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Kardung-La, le Toit du Monde

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Nous avons vu la voie lactée et l'Etoile polaire... Peut être même le Ciel ! En haut dans l'Himalaya tibétain, nous avons découvert un autre monde, d'une beauté inimaginable ! Les beautés de la nature au dessus de 4000 ne peuvent être comparées à rien d'autre sur cette terre. Les images de la chaîne de montagnes la plus haute du monde sont gravées dans nos mémoires à tout jamais.

Le fait d'avoir pu y rouler en vélo pendant deux semaines signifie la réalisation d'un rêve. Quinze ans après les plus hauts cols des Andes, nous avons monté le col praticable le plus haut du monde : le Kardung-La - 5602 m de hauteur! A 12 heures 40, nous nous trouvions sur le sommet devant le tableau qui, pendant des années, paraissait inaccessible, c'était si éloigné. Émus, nous lisions les mots " Le chemin praticable le plus haut du monde - altitude 18380 pieds..."

Nous avons été en route au moins pendant cinq heures afin de mener à bon terme la longue montée à partir de Leh. Pendant ces cinq heures, nous avions monté un peu plus de 2100 mètres. Dans l'Himalaya, tout semble être infini, même intemporel. Pendant des milliers d'années, rien n'a changé. Les distances sont immenses. Tout semble tout près et en même temps très loin. Au sommet, nous ne nous rendions pas encore compte de la grande prestation sportive que nous avions réalisée. C'était un moment inoubliable! Ce n'était que lors de la descente, lorsque nous laissions derrière nous le Kardung-La probablement pour toujours, que nous nous rendions compte quel chemin énorme nous avions parcouru. A ce moment-là, nous voyions la grandeur des pierres et la profondeur des puits et des fentes au-dessus desquels nous montions. Les bandes de sable et l'eau sur la route rendaient la piste à certains endroits pratiquement impraticable. pendant la montée, nous n'avions pas pu bien estimer la profondeur des gouffres sans fond. A ce moment-là, ils nous exhortaient à l'extrème prudence. Les sommets enneigés hauts de six à sept mille mètres autour de Kardung-La rendaient cet environnement encore plus impressionnant. De temps en temps, nous nous arrêtions pour nous imprégner des grands panoramas. On ne parlait pas beaucoup dans le groupe. Les mots ne conviennent pas dans cet environnement. Ici, le silence absolu règne. De temps en temps, ce silence est interrompu par des camions hurlants, usés, qui se frayent un chemin montant difficile en traînant derrière eux une fumée noire et beaucoup de poussière.

La randonnée mountain bike à travers Ladakh, au nord de l'Inde, était naturellement beaucoup plus spéciale que la montée de Kardung-La. Coincé entre la Chine et le Pakistan, on appelle Ladakh, la ligne de feu la plus haute du monde. Il y a tout le temps des mouvements de troupes qui luttent pour maintenir la frontière avec le Pakistan (Kasmier) et la Chine (Tibet) là où elle se trouve. Sur la carte, cette frontière est d'ailleurs un pointillé, parce qu'elle change tout le temps. C'était le terrain où huit Flamands et un Néerlandais ont cherché l'aventure à vélo pendant deux semaines au mois d'août. Puis, il fallait encore une semaine pour visiter Delhi et pour retourner à la maison. Mais ça, c'est une autre histoire.

La randonnée proprement dite a commencé le 12 août à Leh, pratiquement la "ville" la plus importante de Ladakh, située à une hauteur de 3500 mètres. C'est à partir de cette ville que la plus grande partie des expéditions dans l'Himalaya prennent le départ. En dehors des expéditions à pied ou en jeep, l'expédition à mountain bike a été ajoutée à la liste depuis l'année passée. C'est une formule qui jouit déjà d'un intérêt suffisant. Cet été, les groupes se sont suivis au bureau d'expédition local. Des Australiens, des Autrichiens, des Néerlandais, des Suisses, des Belges... Il n'y a pas plus international que ça.
Angchuk et son équipe s'occupe du séjour et de l'accompagnement des groupes. Sans eux, c'est presque impossible de se déplacer dans l'Himalaya. Cinq régions sont toujours terrain interdit pour des étrangers, sauf en cas d'autorisation écrite des autorités militaires. C'est Angchuk qui s'en occupe ; ce sont également eux qui montent les tentes et qui servent des repas chauds deux fois par jour. Ces repas sont bons, tout comme le petit déjeuner complet et le thé chaud au réveil. Lorsque nous écrivons que l'expédition à travers l'Himalaya est la plus belle expédition que nous n'avons jamais entreprise, nous le devons en partie au groupe de sherpas. Ils étaient toujours à notre disposition, même pour nettoyer nos vélos!

Rouler huit cents kilomètres à travers l'Himalaya est une tache très lourde pour le physique. Toute l'expédition s'est déroulée entre 3150 et 5600 mètres et, si étrange que cela puisse paraître, personne n'a jamais eu de problèmes de respiration ni de maux de tête. Heureusement. D'aucuns ont néanmoins roulé quelques jours avec la diarrhée, mais c'est tout à fait normal lorsqu'on voyage dans ces régions. Nous nous y étions préparés médicalement. Rouler huit cents kilomètres à travers l'Himalaya veut dire vivre une expédition remplie de panoramas surprenants et de contrastes énormes.

Avec des déserts et des plaines de sel, avec des montagnes sulfureuses et des geysers à une hauteur de 4500 m. Avec des lacs bleu-vif entre les sommets enneigés. Avec des montées de beaucoup de kilomètres sur du "offroad" noir vers la satisfaction suprême sur les cols. Avec les panoramas incomparables sur les vallées de l'Indus et du Zanskar.

Avec la pauvreté dans les villages de montagne et les conditions de vie terribles des peuples nomades et des constructeurs de routes. Avec des gens aimables et des chauffeurs de camion klaxonnant. Avec des enfants mendiants, en haillons, "a pen, sir?". Avec des visites aux temples et aux mosquées, la confrontation avec d'autres religions et coutumes. Les bouddhistes, les hindous, les musulmans et les chrétiens semblent pouvoir y vivre ensemble sans problèmes. Les Irlandais peuvent encore apprendre quelque chose de la population indienne.

Rouler huit cents kilomètres à travers l'Himalaya signifie voir passer en-dessous des roues 400 kilomètres de routes asphaltées et 400 kilomètres de routes "offroad". Il y a aussi les traversées impressionnantes sur le Fortu-La (4094 m), le Namshang-la (4800 m), le Polo Konka-La (4900 m), le Taglang-La (5317 m) et le Kardung-La (5602 m). Les deux derniers sont les cols praticables les plus hauts du monde. Nous avons fait date.

Lors de la descente du Tagland-La, en route pour Meru, notre ami Roger a fait une chute grave. Il s'est cassé la clavicule gauche et, par peur de devoir rester à l'hôpital, il a continué avec cette fracture pendant une semaine.

L'aventure dans l'Himalaya est passée. La montée du Kardung-La restera probablement un point culminant dans notre vie à tout jamais.

Antoine De BORCHGRAVE N°1038

de DE PINTE (Belgique)


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