Cyclotourisme, décembre 1994. Coucou, le revoilà, de rouge auréolé, notre inusable Parpaillon. Tout a été dit sans doute, au fil des ans. Tant pis, comme disait la vieille dame qui confessait un gros et très ancien péché, ça me fait tant plaisir d'en parler. Comme du B.R.A. et de Paris-Brest-Paris, en ai-je assez rêvé dans les années 50... Des premiers, l'âge m'a délivré, alors que dans ma tête court encore un Parpaillon, grand ou petit. Pourquoi, au juste ? Il est austère, interminable, grandiose si l'on veut et offrant comme joie ultime la traversée d'un boyau inquiétant. Seulement voilà : ce fut mon premier 2000 de viabilité douteuse, et j'en avais tant lu sur lui que je voulais voir. Pourtant, le mois précédent, Furka, Obéralp, Fluela etc.., n'étaient pas plus asphaltés mais les cailloux étaient dans l'ensemble à l'intérieur de la chaussée. Bon, ce 24 août 1955, ce ne fut pas épique. Le chemin était sec, le tunnel dégagé quoique lacustre aux deux bouts et glaciaire tout du long. J'y semais mes chaussures cyclistes mal ficelées mais les retrouvais près de l'entrée. Bonne chose car il n'y avait pas de pile dans ma lampe. A part ce souvenir obscur, je me rappelle que c'était dur de tirer dans ces cailloux le barda complet du campeur. Deux cols plus loin, le col de Grous, c'était bien autre chose, et je jurais qu'on ne m'y reprendrait plus. Dix-huit ans après, nous sommes nombreux, c'est plus gai. J'en vois qui poussent de beaux vélos auxquels ne manquent qu'un plateau plus petit et des pneus plus gros. J'en vois un pétrifié devant une vache qui le regarde avec des yeux pourtant pleins de bonté. La traversée a dû être sans histoire puisque je ne m'en souviens plus. Le retour à Gap n'est pas triste, car le père du rallye, qui adore ça, a rajouté quelques cahots en prime avec la piste qui grimpe d'Espinasses à Gapian. Ceci dit la chaîne du Parpaillon n'est qu'une petite partie du massif qui s'élève entre Durance et Ubaye, entre Vars et les terribles pentes du col Pontis. On y trouve nombre de passages pour tous les goûts, même les goûts douteux. Mentionnons tout de suite le vaste domaine Vététiste des cols de Chérine, Valbelle, Vallon et autres lieux. L'accès le plus beau est par Risoul, qui permet de contempler longuement l'aérienne île de Montdauphin avant de pénétrer dans le royaume des Attila du bulldozer. L'armée, dans ce domaine, fait moins de dégâts. Passons, et sachons regarder au loin, comme sur les pistes du Jandri, ô camarade Jean-Paul Zuanon. Moins couru sans doute est le col du Crachet entrepris depuis le col de Vars un radieux matin de juillet 75. Je venais de passer la veille, le col des Orres long et sans difficulté notoire. Un compagnon du Pignon Fixe rencontré l'année précédente à Barcelonnette m'avait pourtant dit, très sérieux: on ne revient pas du col du Crachet! Pour preuve, tous ceux qui ont tenté d'y aller ne m'ont jamais donné de leurs nouvelles. C'est vrai, j'ai d'abord suivi des cairns qui ne menaient nulle part sans toutefois trouver trace d'ossements mêlés à de la ferraille rouillée. J'ai fini par passer, portant le vélo dans de vastes pierriers, autant qu'il m'en souvienne. Sans être une partie de plaisir, ce n'était donc pas le triangle des Bermudes. Je le fis savoir à ce pince sans rire, mais il n'accusa pas réception. |
Les années passent. Août 1985. Aimable hospitalité pastorale au pied du col de Girabeau, simple grimpée un peu rude dans les alpages. Troisième (et dernier ?) Parpaillon passé "à l'économie": le sentier ne tombe pas très loin du tunnel. Retour sur l'Ubaye par le col de la Pare. C'est peu pentu, mais longuet. Le versant sud vaut nettement mieux. Août 1989. Col de la Rousse, entre Crots et le Lauzet. Route et bonne piste jusqu'à la grande cabane, puis chemin bien tracé vers le col. Le début de la descente est peu clair avant de trouver le sentier rapide qui dévale sur Champ Contier, où l'on rejoint la route. Hors sujet: la traversée col d'Allos-Cayolle, presque aussi gratifiante que les crêtes de Sestrières - quatre cols - mais moins roulante et plus sportive! Cela avait bien meublé la journée du lendemain. Beau souvenir... Septembre 1994. Cette fois, je grimpe par la route parallèle de Boscodon. Résumons: Bonne RF pour la Grande Cabane, large piste jusqu'à la Pérouyère, dure grimpée sur sentier inexistant vers une piste coupant un immense ravin, enfin long cheminement balisé de loin en loin pour le col des Olettes. Là-haut, le décor est magnifique et effrayant, en cette fin de journée. Des troupeaux venus par le col de Famouras paissent entre les ravines de la combe Reynier. Sous mes pieds, rien, que des pentes non pâturées terriblement raides. Ah, le fallacieux pointillé de la carte au 50 000°... Mais peut être ne l'ai-je pas assez cherché ce sentier improbable. Le temps me manquait. Au bout d'1 h30 de portage précautionneux, la nuit m'a pris au bord du torrent des Enfers, le bien nommé, et les étoiles ont veillé sur moi. Sur l'autre versant, le lendemain j'ai vite trouvé une bonne piste carrossable puis un sentier acrobatique mais sans danger, enfin une route arrivant sur Méolans. Le ciel était devenu très noir, j'ai compris que j'avais eu beaucoup de chance et que la suite: cols de Séolane, Vautreuil etc... étaient renvoyés sine die. Une semaine désastreuse pour les Alpes du Sud et la Provence venait de commencer. J'ai rejoint Gap sous des pluies diluviennes. Reviendrai-je ? Reste à faire, au milieu du massif, le col de l'Ane, mais la TOP 25 tardivement consultée en gare de Gap m'aurait dissuadé de faire ce col des Olettes. Les cols ou pas de l'Ane sont nombreux et pourraient faire l'objet de collection, mais l'âne je l'ai sans doute assez fait. En août prochain, 41 ans auront passé depuis mon premier Parpaillon. Dans la tête du fou qui, paraît-il ne blanchit jamais, le doute finit par s'installer... Marcel BIOUD N°12 COUBLEVIE (Isère) |