En vers et contre tout, surtout contre le vent.
Ayant quitté Clermont sous une pâle lueur
Sans éprouver du tout ni présomption ni peur
Nous avons par les cols des Goules et du Goulet
Et par le puy d'Aubière échauffé nos mollets.
Et pour atteindre le plateau de Gergovie
D'énormes pourcentages arrivaient à l'envie.
Une brume légère accompagnait nos roues
Et je n'eus point besoin de faire un calcul
Pour savoir que, n'aimant guère la canicule,
Ce temps me réjouissait et m'aidait peu ou prou.
La journée sera longue après ce frais matin ;
Et, suivant cet effort, hors d'œuvre du festin,
Nous dûmes sans répit monter vers Saint-Genès,
Puis le Col de Ceyssat, affronté sans paresse.
Le temps avait changé ; aux fines gouttelettes
Succédait une pluie torrentielle et un vent
Qui nous venait de l'Ouest ; c'était donc droit devant
Et l'effort s'en trouvait aggravé : quelle fête !
On nous avait promis des puys et des sommets,
De pouvoir admirer des sites renommés
Mais ils sont tout noyés dans des nuages trop bas ;
Puy de Dôme, Pariou, la Vache ou Lassolas,
Nous croyons volontiers que vous êtes bien là
Mais, hélas! c'est manqué, nous ne vous verrons pas.
Et toujours c'est le vent, la tempête et la pluie ;
Nous gardons pour plus tard les espoirs d'éclaircie.
Après avoir franchi le Col de Moreno,
Nous pouvons aspirer à un peu de repos.
Premier arrêt ; c'est le château de Montlozier.
Nous sortons nos chaussures hors de nos cale-pieds.
Des boissons chaudes alignées, café ou thé,
Des gâteaux, nous voilà bien vite remontés.
Les amitiés se nouent au gré de pelotons,
Avec d'autres cyclos sans fin nous discutons
Evoquant le passé, les précédents brevets
Où, bien plus qu'aujourd'hui, nous avons supporté
Des trombe d'eau versées par le ciel d'été
Les Aravis quatre-vingt deux : quel souvenir !
Circuit des Vosges il y a six ans : encore pire !
Nous sommes repartis, plein d'un nouvel élan.
Le Col de la Ventouse est plat ; même le vent
Plus clément, dans le dos nous pousse maintenant
Cela n'est pas très long, mais la route descend
Pour nous mener sans trop peine à Saint-Nectaire ;
Il y a beaucoup de monde ; en ce jour de marché ?
Sur les pieds des chalands, pour ne pas trop marcher
Il faut se faufiler, sans mettre pied à terre.
En route pour Murol; nouveau temps de repos
Avant de s'attaquer au morceau le plus gros :
Col de la Croix Robert. Je vais en profiter
Pour bien me restaures et puis réparer
L'ennui que m'a causé un méchant saut de chaîne ;
Un rayon est cassé, deux sont endommagés,
Mais l'aide d'un cyclo qui ne craint pas sa peine
Me permet de revoir ma roue bien dévoilée.
J'affronte le géant lentement, prudemment
Tout va bien au début, mais au bout d'un moment
Même s'il ne pleut plus, les rafales balaient
Les pâturages dénudés ; je suis forcé
De mettre pied à terre et j'en ai presque assez !
Vais-je tenir et jusqu'au bout aller ?
Enfin, tantôt en selle et tantôt en marchant
J'arrive à surmonter ce très pénible instant
Et à dégringoler sur un autre versant : Le Mont-Dore !
Il faut passer un peu de temps
Pour trouver son chemin ; fléchage déficient.
Mais enfin nous trouvons du prochain col la voie :
Roche Vendeix, pas trop pentu, route sous bois,
Le circuit prend enfin un aspect touristique.
Je viens de rencontrer un couple sympathique à tandem.
De concert, nous allons cheminer,
Nous dépasser, nous recroiser et jusqu'à l'arrivée
Jamais les uns des autres être très éloignés.
On se tient compagnie, nous sommes les derniers ;
Après nous, plus de concurrents ; mais après tout,
Le but est de finir, nous irons jusqu'au bout
Et nous arriverons en deçà des délais.
Maintenant, la Bourboule est notre point d'arrêt :
Un tampon, un repas, avec beaucoup d'apprêts :
Des provisions solides, et on peut s'en aller.
Encore un raidillon et c'est Murat-le-Quaire,
A nouveau le Mont-Dore et puis la Croix Morand ;
Encore un gros morceau, il faut pourtant le faire,
Mais le vent dans le dos nous pousse de l'avant ;
Nous l'avons mérité, ainsi que le soleil
Qui depuis un moment a paru dans le ciel.
Vraiment, finir par un après-midi pareil,
Après le temps de ce matin, c'est irréel !
La Croix Morand est avalée tranquillement,
Longue descente sur Chambon et Murol,
Dernier repos et dernier ravitaillement.
Encore une montée, mais ce n'est pas un col
Et quand nous atteignons et dépassons Zanières
Toutes difficultés sont désormais derrière.
Un bref détour pour admirer le lac d'Aydat,
Quel beau pays à voir quand le beau temps est là !
Il suffit vers Clermont de se laisser glisser
Sans donner un coup de pédale, et regarder
Ces profondes vallées dont nous avons hissé
Tout le jour nos vélos pour la forme garder.
Un dernier raidillon, pour ne pas oublier
Que nous venons de faire un brevet montagnard ;
Ainsi nous retrouvons notre point de départ,
Juste après le tandem, je pointe le dernier !
C'est fini, terminé, quel regret d'arrêter !
A toute chose il faut une moralité.
Voilà neuf cols de plus à mettre à mon actif
Pourvu que notre ami Dusseau
Veuille bien trancher dans le vif
Et puisse compter dans mon lot
Les deux qui ne sont pas dans le guide Chauvot !
Sinon j'en aurai que sept : qu'ils étaient beaux !
Bemard MARTY N°2981
Chatou (Cher)