Connaissez-vous le col d'Andrion (Chauvot 06-215), à 1681 m ? Il ne conduit qu'à quelques baraques militaires reconverties en gîtes spartiates, admirablement exposés face au sud et à la forêt. Il est défendu, plus que relié, par une minuscule route à une voie, et la pente seule a dû justifier qu'elle fut asphaltée. Elle se termine en cul-de-sac, sauf à disposer d'un robuste VTT pour dévaler l'épouvantable piste qui la prolonge à l'est, et ceci à seulement 30 km de Nice à vol d'oiseau. Car l'ascension du col d'Andrion présente la particularité de commencer 230 m au dessus du niveau de la mer, soit une dénivelée de 1450 m. Ajoutez à cela une montée en deux moitiés, certes séparées par 5 km de plat, mais dont la deuxième vous propulse de 1050 m au col en 7 km, soit 9 % de moyenne. En résumé : 19 km de montée à 7,6 % moyens. Un tout petit peu plus long et plus haut que le Tourmalet depuis Luz St-Sauveur. Le Tourmalet, j'en revenais (Salut au cent-coliste que j'ai eu tant de mal à rattraper, le 6 août , dans le lacet du Garet, malgré ses bagages de randonneur !). Après avoir passé 15 jours en altitude, et roulé sur des pourcentages pyrénéens, je me sentais prêt à attaquer ce col d'Andrion qui me narguait depuis que j'en avais découvert le profil. Je partis donc un dimanche matin, laissai ma voiture en aval de la Mescla, le confluent du Var et de la Tinée, et en franchis les gorges en guise d'échauffement. Les premiers lacets me parurent faciles. Le paysage, varié, passait du bois à la caillasse à chaque virage. Bientôt un faux-plat fut atteint, annonçant le village de la Tour sur Tinée. Pourquoi le col qui lui donne accès n'a-t-il toujours pas de nom? (ici, parenthèse : à l'entrée de la Tour, réservez la déviation, au superbe tapis, pour la descente du retour, et choisissez la vieille route. Elle vous conduira à la place centrale du village, avec ses arcades et son église, ses ombrages et sa fontaine, la mairie et ses maisons aux trompe-l'oeil repeints de frais. Mettez pied à terre, imaginez-vous au XVIII ème siècle, et attendez de voir surgir d'une venelle des personnages de comédie italienne). Passé le col de l'Abeille (922m), puis la moitié du tronçon plat, la route serpente dans la forêt, et l'ombre est bienvenue tandis que le soleil monte. Le col, carrefour de pistes et de sentiers de montagne, est l'occasion de souffler, heureux d'avoir ajouté ce géant discret (aucun vélo croisé à l'aller ni au retour) à la liste annuelle que j'adresserai aux "Cent Cols". Quel sera le suivant ? Avec trois nouveaux "2000" pendant l'été, j'estimais avoir ma dose. Pourtant, le col de la Lombarde, un peu plus haut dans la vallée, et que j'avais gardé pour d'autres occasions, n'est pas loin. A y regarder de près, si l'on exclut l'approche en faux-plat sportif depuis St-Sauveur, la montée d'Isola village au col représente 1475 m sur 21 km, et ne semble pas plus difficile qu'Andrion. Bien sûr, je devrai me lever un peu plus tôt, et les premiers kilomètres d'escalade sont difficiles. Mais justement, c'est plus facile après. Et le Tour de France a fait étape à Isola 2000, à 5 km du col ; ce dernier est sur la frontière, avec un reste d'exotisme. C'est décidé, dimanche prochain je "me fais" la Lombarde. Ce qui fut dit fut fait. Oui, mais, sans les pauses que ménage le parcours d'Andrion, que ce fut long ! Si les deux premiers tiers furent avalés à bonne vitesse, à partir de la côte 1700 cela n'en finissait plus, sur des pourcentages kilométriques pourtant raisonnables, entre 5 et 8 %. Enfin le col, les grands espaces, la vallée de Santa Anna. Un graffiti signale en italien qu'un passant y a vu des loups, les fameux loups du Mercantour, qui sont de retour. Un