Un premier séjour familial en Haute-Savoie en août 1991, nous avait permis de découvrir le plateau des Glières, haut lieu de la Résistance, propice au recueillement quand ce n'est pas à la ... cueillette : les habitants de la vallée ne dédaignant pas d'y monter faire le plein de champignons. Tout là-haut, culmine le col des Glières, à I440 mètres : une simple formalité à gravir... quand on a , au préalable, escaladé les 11 km du col du Collet, dont les 7 derniers offrent une pente redoutable de 8,9 % de moyenne, supérieure à celle des Galibier, Alpes d'Huez et autre Tourmalet ! La montée en voiture sur une route ombragée et virageuse, au revêtement impeccable, nous donnait déjà une idée de la difficulté : "Tu serais pas capable de monter ça" lança Karelle, 11 ans , à Yohann, son frère aîné cyclo 14 ans. Cette remarque aigre-douce eut le don de piquer la fierté de celui-ci : il consacra ses deux sorties suivantes à peaufiner son entraînement dans le but avoué de relever le défi et de "se faire" le collet. Nous étions un lundi matin. Papa avait besoin d'une sortie tranquille pour se remettre de la Chartreuse, une cyclosportive dont il était venu à bout, avec ses 6 cols, dans le magnifique massif du même nom, le samedi précédent.Il emmena donc Yohann avec lui et, sans rien dire, ils arrivèrent à Thorens-Glières, au pied du col. Pas fou, le garçon : "On fait pas le Collet aujourd'hui ? - On va juste essayer, histoire de voir jusqu'où tu peux déjà grimper." Il fallait bien éviter le stress ! Les 4 premiers kilomètres sont de la rigolade, mais dès qu'on tourne à gauche à la pancarte indiquant "Col du Collet - 7 km", on rit jaune, on grince des dents, le dérailleur aussi ; c'est d'emblée 9 % et ce sera la dose minimum jusqu'au sommet, sauf au répit de 7 % aux 2/3 de l'escalade. Le "Tout à gauche" s'impose aussitôt, à savoir un 28x23 que Yohann ne quittera plus et qui nécessitera même des relances en danseuse, de plus en plus fréquentes au fil des hectomètres - ne parlons pas des kilomètres qui n'avaient jamais défilé aussi lentement - ! Bref, si l'on ose dire, à force de sueur, de questions sur la distance restante, d'une grosse dose d'obstination et de courage, Yohann se disant que tant qu'à faire d'en avoir déjà autant bavé, autant poursuivre, parvint au bout de l'escalade. Le Collet monté, ils s'offrirent les Glières en dessert. Au retour, ce fut papa qui rapporta la performance du fiston. Karelle admit l'évènement mais ne s'avoua pas battue : |
"Si tu l'as fait, moi aussi, j'y arriverai bien ! - Il faudrait d'abord que tu roules un peu plus ! Allez, je te donne 5 ans pour le faire. - 5 ans ? Ca me fera 16 ans maximum. Hmm ! Allez, d'accord. Qu'est-ce qu'on parie ?" Du coup, le défi changeait de camp. Quant aux parents, témoins attentifs, ils n'avaient plus qu'à décider de revenir un jour dans le secteur ! En attendant, ils habitaient toujours en Anjou, où Karelle roulait quand cela lui disait. Les cols y sont d'ailleurs rares même si on déniche de belles grimpettes (les participants de la Semaine Fédérale 96 ne démentiront pas ). Mais elle y pensait toujours : l'âge et la taille venant, en 94, elle récupéra le vélo de son aîné et escalada ses premiers cols du côté de Font-Romeu. Ce fut l'Ain, au pied du Grand Colombier, qui fut choisi comme théâtre des vacances 96... 5 ans après la Haute-Savoie toute proche. Pendant la première semaine, après le 15 août, tout le monde pédale : le père et Yohann pour préparer la Megève - Mont-Blanc et essayer ensuite d'entrer dans la confrérie des Fêlés du Grand Colombier, le jeune frère pour gravir son premier col et Karelle pour s'attaquer au Collet (et n'oublions pas la mère qui encourage tout son monde). Après une montée en régime progressive, Karelle fut bientôt jugée prête pour effectuer sa tentative. Le jour dit, toute la famille se transporte à Thorens-Glières. Yohann part seul et ne fait qu'une bouchée du col jugé si fameux 5 ans plus tôt. C'est Karelle que papa accompagne cette année, entrant rapidement dans le vif du sujet après les 4 premiers km de mise en jambe. La difficulté de cette ascension, c'est sa pente élevée ; son intérêt, c'est sa régularité. Alors, ça se passe dans la tête : "Si j'ai fait 1 km, je peux bien faire le suivant." Le tout est de trouver le tempo approprié et de le conserver. Papa veille, se trompant dans les distances à cause d'un compteur défectueux : ils devraient être en haut qu'ils abordent tout juste le passage de léger répit ! Qu'importe, la fille est aussi obstinée et têtue que le garçon. Comme lui, sans mettre pied à terre, elle se hisse au sommet du redoutable col. Détail : elle fait tellement de vélo qu'elle ne sait pas se mettre en danseuse : ces 7 km à 8,9 %, elle les avale finalement sans lever les fesses de la selle. Tous deux ont gagné leur pari : la montagne "ça vous gagne", ça se gagne aussi. Mais rassurez-vous, même s'ils ont le Collet monté, cette petite aventure sportive ne leur est pas montée à la tête. Yannick HINOT N°3759 de MAZE (Maine et Loire) |