de la route Clermont-Limoges y passe : l'accès de la Nugère est moins direct mais plus facile que celui des Goules, qui se fait par la dure montée de la Baraque.

Mais à propos d'altitude, le flou qui entoure celle du col de la Nugère m'a longtemps intrigué : le guide Chauvot indique 860 m, la carte Michelin 885, le panneau au sommet 927 et la carte IGN est muette. En tout cas, la côte de 927 m est manifestement erronée. En effet, le col est situé entre deux Puys : au nord, le puy de la Nugère qui lui donne son nom, et au sud le puy de Bleymas dont le sommet est à... 927 m d'altitude. Première coïncidence ; en voici une autre : lorsque vous passez le col de la Nugère, côté Volvic, vous avez d'abord un bout de descente en ligne droite, puis la route s'élève à nouveau assez sèchement jusqu'au passage entre les puys de Tressoux et de la Louchadière. Ce n'est qu'après que la route descend plus franchement vers Le Vauriat et Pontgibaud. Or ce point haut est repéré aussi bien sur la Michelin que sur l'IGN par la côte 927 ! J'en étais resté là de mes réflexions lorsqu'un nouvel élément est intervenu : en planchant sur un guide d'itinéraires cyclo en Auvergne, que mon président de ligue m'a chargé de préparer, j'ai mis la main sur un ouvrage consacré aux " itinéraires routiers en Auvergne au XVIIIème siècle ". Dans la partie descriptive, l'auteur y présente, d'une manière classique, les cinq cols de la chaîne des puys évoqués plus haut. Mais quelle ne fut pas ma surprise d'y trouver la mention d'un col du Vauriat et l'absence totale de référence au col de la Nugère. Une carte des environs de Clermont figure en annexe : les cinq cols y sont notés avec précision et ce col du Vauriat apparaît très clairement, situé entre les puys de Tressoux et de la Louchadière ; il s'agit donc du point haut sur la route Volvic- Pontgibaud, 2.5 km à l'ouest de l'actuel col de la Nugère.

Ce col connu au XVIIIème siècle, sous le nom de col de Vauriat, a disparu de la cartographie où il ne laisse plus pour trace que cette cote de 927 m que l'on retrouve curieusement sur le panneau du col de la Nugère qui est en quelque sorte son cadet.

Pourquoi ce changement ? Je n'en ai pas vraiment trouvé les raisons. Je suppose qu'il peut s'agir d'une conséquence de l'influence de Volvic, dont la pierre comme les eaux sont très renommées et ont pour commune provenance le puy de la Nugère, alors que le Vauriat n'est qu'un modeste village de la commune de Saint Ours les Roches et que le puy de Louchadière, s'il est parfois cité pour la forme caractéristique de son cratère égueulé (1), n'a jamais produit qu'un peu de pouzzolane.

Toutefois, le col du Vauriat pourrait revenir au premier plan de l'actualité avec la construction de l'autoroute Clermont-Bordeaux : parmi les différents tracés envisagés, il en est un qui passe dans cette zone. Mais attendons que les études se précisent !

Revenons aux itinéraires routiers en Auvergne au XVIIIème siècle : ils nous révèlent l'existence de 3 autres cols, très nettement inscrits dans la topographie, mais qui ont purement et simplement disparu de la cartographie sans avoir été remplacés par quelque col du voisinage. Il s'agit des cols de la Baraque, de la Croix des Gardes et de Lavet.

Celui qui a été historiquement le plus important me semble être le col des Baraques : situé en bordure du CD 53, à 948 m d'altitude, à la limite des départements du Puy-de-Dôme et de la Loire ; il met en communication les villes de Courpière et de Noirétable par la coupure dite de Vollore-Montagne qui fut pendant longtemps le passage de la route Clermont-Lyon à une époque où la route de la Durolle n'était pas aménagée.

Ce col est très visible dans le paysage, il marque la limite nord des Monts du Forez. Au sommet passe un GR qui descend au couvent de l'Hermitage. C'est pourquoi il est aussi parfois appelé col de l 'Hermitage. Certains guides touristiques affirment que du sommet du puy de Dôme, il arrive exceptionnellement que l'on voie le Mont-Blanc par l'échancrure de ce col.

La croix des Gardes est un petit col à 654 m d'altitude situé sur le CD 49 entre Vic le Comte et Saint-Babel. C'était le passage de la route de Clermont à St Germain l'Herm et au-delà vers la Chaise-Dieu. Les indications de " Croix des Gardes " et de " Chemin de St Germain l'Herm " figurent encore aujourd'hui sur les feuilles du cadastre de la commune d'Yronde et Buron. C'est un itinéraire idéal pour le cyclo : je l'ai utilisé au cours d'une diagonale Brest-Menton : il est tranquille, sinueux, mais direct et mène sans efforts violents jusqu'aux monts du Livradois.

Quant au col de Lavet, il se situe en Haute-Loire, à 1003 m d'altitude, sur la commune de St Jean d'Aubrigoux, au niveau du village de Lavet et à l'intersection de la route Arlanc-Craponne et du GR 330 qui descend du Suc de Medeyrolles. Il met en communication les vallées de la Dore côté Puy-de-Dôme et de l'Arzon côté Haute-Loire. C'est le plus méridional des cols franchissant la branche sud des Monts du Forez après les cols de Pradeaux, de Chemintrand, des Dansadoux et de Pramort. Son importance semble toutefois avoir été secondaire puisque l'axe principal dans ce secteur était la route Ambert-Le Puy via le Velay, le Gévaudan et le Rouergue.

J'en profite pour saluer l'initiative des cyclos du G.C.P. qui vont organiser une randonnée les 13 et 14 août prochain sur la Voie Régordane, du Puy à St Gilles du Gard. Je crois qu'ils nous donnent un bon exemple : à l'heure où la sécurité des cyclos sur les routes nationales semble bien compromise, sachons retrouver les chemins d'antan sur les crêtes et les plateaux. Ils n'ont pas tous disparu, loin de là, et même si les cols n'y sont pas toujours mentionnés, ils demeurent des itinéraires de choix pour cyclo amateur de nature, d'espace et de petites routes.

Claude BENISTRAND

Amicale Cyclo-Clermontoise

(1) Le mot Louchadière signifierait, en patois, la chaise et rappellerait la forme du cratère.


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