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Tableau d'horreur 1996 ! (Où sont mes Cols Passés ?)

Revue N° 25 Page 63

Ô rage,ô désespoir, ô vieillesse ennemie,
N'aurais-je tant vécu que pour cette infamie ? "Corneille, Le Cid"

Membre du Club des Cent Cols dès sa création sur invitation personnelle de Jean Perdoux, j'étais jeune et j'habitais sur la Côte d'Azur, là où l'on ne peut sortir à vélo sans grignoter un col ou deux dans la matinée.

C'était l'heureux temps où je cueillais tous les cols des Alpes grâce à la complicité de mon épouse, marcheuse et non cycliste, qui aimait la montagne, et a un camping-car à l'époque où ces engins étaient rares, en général des VW avec des plaques TT et en général habités par des étrangers d'outre-océans qui visitaient l'Europe.

Lors de mes voyages en avion de Nice à Paris, je m'asseyais toujours à droite près d'un hublot pour avoir le plaisir de revoir d'en-haut tous les cols que j'avais escaladés d'en-bas, et jusqu'à Grenoble, il y en avait peu que je ne reconnaissais pas.

Pendant plus de vingt ans, nos vacances furent passées à glaner des cols avec des années fastes (135 nouveaux cols en 1977), d'autres étiques (3 en 1971 où je relevais d'une méchante opération du genou), avec une moyenne de 63,6 cols par an, mais toujours en France, notre si beau pays. Une année, quand-même, nous avons été faire l'Etoile Alpine en Suisse, seule escapade "colite" à l'étranger.

1980 nous vit déménager pour la région de Bordeaux. Ce n'est certes pas une région abondant en cols (autres que ceux de bouteilles) et si, au début, j'ai parcouru les Pyrénées si chères à Pierre Roques, je me suis attelé à réaliser un rêve de longue date, l'intégrale des Brevets des Provinces Françaises, glanant au passage quelques cols isolés dans le reste de la France, projet que j'ai terminé à ma grande satisfaction en 1993.

C'est ainsi que des dix premiers dans le classement de 1978 j'ai glissé progressivement à la 77e place au classement de 1995 avec 1424 cols, très loin de mes chers ami Michel Verhaegue dont j'admire les prouesses, Michel de Brebisson, François Rieu, René Poty et je m'arrête là, car j'en connais tellement.

Mais je n'abandonnais pas le Club des Cent Cols, car la retraite étant arrivée, je me suis attaqué à la saisie sur mon ordinateur du "Catalogue Chauvot" et de ses onze additifs, ce qui a permis la publication des "8500 Cols de France".

En 1995, les BPFs terminés, la "colite" me reprend et, compte-tenu de l'état de mon genou, je décide de "finir" les régions où il me reste quelques cols non faits, soit parce qu'ils étaient trop à l'écart de mes balades précédentes, soit qu'ils étaient "nés" entre-temps. J'ajoutais ainsi 124 nouveaux "petits" cols à ma collection. Par contre, je n'ai pas pu respecter la règle du jeu n°3, à savoir les 5 % de plus de 2000m ; j'aurais donc compris si on m'avait "figé" au chiffre de l'année précédente, c'est-à-dire les 1424 cols du classement 1995 (encore que déjà là il y avait une petite entorse à la sacro-sainte règle n°3).
Je reçois la revue 1996 et que vois-je ? : non seulement n'a-t-on pas tenu compte de la liste que j'ai envoyée, mais on m'a rétrogradé ! on m'a enlevé 25 cols par rapport à l'année précédente !

Je suppose qu'entre-temps l'oncle Henri a affiné son programme informatique pour qu'il gomme automatiquement les cols qui dépassent la règle des 5% mais même là, il y a un bogue dans son programme car mes 66 cols de + 2000 ne "m'autoriseraient" que 1320 cols et il en affiche maintenant 1399!

Plaidoirie

Il y a 1985 cols "routiers" en France, d'après "8500 Cols en France" mais seulement 24 plus de 2.000, soit 1,2 %.
Parmi les membres et les candidats éventuels à notre Confrérie, il y a des cardiaques, des arthritiques, des unijambistes, des manchots, des personnes aux ressources modestes qui ne peuvent aller à l'étranger, mais qui tous rêvent de grimper des cols à leur mesure.

Je propose donc que la règle n°3 soit modifiée en ces termes :
"Aucune altitude minimum ne sera imposée, mais une obligation, celle de présenter au moins 5 cols de plus de 2000 mètres pour être admis au club. Par la suite, il est recommandé, dans la mesure du possible, de respecter une proportion de 5% de cols de plus de 2.000 mètres."

De grâce, frères et soeurs, nous sommes des hommes ("terme générique qui embrasse la femme" a dit je ne sais plus qui), des êtres de chair et de sang, d'émotions, d'inspirations et d'envolées lyriques, mais qui, hélas, vieillissons aussi ; ne nous laissons donc pas dicter notre conduite par un ordinateur qui n'est jamais qu'une machine dépourvue de toute sensibilité humaine, qui ne sait même pas ce qu'est un col, encore moins l'effort nécessaire pour le gravir, et ignore tout de la satisfaction éprouvée au sommet.
Bons et heureux cols à tous en 1997 !

Philippe MEYER N°84

de LEOGNAN (Gironde)


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