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Blanche-Neige à la Chavanette.

Revue N° 24 Page 49

Départ plutôt frisquet pour ces grandes retrouvailles avec les cols des Alpes délaissés depuis 1991.

Parcours classique de Morzine jusqu'à Avoriaz en passant par les Lindarets. C'est la dixième fois que j'escalade ce très beau col de la Joux Verte qui fut il y a quatorze ans mon premier contact avec les Alpes.

A partir d'Avoriaz, c'est l'inconnu : la piste le long des lacs s'avère plus caillouteuse et moins plane que prévu. Dès lors, un peu de marche s'avère nécessaire. Dès le deuxième lac, la route se cabre et réclame pas mal d'énergie. Je suis encore bien loin de la Chavanette dont j'aperçois l'emplacement grâce au terminus du téléski. Puis survient l'imprévu : d'énormes plaques de neige dissimulent le chemin et m'obligent à naviguer au "pif".

Dès lors, ce seront des efforts démesurés pour vaincre la pente, le terrain et le poids du vélo devenu en l'espace de quelques dizaines de mètres un sérieux fardeau. Arrêts fréquents pour récupérer. Quelques gorgées d'eau fraîche... mais que de neige ! Assurément, l'hiver a du être tardif en ces lieux. Du coup, le dépassement de l'altitude 2000, tant convoitée, ne fut qu'une péripétie de cette lutte terrible avec la pente. Pas question de renoncer ! Je m'accroche.

Voilà, le col est là, tout proche maintenant... une dernière plaque de neige... j'y suis. Le paysage, côté suisse, est grandiose : les Dents du Midi toutes auréolées de nuages barrent l'horizon. Les alpages font entendre leurs agréables sonnailles.

Hélas ! Pas question de s'attarder en ce haut lieu (2 147m) car j'ai déjà perdu pas mal de temps et ne sais ce qui m'attend plus loin. Je suis vite fixé. Pour passer du pas de Chavanette à ce que je crois être le pas de Cubore (en réalité, il s'agit du col de Vorla !), il faut grimper un sentier très escarpé sur plusieurs mètres à flanc de montagne. Un faux pas et c'est la dégringolade. Le vélo se révèle, plus encore que sur les plaques de neige, un véritable fardeau. Je dois l'empoigner par la fourche avant et par la fourche arrière pour progresser de quelques mètres. Renoncer ? Non, certainement pas.
Heureusement, le passage délicat n'est pas trop long, le sentier très étroit consent à s'aplanir et débouche sur une piste large et en forte pente. Pas question de remonter sur le vélo ! J'arrive au col de Vorla (2205m). C'est la plus haute altitude de ma carrière dans cette région. Un seul regret, je n'ai guère le temps de savourer ces moments tant attendus.

Il n'y a plus de chemin, c'est donc un peu à l'aveuglette que j'entreprends la descente. Je me dirige en plantant, tel un bâton de ski, le vélo tous les 4 ou 5 pas. Si le conducteur qui manoeuvre le bulldozer là-haut, sur la pointe de Mossette me voyait, il se poserait des questions !

Je dois à nouveau affronter les plaques de neige mais l'effort n'a rien de comparable. J'atteins la piste de l'Abricotine et peux enfin utiliser ma "Champagne" comme moyen de locomotion. Oh ! pas très longtemps, car par endroits le chemin se révèle trop caillouteux ou trop pentu. Je croise des marcheurs qui se rendent au lac Vert (au-delà du col de Chésery). Non loin des Brocheaux, j'arrive en pays connu.

Voilà, j'ai réussi ! J'arrive aux Lindarets où je retrouve le goudron... le trafic... et la crevaison ! Le lendemain, lors d'une promenade en famille dans les rues d'Avoriaz, je me suis surpris à tourner la tête du côté de la Chavanette. La neige y était toujours aussi blanche mais Phébus, là-haut dans le ciel, commençait à avoir raison d'elle.

Jean-Pol ROSMANT N°3517

ATH (Belgique)


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