C'est une grande histoire entre lui et moi... J'avais gravi dans le temps, ces cols, admiré cette merveilleuse nature, ces grands espaces alpestres à la fois pastoraux et vertigineux. Je l'avais personnifié, ce grand brevet et jusqu'a présent n'avais pu y participer. Donc, la sagesse aidant, l'âge venant, je m'engageais en 1994 à cette fabuleuse épreuve en qualité de "touriste", cette formule m'a permis de profiter pleinement des richesses que m'offrait la Haute-Savoie, en beauté, en calme, en ces immenses étendues champêtres et chaotiques. Je me trouvais dans l'enceinte du départ, l'ambiance était bien là, un fourmillement de couleurs, de joie. Cyclistes de toutes les régions, interpellations... C'était le début de la fête, mais aussi au ventre une angoisse, un pincement au coeur, l'épreuve était de taille... Depuis quelques heures, de gros nuages très menaçants couronnaient les sommets alentours et nous avions tous le même réflexe : le regard tourné vers le ciel, une certaine anxiété nous gagnait. Enfin qu'importe ! On s'était engagé ! On verrait bien par la suite... C'est le départ, nous quittons en une longue colonne le lieu de rassemblement. Plus de 500 cyclos en un ruban multicolore et bruyant longent le chatoyant lac d'un vert émeraude et les avenues de cette élégante ville, oh combien touristique. Après être passée au pied de la basilique de la Visitation, la route s'élève. C'est parti... Un dur morceau ce "Semnoz" qui culmine à 1700 mètres. Dès le départ, nous étions dans le vif du sujet : la dure réalité de la grimpe. A mesure que nous progressions, la menace de l'orage se précisait, elle devenait réelle et brutale. Juste le temps de s'équiper et dans ce silence stressant au coeur de la forêt, la pluie frappait fort. Elle nous accompagna pratiquement jusqu'au contrôle à deux kilomètres du sommet. Un réconfort apprécié de tous nous était offert. Accompagnant la nourriture du corps, le soleil fit son apparition pour ne plus nous quitter, à la grande satisfaction de tous. Il contribuait à nous sécher, nous réchauffer avantageusement, nous en avions bien besoin, le moral aussi ! Suite à cette première partie du parcours sauvage, crispante également, que nous venions de vivre, changement de décor, nous voici dans une suite de vallonnements, dans un site pastoral, forêts, chalets, tapis de fleurs multicolores, vert tendre et soutenu. Pour compléter ce paysage d'un autre monde, ces fameuses laitières aux yeux bien particuliers, on les nomme "les longs cils", aux robes havanes qui ont un nom: "Abondance". Tout cet ensemble donne à ce tableau campagnard, la paix du coeur et de l'esprit. On se sent transporté et nous roulons avec facilité et bonheur, l'air est léger, le long de ces petites routes parfumées qui nous conduisent au pied du col du Frêne, lui-même contenu dans un écrin de verdure qui se gravit assez facilement par rapport au fameux "Semnoz". |
Ensuite, nous basculons sur la combe de Savoie, avant d'atteindre Albertville, la cité olympique. Cent kilomètres sont parcourus. Nous avons été hébergés confortablement et un copieux dîner, bien adapté et recherché pour nous les "sportifs" nous a été servi. Après une bonne nuit, la ruche s'éveille, nous quittons Albertville encore endormie. Nous roulons dans la vallée du Beaufortin, le ciel est clair le soleil sera présent tout au long de cette grande et chaude journée. Elle s'annonçait belle, elle le fut ! Une route en corniche aux échappées multiples et variées, nous progressons en direction du col des Saisies qui culmine à 1633 m, grimpée longue et régulière qui nous emmène au troisième contrôle, où un ravitaillement copieux et varié nous fut servi. L'assistance technique était présente également pour le bonheur de certains. Puis ce sera une longue et belle descente bien dessinée, en direction de Notre-Dame-de-Bellecombe, les gorges de l'Arly et la traversée de Flumet. Ensuite la route s'élève progressivement vers la Giettaz avant de se dresser sous nos roues dans un site grandiose en lacets vertigineux vers le sommet du col des Aravis qui culmine à 1498 mètres d'altitude. De ce côté-ci, il est impressionnant et demande un "plus" d'énergie, en fin de parcours, ce n'était pas évident... Enfin la récompense est là devant nous : ce balcon face au majestueux Mont Blanc et sa chaîne étincelante de 4000 mètres, il parait si près ! Ce quatrième contrôle permet à chacun de se refaire une santé, c'est avec regret que l'on quitte ce col, où se mêle la beauté sauvage bucolique, où les yeux sont en contemplation constante, le paradis en quelque sorte ! La réalité refait surface, il est l'heure de se lancer dans une magnifique descente vers la célèbre station de la Clusaz. Le dernier obstacle se présente à nous avec le col des Fleuries, un lieu très calme, très vert, à l'écart de la gent automobile, tapissé de mille fleurs, un col qui porte bien son nom, entre la Roche sur Foron et Thorens les Glières. Le temps de se désaltérer, heureusement que l'eau ne manquait pas tout au long du parcours, car la chaleur était très éprouvante, le goudron fondait... et en selle sur les dernières bosses d'Aviernoz et de Sur-les -Bois, avant de se précipiter sur Annecy4e-Vieux et l'arrivée. Dans une ambiance joyeuse, c'est la fête, pour ma part, j'étais comblé, j'avais réalisé mon rêve... Brevet dur comme tous les brevets cyclomontagnards, mais si beau, qu'on oublie vite la fatigue. Un grand et sincère bravo et remerciements aux organisateurs de cette magnifique randonnée. Ils se sont dépensés sans compter pour notre bonheur à tous. Organisation parfaite, longue vie à ce superbe Circuit des Aravis ! P.S : Le prochain Circuit des Aravis aura lieu les 27 et 28 Juillet 1996. Robert TRESCAZES N°3245 MANDUEL (Gard) |