superbe parcours, et un grand col, avant lequel il convient de faire amplement provision de sucres lents. Et après ? Là, sur la carte, un peu plus loin, non, pas en Italie, pas la Cayolle non plus (quel souvenir!) : là-haut, à gauche. Pas d'erreur, c'est le fond de la vallée, il n'y a plus que la Bonette. Non. Pas au programme. Trop loin, trop haute, trop mythique : la route dépasse le col et, à 2802 m, elle est la plus haute d'Europe !! Oui mais... La plus haute d'Europe ! Tous les cyclos rencontrés qui l'ont faite disent la même chose : "la Bonette, ce n'est pas difficile, sauf le dernier kilomètre à 10 %, pour lequel il faut garder des forces, parce que c'est long, très long..." Et puis, quid de la météo ? Ah ! En ce début septembre, ce sera encore le grand beau temps jusqu'à dimanche. Voyons le parcours un peu plus en détail : 26 km d'escalade, et 1660 m de dénivelée. C'est plus haut que la Lombarde, plus long. Mais au bout du compte la pente moyenne est plus faible; les passages difficiles, plus courts. |
Il y a de longs tronçons sans coupure jusqu'à Bousiéyas, le plus haut hameau habité du département. Mais ensuite, des lacets, un ancien camp de chasseurs alpins, et , mais oui, là, à côté, un col, à deux pas de la route, et un "plus de 2000 " s'il vous plaît : le col des Fourches; puis, pour patienter avant le sommet, le col des Granges Communes, 2513 m, puis le col de la Bonette, 2715 m, puis la cime ; et si je redescends un tout petit peu vers l'Ubaye, le col de Restefond m'attend au bord d'un chemin, à 2692 m, plus haut que le Galibier ! Quatre "2000" en 2 heures et demie ! La quasi-totalité du parcours dans le Parc National du Mercantour. Je ne laisserai pas passer une pareille occasion. Dans la voiture, le dimanche suivant, j'avais le trac, l'envie d'arrêter : et si je me faisais tout seul le coup de la panne ? Départ de St-Etienne de Tinée.Lentement d'abord, espérant arriver plus sûrement. Un peu de retard sur le tableau de marche à la première demi-heure pour cause de faux-plats entre les pentes, puis petit à petit, le rythme revient. Au hameau du Pra, une première halte me permet de profiter des passionnants tableaux d'explication du site, mis en place par le Parc, et qui complètent la promenade. Au col des Fourches, j'ai refait mon retard, et pour la première fois, je pousse à pied mon vélo sur un chemin pour pointer à un col, avant de rouler au pas 200 m sur un GR herbeux. Les jalons se multiplient sur la fin pour que le temps paraisse moins long. La stèle au général foudroyé, les cols, la cime de la Bonette. Très petit développement, et dernier coup de rein pour finir. A 2802 m, il y a des voitures, et deux cyclos arrivent peu après. Panorama à la hauteur de l'effort. Petit détour par Restefond, puis jusqu'au "faux col de Restefond", à 2650 m. Je ne l'ai pas trouvé au répertoire, pourtant c'est lui qui ouvre la voie de Barcelonnette : faux Restefond, sans doute, mais vrai col - et de cinq pour la journée! De là, part une belle piste vers le col de la Moutière (2454 m), qui rejoint la Tinée. J'étais tenté, mais j'eus pitié de mes pneus de 23, et peur d'y laisser plus que mes deux chambres de rechange. En les comptant tous, ce sont six cols routiers (ou presque routiers) qui se bousculent dans l'enchevêtrement des crêtes qui dominent les sources de la Tinée. Au bout de la descente, à l'approche de St Etienne, je tournerai à droite pour remonter jusqu'à St-Dalmas le Selvage, que je compterai désormais en vue du brevet des 100 villages des Alpes-Maritimes : qui sait si j'y reviendrai un jour ? En trois matinées, huit cols, dont six "2000 m" et cinq villages. Bernard LANGLADE N°4311 de CAGNES sur MER (Alpes Maritimes) |