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Petit traité de vélologie.

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Le vélo n 'est pas seulement un sport. C'est une philosophie. Arrêtez de pédaler, vous tombez. Ce n'est pas rien. Car nous voici en présence d'un symbole capital l'équilibre lié au mouvement. Le marcheur ou le coureur à pied, peut faire une pause : son équilibre n 'est pas compromis. Le cycliste, s'il s'arrête, devient boiteux, un animal à trois pattes: deux roues et un pied par terre. Il peut en revanche goûter les délices du déplacement "en roue libre", ce que ne peut s 'offrir le coureur à pied.

Le cycliste, comme le funambule, déplace horizontalement un centre de gravité très précaire. Métaphore de l'humaine condition ? Autre chapitre de cette philosophie, l'effort. Le mouvement que procure l'équilibre est le fruit de l'effort. Sans effort vous n'avancez pas (sauf en descente, mais celle-ci est nécessairement l'aboutissement d'une montée). Ecole de courage et de volonté, le vélo est une belle leçon de morale stoïcienne qui se combine harmonieusement avec l'épicurisme cycliste : sensations multiples du corps traversant l'espace, plaisir des yeux embrassant le paysage à allure sage, griserie de la descente, perception des bruits et des odeurs, des lumières et des sites.

Mais on peut voir aussi le vélo sous un autre angle. Plus psychanalytique. Celui d'une continuation de l'enfance. L'enfant (mâle) a généralement deux jouets cultes : un ballon et un vélo. Faire du vélo c'est ne jamais sortir totalement de l'enfance. Il y a d'ailleurs beaucoup d'enfantillages dans les rituels cyclistes adultes, de la fierté du jouet neuf à la compétition cachée.

D'un point de vue sociologique notons que sur un vélo tout le monde est logé à la même enseigne. Riche ou pauvre, pour avancer, il faut pédaler. Le vélo est alors un processus égalitaire que n'aiment pas beaucoup les bourgeois. L'argent peut vous faire aller plus vite en voiture, pas en vélo. On ne peut pas se payer de "cours" de vélo (à la différence du ski, du tennis, du golf...) et le matériel de prix élevé ne réduit pas l'effort à fournir.
Le vélo a également son code linguistique dont les signifiants constituent un signe d'appartenance au groupe. Si tout le monde connaît le sens de l'expression (faussement efféminée) "en danseuse", l'apprentissage des termes "braquet", "dents", "prendre la roue" (ce ne sont que quelques exemples) fait partie des rites d'intégration. Dans certains cas le champ lexical est particulièrement riche. Ainsi pour désigner la déclivité de la route, le cycliste différencie le "faux-plat", la "bosse", la "cote", la "montée", le "raidillon", le "col".

Il faut aussi rappeler que le vélo a une mythologie, c'est à dire une histoire qui se transforme parfois en légende, des cyclistes qui deviennent héros, des lieux qui résonnent de leurs exploits (voir à ce titre l'aura qui entoure certains grands cols des Alpes et des Pyrénées). Et par analogie, monter un col puis le redescendre, c'est un peu Sisyphe et son rocher. Enfin il resterait à dire toute la poésie du cycle, les envolées lyriques des grands jours de forme, la narration épique de la victoire sur un col, le récit élégiaque des heures de détresse...

Mais à la fin de cette étude pseudo sérieuse, mimant les sciences humaines, une question fondamentale reste posée : qu'est-ce qui fait pédaler les cyclistes ? Quelle est la quête de ces Don Quichotte sur deux roues ? Fouillons leur inconscient. Ne serait-ce pas de l'ordre du fantasme, ne roulent-ils pas sans le savoir vers une image idéale, vers une Paulette sublimée, déesse de tous les vélophiles ?

Paulette, mais oui, vous savez bien, la fille du facteur, dans la chanson de Montand...

Yves GERBAL N°3843

MARSEILLE (Bouches du Rhône)


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