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Le Mont Ventoux

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Un groupe de copains du Club a décidé de découvrir les environs du Mont Ventoux en intégrant bien sûr dans son périple, le Géant de Provence, le bien nommé.

Le départ a lieu dans la charmante cité de Beaumes de Venise, de quoi mettre du baume au coeur des participants, village presque accroché entre les dentelles de Montmirail et les flancs du célèbre Mont Ventoux, qui, malgré ou grâce à l'énorme difficulté que présente son ascension, constitue un haut-lieu (très haut..., à 1912 mètres à son sommet !), incontournable pour toute sortie cyclo effectuée dans ses parages.

De par sa réputation légendaire, ce Géant, aux flancs arides et escarpés, mérite quelques rappels historiques :

La première route à avoir entamé son sol inhospitalier, a été ouverte en 1882, pour permettre d'accéder, depuis Bédoin, à l'observatoire météorologique implanté à son sommet. En 1932 était ouvert un deuxième accès, par Malaucène, c'est-à-dire sur son versant Nord.

Sur l'un ou l'autre versant, on passe en 21 km de 310 ou 365 mètres à 1912 mètres d'altitude. C'est dire la dénivellation brutale que le chroniqueur local Louis Nucera illustre en écrivant à propos du Ventoux "que, s'il a les pieds dans le Vaucluse, sa tête se balade entre Arctique et Antarctique ", du fait de la présence de la flore polaire que l'on rencontre à son sommet.

Selon ce même chroniqueur, l'origine du mot Ventoux ne fait pas l'unanimité : pour certains, ce nom serait tout simplement dérivé du mot vent qui honore souvent de sa présence ce sommet ; pour d'autres, le Ventoux trouverait sa racine dans le mot gaulois "Vintur" qui signifiait VICTOIRE.

Les cyclos, sans contester la présence oh combien ressentie des multiples vents qui balaient ce sommet, préféreront retenir la dernière origine, vu le symbole de victoire lié à la somme d'efforts que représente la conquête de ce Géant.

Il fallut attendre 19 ans après l'ouverture des deux routes de franchissement, Sud et Nord, pour voir le 22 juillet 1951, le premier Tour de France escalader le Ventoux, Lucien Lazaridés en tête, suivi de Bartali et Géminiani (des noms toujours présents aujourd'hui dans les mémoires). Depuis, le Ventoux a été le théâtre de nombreuses et parfois cruelles pages du Tour de France.

Nombreuses, parce que depuis 1951 le Tour est passé ou a fait étape au Mont Ventoux 11 fois, cruelles en se remémorant la fin tragique du coureur britannique Tom Simpson sur les flancs dénudés, à 2 km du sommet, dans le Tour 1967. Aujourd'hui, sur cet emplacement, s'élève une stèle de granit érigée à la mémoire de celui qui fut le premier coureur britannique à porter le Maillot Jaune dans le Tour de France, en 1962, à l'âge de 25 ans, avant de devenir Champion du Monde en 1965 et de remporter le Paris-Nice 1967.

Passant devant cette stèle, arc-bouté sur son vélo, tout cyclo qui a souffert sur les 20 km d'ascension précédents, mesurant la difficulté de se hisser jusque là et imaginant l'âpreté de la course sous la chaleur du 13 juillet 1967, ne manque pas de se découvrir ou d'avoir un regard ou un geste de recueillement en direction de ce monument où d'autres ont déposé en hommage, leur bidon, leur boyau, leur casquette ou autre objet souvenir faisant partie de l'équipement du cycliste.

De glorieuses pages du Tour ont aussi été écrites sur ces 21 km du Ventoux :

En 1987, Jean-François Bernard couvrait les 36,5 km séparant Carpentras du Mont Ventoux en 1 h 19 mn 44 sec. Les seuls 21,6 km d'ascension pure entre Bédoin et le Ventoux ont été couverts en 1958 par Charly Gaul en 1 h 02 mn 09 sec.

