L'organisateur, Georges Rossini membre de notre confrérie, annonce la couleur dans son dépliant de présentation : "Le BCMC, avec le plus grand rapport dénivellation-distance de tous les brevets connus actuellement est difficile. Il va sans dire que l'on ne peut s'aligner au départ que si l'on a mis toutes les chances de son côté : préparation physique très sérieuse, matériel bien entretenu et surtout braquets appropriés". Nous étions donc prévenus : 350 km avec 22 cols à franchir pour 8 311 m de dénivellation ; un joli menu à digérer en deux journées. Il fait encore nuit, premiers coups de pédales à la dynamo le long du lac Leman, premier coup de tampon à Evian, véritable départ du circuit. La route s'élève progressivement, tandis que le jour se lève ; nous franchissons les collines aux villas de rêve qui dominent le lac et nous basculons bientôt dans un autre paysage très vert, couvert de rosée et de brume : c'est le Val d'Abondance et ses magnifiques alpages du fond desquels résonnent les concerts de clarines. Nous quittons presque à regrets cette attachante vallée par le joli col du Corbier dont la descente à la fraîche nous conduira aux portes de Morzine. Nous remontons vers le lac de Montriond aux eaux turquoise encadrées de hautes futaies. Nous espérons que les diapos seront réussies. La pente s'accentue nettement pour atteindre le col de la Joux-Verte. Je m'efforce de grimper le plus lentement possible car la route est longue et difficile et puis demain... on remet cela ! Voici le hameau des Lindarets, les chèvres occupent la chaussée nous obligeant (quelle aubaine!) à mettre pied à terre. Les derniers lacets de la Joux Verte sont faciles et ombragés. Le sommet est en revanche très dégagé et malgré l'altitude (1760 m) nous sentons que la journée va être chaude. En cette fin de matinée, nous rencontrons beaucoup de VTT. A voir évoluer la plupart de ces cyclistes, ma conviction concernant l'activité vététiste ne peut être que renforcée : ce merveilleux engin qui donne tant de joies à ceux qui le pratiquent hors des sentiers battus, sur les pentes herbues et rocailleuses, ne me semble vraiment pas fait pour la route. Dans un petit col, tout un groupe familial est à pied, poussant le VTT. Seul, un des membres de l'équipage est resté sur sa monture, n'avançant guère plus vite que les autres et moulinant à perdre haleine, au bord de l'asphyxie sur un braquet bien inférieur au tour de roue. On leur a sans doute dit qu'avec "21 vitesses" ils pouvaient grimper n'importe quoi et... On met tout à gauche dans la moindre bosse sans savoir qu'une modification importante du rythme de pédalage risque d'être fatale ! En fait, il existe un VTT performant sur la route : c'est la Randonneuse. Le début de l'après-midi est placé sous le signe de la canicule avec cette épouvantable montée de la Savolière. Un col de 5 km à 10 % et en plein soleil... Soleil qui a bientôt raison de ma carcasse en dépit de la casquette et des lunettes adéquates. Je me vois contraint de mettre pied à terre pendant quelques minutes. Je me sens complètement déshydraté bien que... j 'ai souvent bu avant d'avoir soif... Le sommet est en vue. Le moral reprend le dessus ; un bon casse-croûte sur le plateau du Praz de Lys et nous sommes d'attaque pour cette fin de journée. La descente de la Ramaz est assez dangereuse, un surcroît de prudence s'impose. Il nous reste 4 petits cols à franchir, ils nous semblent faciles, agréables, mais les villages du fond de la vallée sont surchauffés. Le goudron fond sur la chaussée, la traversée est parfois pénible. Christian déniche un itinéraire tranquille le long des berges du Leman. Nous sommes fatigués sans plus, demain cela devrait aller. |
Le lendemain... Quand le jour se lève, nous sommes déjà à quelques centaines de mètres d'altitude. Il est temps de couper la dynamo. La vie rurale commence : ça et là des vieux jardiniers s'affairent dans leurs potagers alors que le gazouillis des oiseaux sonne l'éveil de la nature ; c'est la meilleure heure d'une journée qui s'annonce très coriace avec 4 600 m de dénivellation. Parcours truffé de difficultés sans pratiquement de terrain plat. Parmi celles ci, la montée en escalier de l'Encrenaz alors que le soleil émerge de la crête de Nantaux. La montée est agréable et... que la montagne est belle ! Un sommet accueillant avec la fontaine taillée dans le tronc d'un pin et le bon café du petit chalet-auberge. Nous rejoignons la vallée de Morzine par la descente de la Savolière précédant le roulant col des Gets qui suit la gorge du torrent. Le col de Joux Plane sera le point culminant de cette journée : quatre kilomètres très "costauds" à la sortie de Morzine puis le paysage devient magnifique : des lacets en sous-bois au milieu des champs de fougères, des fontaines où l'on peut faire l'appoint de cette eau si précieuse et une route ombragée jusqu'en haut. Nous dégustons une bonne bière devant le paysage grandiose du Brévent et de la chaîne du Mont Blanc. La descente sur Samoëns est très rapide, c'est sur un banc public, à l'ombre des tilleuls de la place de cette jolie petite ville que nous casserons la croûte. Nous y sommes très bien mais la route est encore longue. Descente de la vallée du Giffre dans la fournaise, traversée de plusieurs petits villages écrasés de soleil qui ont nom: Quincy, Saint-Denis, Onnion avant d'affronter le terrible col de l'Avernaz dont le dernier kilomètre très pentu, avec un vent de face qui nous cloue sur place. Devant la buvette de Plaine-Joux un paysan bat sa faux d'un geste régulier et précis, un travail d'artiste qui se fait de plus en plus rare à l'ère des tondeuses et autres engins de débroussaillage. Le col de Terramont n'est pas très difficile : nous y faisons halte auprès d'une source limpide. C'est l'occasion de faire un brin de toilette, de débarrasser nos visages d'une sueur dégoulinante et de remplir nos bidons d'eau fraîche. Court entracte avant la dernière partie du programme : 3 cols à gravir dont l'impressionnante montée du col du Feu, la dernière grosse difficulté. Nous y sommes bientôt : ascension relativement courte de trois kilomètres mais un véritable mur ; nous avons l'impression que nos cuisses vont exploser. Sommet atteint ponctué d'un ouf ! Contrôle : merci monsieur l'aubergiste pour vos quarts Vichy à 14 francs ! Nous sommes à 1100 m et la relative fraîcheur du soir commence à se manifester à cette altitude ; nous passerons les deux dernières bosses facilement. Un dernier coup de tampon au col du Roch (*) et c'est une belle dégringolade vers le Leman sur une route large au milieu des sapins. Avec une grande satisfaction, nous retrouvons notre petit village de départ: Orcier et son lavoir. C'est la tête remplie de toutes ses difficultés mais aussi des magnifiques paysages, souvenirs impérissables que nous a laissé ce fameux Brevet Cyclo Montagnard du Chablais que nous goûterons cette calme et chaude soirée. Pour fêter cela, nous avons "chablé" le champagne ! (*) Roch n'est pas un "vrai" col. Pierre ETRUIN N°341 BAVAY (Nord) |