Grâce à la simplicité et à la souplesse de notre règle commune "qui perdure après Perdoux" (!!... ) Jean Perdoux, pour ceux qui l'ignoreraient encore, est le fondateur des Cent Cols, grâce à cela disais-je donc, un col en vaut un autre, qu'il culmine à 40 mètres comme c'est souvent le cas en bordure de mer ou qu'il flirte avec les 3000 mètres du côté des Alpes. C'est ce subtil mélange à tous niveaux de 'parties déprimées d'une crête montagneuse ' (Petit Larousse) qui est l'essence même de notre plaisir. Mais au fur et à mesure que les listes annuelles s'ajoutent les unes aux autres des questions se posent au fil des ans sur l'intérêt réel d'accumuler à tout prix un maximum de cols dont on ne saura même plus, pour certains, deux ou trois ans plus tard, si on les a déjà franchis ou non tant les souvenirs entassés les uns sur les autres deviennent vagues et confus. On a parfois ainsi quelque peu l'impression de courir après son ombre et c'est là qu'il devient important alors de s'inventer des trucs pour que n'apparaisse pas la démotivation. Pour ma part j'en pratique trois ou quatre et ça réussit bien puisqu'à plus de soixante-dix berges (Petit Larousse) je pratique toujours mes sorties cols avec suffisamment d'intérêt et de plaisir pour ne pour le moment, risquer de décrocher (ou de raccrocher ce qui signifie la même chose). Depuis le début de notre confrérie l'une de ces motivations a été d'aller un jour "le plus haut possible". Depuis un col à 3322 mètres en 1980 était en attente... Et c'est parce qu'enfin, le 2 novembre 1992, j'ai atteint au Tibet le cul sur la selle de vélo, l'altitude de 5000 mètres que je m'empresse de vous en faire part mes frères, non pas pour je ne sais quelle gloriole bien vaine, mais pour vous dire que vous pouvez en faire autant et même mieux pour peu que vous disposiez de quelque fric (évidemment ce n'est pas dans le département à côté de chez vous !) et de quelques vacances (à la limite avec 15/20 jours ça peut faire). Pour éviter de prendre trop de place dans la revue je m'en tiendrai à un compte-rendu disons technique qui facilitera le montage d'un projet pour ceux que cela intéresse. C'est par hasard qu'un jour de mai 92 j'ai accroché le programme d'un organisateur de voyages, "Vélonature", dont je vous indique volontiers l'adresse : 5 rue Saint-Victor, Paris 5è. Le Lhassa-Kathmandu qu'il programmait pour la première fois m'intéressait pour trois raisons : on franchissait un col à plus de 5000 (moi qui en rêvais 1), on ne se tuait pas au boulot car des étapes étaient prévues en bus et on nous promettait une incursion au camp de base tibétain de l'Everest. Au départ d'Orly le 26 octobre nous étions douze participants plus un accompagnateur sympa et qui connaissait parfaitement les régions Tibet Népal. Quand je vous aurai dit que nous avons eu le ciel bleu du premier au dernier jour (parce que la période de la mousson est terminée à cette date), que les températures diurnes ont varié entre plus quinze à midi à 3900 m et plus deux ou trois au sommet des cols, que la nuit selon l'endroit, il y a eu jusqu'à moins onze (moins sept sous la tente), que deux népalais nous préparaient nos pique-niques et nos repas (avec la flotte prélevée dans les rigoles... N'oubliez pas l'Hydropur !!!) il ne me restera qu'à vous titiller les pédales en vous livrant un bref résumé de "l'aventure". Jour 1 : Orly - Karachi - Kathmandu. Nuit à l'hôtel Manaslu, calme, agréable. Jour 2 : Kathmandu - Lhassa par un Boeing 707 pas vraiment tout neuf de la "Royal Népal". Superbe passage entre l'Everest et le Kantchemiunga. Hôtel Hollidays-Inn à la sauce chinoise. Lhassa est à 3700m d'altitude. A ces hauteurs qui ne nous quitteront plus jusqu'au Népal il n'y a pas de malins: il faut essayer de s'acclimater vite pour n'être 'patraque' que le moins longtemps possible. Jour 3 : Visite du Potala, palais du Dalai-Lama, puis Gohkang, le plus vieux monastère du Tibet. Préparation des VTT amenés de France (vu le traitement de 'chocs' quand ils sont trimbalés en camion, évitez de prendre votre chère monture qui deviendra vite une démonture ! L'organisation vous en louera un, probablement mieux préparé, du moins je l'espère, que ceux dont nous avons disposé). Jour 4 : Virée en VTT au monastère de Sera (15 bornes AR). Derniers réglages en principe !! Jour 5 : Un petit bus (pour les cyclos fatigués ou embarbouillés dans les affres du traître mal des montagnes), un camion solide mais aux réactions brutales pour le matériel, voilà ce qui quitte Lhassa derrière les pédaleurs (dont deux sont des pédaleuses). Route plate à peu près goudronnée sur 70 kilomètres jusqu'au pont sur le Brahmapoutre, altitude 3620m. Camping un peu au-delà, au pied du premier col, là où le goudron cède la place à la piste, poussiéreuse au possible et souvent caillouteuse qui court montagnes et plateaux sur 800 km jusqu'au cœur du Népal. |
