En vacances au camping de Saint-Étienne de Baïgorry, charmante cité basque bâtie sur les berges de la Nive des Aldudes, je lorgne vers les monts avoisinants si proches qu'on pourrait les toucher de la main. Trois cols muletiers tapis entre ces rondeurs vont avoir droit incessamment à ma visite. Je les ai repérés sur la carte I.G.N. "Pays Basque Est". Le ciel est couvert en cet après-midi du 14 août ; les sommets disparaissent par instant sous les nuées qui les parcourent d'Ouest en Est. Pourtant, je me décide à partir à la découverte des cols d'Aharza, d'Urdanzia et de Leizarzé avec mon vélo tout- terrain "Ranger Hi-Tech". C'est du reste le baptême montagnard de cet engin acquis en début d'année ; je n'ai pu, en effet, le tester que dans ma région. Dès la sortie du village, je quitte la D 948 pour prendre à ma gauche un V.O. goudronné qui, d'emblée, me donne le "La". Du 15% nécessitant illico le 28x32 ! Les montagnes russes succèdent à ce hors-d'œuvre rendant ma progression plus aisée malgré quelques côtes assez "sèches". Laissant sur ma droite une bergerie, je m'engage sur un chemin assez large dont le revêtement quelque peu pierreux, me procure pourtant la sensation d'être encore sur le bitume. Confortable ce V.T.T. et particulièrement maniable. 4 kilomètres à parcourir avec du 6% de moyenne pour rallier le col d'Aharza (734 m) présentement occupé par un troupeau de bovins en train de brouter une herbe grasse. Mon arrivée les laisse indifférents ; à peine un regard. Bien entendu aucun panneau ne signale le col. Il en sera ainsi pour les 79 autres que je serai amené à franchir durant ces congés (pardon, un seul d'entre eux, celui de Soudet, tout près de la Pierre Saint-Martin, possède sa pancarte). Je continue ma route vers le second col et rencontre cette fois-ci des moutons apeurés qui s'enfuient de tous côtés. Qui dans le versant, qui dans les collines, avec force bêlements. Aurais-je l'air d'un loup-garou ? Un couple de pottoks et leur rejeton s'avancent vers moi. Je m'arrête pour les photographier. Du brouillard qui devient plus épais au fur et à mesure de mon avance masque partiellement l'environnement, créant une atmosphère oppressante. Ces formes tourmentées, là à ma gauche, ne serait-ce point ces sylphes qui hantent la montagne ? |
Je m'efforce de penser que ce sont simplement des arbres lorsque soudain me parvient une rumeur, comme une musique. Je n'en crois pas mes oreilles ! Ce coup-ci, je suis en plein délire wagnérien ! j'hésite à poursuivre. Pourtant "l'appel du col" est le plus fort et m'incite à aller de l'avant malgré la persistance de ce bruit qui, à n'en pas douter, est bien un chant qui va s'amplifiant. Au détour d'un lacet, tout près d'une modeste croix de fer érigée sur un rocher, je découvre une dizaine de voitures stationnées sur le gazon du col d'Urdanzia. Présence plutôt insolite en un tel lieu ! Et puis le mystère "s'éclaircit" malgré la densité du brouillard. A 100 mètres de là, se dessine une humble bergerie. Devant cette masure, une trentaine de personnes installées autour d'une longue table chargée de victuailles et de bouteilles !! Debout, plusieurs convives, le verre à la main, chantent à pleins poumons de ces chansons basques si viriles. Spectacle aussi surprenant que singulier dans cet endroit perdu, mais qui certainement s'explique par le fait que nous sommes la veille du 15 août. Sans doute une "répétition" ou un acompte en vue des réjouissances du lendemain ! En tout cas, pour l'instant, à peine ai-je été remarqué par l'assemblée que s'ensuit subitement un silence profond. Inversion des rôles cette fois-ci ! Visiblement interloqués, les bergers doivent se demander à leur tour ce que ce martien, juché sur sa drôle de machine, et surgi de nulle part, vient chercher dans la montagne. Particulièrement gêné d'avoir, à mon corps défendant, pu jouer les trouble-fête, je me hâte de rebrousser chemin en direction du col de Leizarzé. A peine ai-je quitté les lieux, que reprennent de plus belle les chants incarnant si bien l'âme basque, et s'harmonisant à merveille avec l'âpreté des sites alentour. Jean-Jacques LAFFITE 79000 NIORT |