Vadrouillant dans les monts de l'Espinouse, je me suis aventuré loin dans les fertiles terres colifères du nord-est à la poursuite de quelques cols éparpillés. Le désert blanc marquant le haut du pli 4 de la Michelin 83 m'incite à redescendre vers des endroits plus giboyeux. Après une bonne nuit à Ceilhes-et-Rocozels, la superbe descente des gorges de l'Orb est un régal. Midi n'est pas loin. Je décide de faire mon marché au Bousquet d'Orb. Il y a un monde fou chez "Christian" le boucher. En attendant mon tour j'admire sa technique. En servant la personne me précédant, il rajoute son nom de famille à chaque phrase. Cela donne à peu près ça: "Bonjour Madame Martinez"... "Et avec ça Madame Martinez"... "Deux entrecôtes, Madame Martinez"... "Voila... Madame Martinez... Au revoir Madame Martinez." "Et pour Monsieur ce sera ?.." J'ai une envie folle de lui décliner mon identité mais comme j'ai faim, je me borne à demander du jambon de pays. Je sors nanti d'une tranche coûteuse, épaisse comme le guide cyclo. C'est le jour du marché, il se tient à proximité. Après avoir acheté un pélardon à une jolie fromagère, je fais la queue derrière quelques dames pour acheter des fruits. Parmi elles, Madame Martinez fort occupée à jacasser avec ses voisines. |
Soudain, sans s'en apercevoir, elle laisse tomber son porte-monnaie. Je ramasse l'objet et lui tends en déclarant : "Tenez Madame Martinez, vous avez perdu votre porte-monnaie. Stupéfaite la brave dame me remercie. Plus tard, elle répond par une mimique d'incompréhension totale à l'interrogation muette de ses voisines. Je devine le "qui est-ce". Une fois servi, je m'éloigne en ricanant intérieurement. Elles ne le sauront jamais sauf si elles lisent la revue des "Cent Cols"... chose fort improbable au demeurant. René CODANI N°1882 Lardy (Essonne) |