J'sais pas vous mais moi, je découvre chaque revue des "Cent Cols" comme un gourmet aborde la dégustation d'un plat rare et savoureux. Pensez ! Une édition par an, ça ne s'empiffre pas. Je me suis, depuis le début, fixé une règle : pas plus d'un article par jour. Dame ! S'agissant le plus souvent de la relation d'ascensions gigantesques ou de séries d'escalades, c'est un moindre respect que l'on doit aux auteurs de ces textes. D'habitude, j'attaque la lecture des journaux en partant de la dernière page. Je fais une exception pour la revue où je commence par les éditoriaux qui me replongent dans l'ambiance de la Confrérie.Ensuite, je m'en vais directement au tableau d'honneur. Non ! Je ne me précipite pas sur ma modeste place, pour savoir si (au moins !) mon nom n'aurait pas été oublié. Non, je commence par l'élite, le Top, le Topo, le Guide, le Maître, les N°1, the Number One of USA, etc. Leurs performances me font rêver. Ils sont d'un autre monde que le mien, gravissant en une année le double de difficultés nouvelles que je n'en ai franchies en dix ans de cyclotourisme. D'ailleurs, si je ne connaissais l'un deux, mon ami de Club Raymond, aussi agréable compagnon de route que bon conteur d'histoires, aussi à l'aise dans l'humour que sur les pentes de Superbagnères avec son 50 dents suppléant les plateaux moindres ce jour-là défaillants, si je ne connaissais celui-ci disais-je, j'en viendrais à douter que de tels sommets soient humainement accessibles. Autrefois, les grands Maîtres étaient en fin de liste : le Tableau était pour eux l'escalier de la gloire.Maintenant, ils sont en tête : ça ressemble plus à un classement. Peu importe, il faut de toute façon tourner les pages pour aller voir ensuite où en sont les amis qui me ressemblent plus. Nous quittons la compagnie des Dieux pour le voisinage des plus humbles. Un peu devant moi, un peu derrière, la position de figures connues varie suivant les années. C'est l'occasion de prendre des nouvelles, de voir si la motivation est toujours intacte. Il y a aussi les inconnus, ceux dont on peut imaginer les difficultés quand ils sont basés loin des massifs montagneux, ceux qui avancent en âge, qui ont été mes voisins dans les débuts mais ne progressent plus. Il y a enfin les étoiles montantes qui sont parties pour une belle carrière. Voisins de palier provisoires, on les retrouvera peut-être au sommet dans quelques années. c'est ainsi que mon attention est attirée en 1993 par un joli nom accolé au mien : Isabelle QUIRY. |
J'sais pas vous mais moi, je trouve qu'un nom ça parle. Ainsi le mien (Menou) : les Bretons y verront une racine de pierre, "men" comme "menhir", et ils auront raison : il y a, pour ce motif, beaucoup de Menou en Bretagne, dans l'ile de Sein par exemple. Pourtant, en ce qui me concerne, ils auront tort : le gascon Menou dérive du latin "minor" qui a aussi donné le français "mineur"? Oui, un nom ça parle. Quiry vient probablement du prénom Quirin, lui même issu de Quirinus qui n'est autre, je viens de l'apprendre, que le nom divinisé de Romulus, le fondateur de la Rome antique. N'empêche ! Même si on fait abstraction du côté olympien, un nom pareil, me dis-je, ça ne doit pas être facile à porter. Le prénom, déjà, avec sa syllabe "belle", n'est pas neutre (les Maxime et les Bruno sont confrontés au même problème : gare à la taille ou à la couleur des cheveux). Quant au nom, hou là là ! Le phonétique Quiry ne vous autorise pas la moindre grimace dans un col difficile ou le plus petit quart d'heure de blues, même s'il vous reste deux difficultés à franchir et qu'une pluie glaciale vous tombe sur les reins. L'année passe. J'ai depuis belle lurette oublié ce voisinage sympathique au rang 139, quand en 1994, surprise ! La Centcoliste au nom joyeux a progressé au même rythme que moi et nous nous retrouvons col à col (traduisez "côte à côte") sur la 152 ème marche. Hasard extraordinaire, cas des cols (traduisez "d'école"). Le hasard ne s'est pas reproduit et, tout à fait normalement, la logique a repris des droits ; une année, notre consoeur a fait du surplace ; une autre, c'est le signataire de ces lignes qui a traversé trop de BPF et pas gravi assez de cols nouveaux. Bilan sur le tableau 96 : il accuse 13 points de retard sur son ex-voisine de palier. J'sais pas vous mais moi, je n'ai pas toujours le courage ou les possibilités d'aller chercher de nouvelles routes d'altitude. Mais là, quand même, je me suis dit que, pour un Pyrénéen du Piémont, j'étais en dessous du présentable. Alors, oui, je l'avoue, grâce à un joli patronyme du Tableau d'Honneur, j'ai changé mes habitudes et, de cueilleur de cols que je suis d'ordinaire, je me suis transformé un peu (si peu !) en chasseur. Et j'attends la parution de la revue 97 avec sérénité. Bernard MENOU N°3451 de JURANCON (Pyrénées-Atlantiques) |