Jour 6 : Mille mètres de dénivellation pour franchir le KAMBA-LA (4730m). Pente raisonnable mais jambes molles because l'altitude. Descente brève, premières crevaisons. Camping au bord du lac Yamdrock 4400 mètres. Jour 7 : Etape de 60 km jusqu'au pied du second col. Camping à 4550m. Jour 8 : Etape de 40 km. 6 à 7% de pente mais là-haut le 26X26 c'est tout juste !! Enfin un rêve exaucé: KARO-LA (5020m). Le col est dominé par de jolis sommets glaciaires et les séracs du Nozinq Kong Sa (7223m). La limite de neige se situe vers 5200m. Descente à Lungma. Camping à 4200m. Jour 9 : Un col facile (255m de dénivelée), le SHIMI-LA (4440m). Descente graduelle jusque Gyantsé (3950m). 42 km. Nuit à l'hôtel. Jour 10 : 80 km en bus (ça gagne du temps). 20 km en vélo pour atteindre Shigatsé (3900m), 40 000 habitants, deuxième ville du Tibet. Nuit à l'hôtel. Jour 11 : Etape en bus jusque Xégar (4350 m). Nuit à l'hôtel. Jour 12 : Bifurcation pour un aller-retour jusqu'au camp de base tibétain de l'Everest. Piste non accessible au bus. Seul le camion s'y aventure. Le PANG-LA 5200 m devait être franchi à vélo, mais un incident mécanique sur le camion retarde tout le monde. On ne fera sur les pédales qu'une partie de la montée... Bernique pour ajouter un col à ma collection. Par contre, on se lance dans une descente échevelée où les plus excités ne tenant aucun compte de l'état de la piste, collectionnent les pincements de pneus. (mon fils se paye 5 perçures sur sa seule roue avant...) Camping au bas de la descente. Jour 13 : progression en VTT en direction de l'Everest. Après le pique-nique, tout le monde dans le camion, pour la partie la plus pentue de l'étape. Camp au pied du monastère de Rombuk à 5060 m, face à la prestigieuse pente Nord, du "Toit du monde". Jour 14 : 10 km de VTT, pour atteindre le lieu-dit camp de base, vaste pierrier à 5300 m d'altitude. Pour les robustes constitutions, poursuite à pied jusque sur le glacier vers 5500 m. Retour au camping. Jour 15 : Retour à la piste Tibet-Népal. Partie en vélo, partie en camion. On retrouve notre bus à Tingd (4100 m). Devant la perspective d'un nouveau camping par -10°,' on lève unanimement les boucliers, et ça se termine à "l'hôtel" de l'Everest, masure de 2,50 m de haut dont les paillasses fatiguées mais néanmoins convenables, nous coûtent 10 yuangs (10 francs environ.) Jour 16 : Dernière étape tibétaine. 95 km de bus pour atteindre Lalong-Leh (5080 m) où l'on enfourche les bécanes pour une longue descente par pallier jusqu'à Nyalam, ça fait drôle de redescendre en dessous de 3000 m et de retrouver un souffle presque normal. Repli dans le bus pour traverser au long d'une gorge profonde jusqu'au poste frontière la zone mise à mal chaque année par la mousson. Les boues argileuses s'ajoutent ainsi à la végétation luxuriante pour nous indiquer qu'on a décidément changé de climat. On serre la main à nos chauffeurs tibétains qui ramènent à Lhassa bus et camion. Vive le Népal et en prenant soin de s'habituer à la circulation à gauche, on pédale allègrement jusqu'à Tatopani, premier village népalais. Nuit chez l'habitant. Jour 17 : Longue descente, entrecoupée de faux plats, jusqu'à Dolaghat. Camping au bord de l'eau à 520 m d'altitude. Le pied ! Jour 18 : On a retrouvé le goudron. Paysage de cultures en terrasses. Langues pendantes pour atteindre le col de Dhulighel (1 500 m). Il reste alors une trentaine de kilomètres de 'monte et baisse' pour se fondre, en short et chemisette, sous le chaud soleil, dans l'incroyable anarchie circulatoire de la capitale népalaise et retrouver le calme de l'hôtel Manaslu. Jours 19 à 21 : Visite rapide de Kathmandu (il faudrait au moins 10 jours) et envol pour Karashi puis Paris. En conclusion , je dirais que ça vaut vraiment le détour si on n'est pas trop délicat. On peut faire en VTT, (ou à la limite en vélo solide) sur ce parcours, 6 cols dont 4 dépassent 5000 m. Mais on peut aussi se contenter d'un programme allégé tel que le nôtre, et croyez-moi, ce n'est déjà pas tous les jours de la tarte ! André VOIRIN Gérardmer (Vosges) |