Gamberge chez les blaireaux

Comme beaucoup, je fais du VTT... enfin... il serait préférable de dire... j'essaie de faire du VTT !

Jusqu'à présent je ne me suis frotté qu'à deux des quatre "VTT Francilien". Quand on est sur ses terres, c'est plus facile et on ne risque pas grand' chose. Le reste consiste en une longue série de balades entre différents GR, pour voir comment c'est fait, hors des sentiers balisés.

Nous sommes le 7 août. Il y a moins de vingt minutes je frissonnais dans la longue descente de Montbrand à La Faurie. Maintenant je risque de faire "sauter les plombs" dans les lacets conduisant à Seille.

"Je fais le Blaireau". N'imaginez pas une nouvelle posture de descente, ce n'est qu'une organisation VTT du club omnisports de la Faurie dans les Hautes Alpes. Et cela, tout simplement, parce que ma fille, chez qui je suis en vacances, m'a dit:.." Papa, des amis de la Faurie organisent le Blaireau. Tu as ton VTT, tu dois le faire ! "

Étant venu spécialement dans le Haut Buech pour glaner quelques muletiers, je ne peux pas m'y soustraire. Me doutant bien qu'il y a un abîme entre la pratique solitaire du cyclotourisme en milieu montagnard et la participation à I' une de ces grandes messes du vélo tout terrain, je m'entraîne sérieusement.

Le 4 août usant du fallacieux prétexte d'une ultime mise en condition, je déambule sur la piste des crêtes de l'Assietta. Je note qu'avec le VTT je ne monte pas plus aisément qu'avec mon vélo de route. C'est une découverte intéressante, car jusqu'ici, je l'ai plus utilisé pour la promenade que pour un usage sportif. Doublé par deux " Antibes - Thonon "sur vélo route, j'en conclus "Finalement ce n'est pas mieux; c'est même nettement moins bien".

Augures peu favorables... mauvais présage... je me demande comment cela va se passer le 7 août.

Agitant ces sombres pensées, je retrouve le moral dans la descente des Chaumettes. Les randonnées familiales sont bien utiles. En terrain connu, il est plus facile de suivre le circuit.

L'euphorie est de courte durée. Une fois le Buech passé, il faut remonter. Le col de l'Angélus n'est pas tendre. Les jeunes passent comme des avions, les moins jeunes restent un peu plus longtemps à ma hauteur et puis il y a ceux que j'arrive à doubler.

C'est incroyable comme le vélo modifie le comportement des individus. Je ressens un certain trouble lorsque je dépasse. Un peu, comme un plaisir malsain, tiré de la pensée "Tiens, quelqu'un souffre au moins autant que toi".

Premier contrôle. C'est la foule. Je ne m'attarde pas sachant qu'il faut poursuivre l'inexorable escalade des acolytes. Que la montagne est belle ! C'est franchement dommage de se contraindre d'y galérer de la sorte.

Victime d'une belle défaillance, un cyclo me demande combien de kilomètres il reste à couvrir avant la descente. Bien que, pas très frais et cueillant des framboises pour donner le change, je tente de lui remonter le moral et lui laisse des barres de céréales pour recharger ses batteries.

Second contrôle. Je suis heureux d'entendre, enfin, parler de la Fédé. Des régionaux s'inquiètent d'amis absents. Beaucoup sont, soit à Mer, soit à la R3C. Me croyant seul dans une troupe d'hérétiques, je suis soudain satisfait d'apprendre la présence d'autres missionnaires. Du coup, il me pousse des ailes et je trouve les pentes moins raides.

Le puissant rationalisme de l'IGN 3338 Ouest élimine l'hypothèse d'un miracle... c'est nettement plus plat.

Maintenant, il n'y a plus aucun doute... ça descend. D'abord sur un étroit sentier aussi pentu qu'acrobatique puis ensuite sur la très roulante route forestière d'Agnielles.

Dieu ! Combien je regrette mon bon vieux vélo classique. Avec ses grandes roues de 700, chaussées de confortables pneus de 28, je n'ai jamais eu de problème dans les endroits les plus mal pavés de la planète. Même sur le très coriace circuit de Tende, tracé par Paul André, nous avons roulé, Pierre Cordurié et moi, bien plus facilement que je ne passe aujourd'hui.

Ca y est, voici le plat et une amusante traversée de la zone voisine du cours du Buech. C'est fini.

Je suis maintenant titulaire d'un superbe brevet de randonneur de vélo tout terrain.

Il est possible que je ne me fasse pas que des amis, mais je persiste à croire que le VTT n'est qu'une formule. Nombreux sont ceux qui y trouvent du plaisir, c'est très bien.

Pour ma part, je n'ai certainement pas réussi à contrôler cet engin comme il faut et ne peux en bénéficier pleinement. En fait, je le considère surtout comme un moyen supplémentaire d'exploration des grands espaces naturels... un outil de promenade utile par sa rapidité relative et ses capacités de franchissement.

J'apprécie le VTT pour ses qualités tout en réservant ma préférence à ce bon vieux vélo. Que voulez-vous, on est classique ou on ne l'est pas !

René CODANI N°1882

Lardy (Essonne)