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Ad Augusta Per Angusta

Revue N° 16 Page 47b

C'était un col merveilleux, observé et rêvé depuis longtemps. Je n'avais pas été déçu : une route en terre rébarbative au début, juste ce qu'il fallait pour dissuader les automobilistes, puis parfaitement cyclable ensuite, un paysage tout simple, comme je les aime, fait de verdure, de soleil et de ciel bleu et une parfaite solitude.

Voilà les derniers mètres, la pression qui retombe, la joie qui éclate et se manifeste par quelques gestes enfantins. Un vrai bonheur de gamin, c'est vrai et pour un peu, je me roulerais dans l'herbe verte ! Mais je m'aperçois tout à coup que je ne suis pas seul. Silencieusement (pour une fois) un "4x4" vient d'arriver, juste derrière moi. Je n'ai vraiment pas envie de parler ni de partager... quoi au juste ? Nous n'aurions certainement pas grand'chose de commun et surtout pas notre conception de l'effort en montagne.

Je m'éloigne de quelques mètres sur le versant Sud pour retrouver ma solitude un instant perturbée. Comme l'enfant, le montagnard a toujours envie et besoin de savoir ce qu'il y a derrière, après, de l'autre côté.

Lorsque je reviens 3 ou 4 minutes plus tard, il n'y a déjà plus personne. Mon conducteur à la mine renfrognée et blasée à déjà fait demi-tour. Je repense alors à ces deux réflexions de grands écrivains. Ecrites pour la montagne à pied, elles s'adaptent tout autant à la montagne en vélo :

"Il n'est point de paysage découvert du haut des montagnes si nul n'en a gravi la pente car ce paysage d'abord n'est point spectacle mais domination" (St. Ex)

"L'alpiniste développe sa propre puissance et se la prouve à lui-même; il la sent et la pense en même temps... mais celui qu'un train électrique a porté jusqu'à une cime célèbre n'y peut pas trouver le même soleil" (Alain, philosophe).

J.P. ZUANON


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