Laissons donc à l'histoire du cyclisme ces performances, et revenons plus modestement à notre sortie qui, même si elle nous offre l'honneur de fouler du pneu le même sol que nos idoles, ne présente tout de même pas les mêmes caractéristiques.
La vingtaine de km de plat jusqu'à Bédoin, nous a offert l'occasion de dépou-ssiérer un peu les chiffres du compteur de vitesse.

L'ascension des Gorges de la Nesque, dans un décor magnifique sur lequel nous aurions aimé attarder le regard et l'objectif, a certes ralenti le défilement des chiffres du compteur, mais s'est effectuée tout de même à un train honnête ne préparant pas particulièrement à attaquer dans la foulée le col de N.D. des Abeilles.

Au sommet de celui-ci, le premier ravitaillement réparateur, solide et liquide, intervient. Il est aux environs de midi, et la chaleur se fait sentir. Après un ravitaillement rapidement pris, un deuxième réconfort se présente sous la forme de la descente du col jusqu'à Flassan.

Ici, se termine le dessert, consommé avant le plat de résistance. En effet, après avoir retrouvé le village de Bédoin que nous effleurons, est abordée la route du Ventoux, où un panneau assassin nous indique : le Ventoux 21 km.

Ceux qui connaissent savent à quelle sauce pimentée va se déguster le plat de résistance précité.
Les six premiers km constituent une phase préparatrice lors de laquelle peuvent être prises les dernières dispositions d'ordre alimentaire ou autre, car dès la sortie du célèbre virage de St.Estève où le restaurant réputé ne retiendra (hélas) pas notre attention pour aujourd'hui, le profil de la route qui se dresse devant nous ne laisse plus douter que c'est bien la direction du Ventoux.

Au fil des kilomètres, qui s'égrènent lentement, les bas-côtés se meublent par la multiplication des haltes : certains se désaltèrent, d'autres tentent de retrouver quelque énergie, d'autres encore se détendent dans l'herbe ou traitent une crampe,... ou capitulent.

Les connaisseurs du parcours savent que l'ascension du Ventoux exige un effort intense et soutenu, sans la moindre portion de répit. Le seul arrêt que nous nous tolérerons (et il sera réconfortant), sera celui prévu au Chalet Reynard assorti d'un ravitaillement bien venu. Cet emplacement en effet, situé sur une vaste plate-forme, sera la seule portion plate du parcours qui nous permettra de repartir correctement (elle mesure au moins 50 mètres!).

Le dernier tiers de l'ascension, cette zone désertique où les pierres blanchâtres ne laissent pas la place à la moindre trace de végétation, s'effectue à l'énergie, comme les deux tiers précédents. La particularité de cette portion est peut-être de saper le moral des cyclos non avertis, dans la mesure où l'on aperçoit d'ici l'observatoire du sommet si près que l'on croirait pouvoir le toucher.
Or la consultation du compteur confirme qu'il ne s'agit que d'une illusion, car le sommet est encore à 6 Km.

Ils se dérouleront au même rythme que les 15 précédents, dans la même sereine difficulté. Au passage, environ 2 km avant le sommet, nous saluerons la stèle à Tom Simpson, citée plus haut, et les comptables de cols enregistreront le franchissement du col des Tempêtes puis nous en terminons en négociant le dernier kilomètre, difficile, mais ponctué par le dernier virage à droite encourageant qui conduit au 1912 ème mètre d'altitude.

L'ascension du Mont Ventoux aura constitué la pièce maîtresse de notre sortie. La descente sur Malaucène n'est plus qu'une formalité rapidement satisfaite, le compteur étant beaucoup plus généreux dans ses indications qu'il ne l'était dans la montée.

De Malaucène, il nous restera à avaler le petit col de la Chaîne (469 m d'altitude) avant de rejoindre Beaumes de Venise au terme de 132 km. Dès l'arrivée l'ambiance est à la satisfaction d'avoir vaincu ce géant, le Géant de Provence, et c'est ici que l'on se prend à partager l'interprétation selon laquelle VENTOUX peut bien avoir sa racine dans le mot gaulois.

"VINTUR" qui signifie VICTOIRE !

Robert CARTIER N°2966

de SAINTE MAXIME (Var)


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