Page 33 Sommaire de la revue N° 26 Page 35

A la recherche de plus de 2000 dans les Dolomites

Revue N° 26 Page 34

Les Dolomites ! nombre d'entre nous sont allés y faire tourner leurs roues. Parfois à leur initiative propre mais souvent sur la suggestion de Georges Rossini, l'inspiré créateur des raids Thonon-Trieste et Thonon-Venise.

La magie de ces montagnes de calcaire oh combien dissemblables de leurs soeurs alpines, reste permanente. Il semble bien que les Dolomites marquent à jamais celui qui les a fréquentées. "Il est passé par ici, il repassera par là !" Certes il n'y reviendra pas tous les ans, mais l'envie d'en reprendre le taraudera. Ces agrestes décors minéraux resteront en lui comme un besoin. D'autant plus que celui qui nous envoya sur les sites jadis étudiés par Dolomieu, ne pouvait nous les proposer tous. Ainsi le désir d'en savoir plus vient-il se superposer à l'idée de réviser son sujet. Au demeurant, tous les ans, le Giro d'Italia ne manque pas de nous remettre la puce à l'oreille. Occasion de remarquer qu'on ne connait pas tel col ou d'analyser que tel autre n'est qu'un voisin sans appartenance véritable aux Dolomites. Tout un chacun sait que le Stelvio n'en est pas. Pas plus que le Gavia. S'ils en constituent les marches, leur belle offre athlétique ne leur confère pas les caractéristiques géologiques désirées. Pour la raison simple qu'ils ne s'inscrivent pas dans le périmètre où s'est épanouie l'humeur verticale et déchiquetée que l'on sait.

Mon souvenir reste vif des Sella, Pordoi, Valparola, Giau, Tre Croci, Trois cimes du Lavaredo, pour les "alpins" de la classification Rossini. Mon émoi reste presque aussi fort pour les Lavaze, Costalunga, San Pellegrino, Valles et la Baïta Segantini, classés préalpins. Sur ma carte Michelin, tant pis pour celle du Touring Club italiano, pourtant au 200 000 ème ! je les ai surlignés en jaune. Puis, me saisissant d'un autre outil scriptant, rose cette fois, après m'être muni de quelques parcours chéris par le maillot de la même couleur, j'ai opéré un complément. Celui du devenir. Objectif particulier toutefois : ne sélectionner que des plus de 2000 mètres. Quitte à se déplacer, il fallait faire haut. En référençable ! N'est-ce pas, messieurs des 100 cols ? Mon choix s'exerça alors au nord et à l'est de Bolzano, là où pour des raisons historiques, la langue de Goethe prime celle de Dante. Pourtant, allez savoir pourquoi ! Je les nommerai tous en italien : Passi di Pennes, Giovo, Stalle, Erbe, Gardena, Fedaia.

Sans doute voudrez-vous en connaître la nature, les pentes et leurs pourcentages ? C'est l'objet de ces lignes. Qui ne vont pas tarder à devenir pleines de chiffres. Comme s'il existait une science du vélo en montagne !

Pennes (2215 m) Mon abord se fit de Vipiteno, connu aussi comme Sterzing, village plein de charme et offrant en août une formidable fête tyrolienne. C'était par un chaud après-midi. Comme Vipiteno se tient à 950 m l'on perçoit vite par différence la dénivelée. Il faut 15 km pour gagner ces 1265 m, soit une inclinaison moyenne de 8,5 % ce qui n'est pas courant. Sachons que la première pente est précédée de 2 km quasiment plats qui la mettent à cette distance du village. L'inclinaison est souvent redoutable et, de plus, sous l'angle d'attaque du soleil. Aussi souhaite-t-on trouver la fraîcheur de l'altitude.

Giovo (2099 m) Ce col est voisin du précédent mais il faut redescendre par la même voie pour s'en offrir les délices. Là encore, 15 km seront nécessaires pour atteindre le sommet. Ainsi 1140 m (seulement) à gagner, soit 7,6%. Le morceau est rude, mais l'on y sent moins de pénibilité qu'au Pennes. La route qui dessert Merano présente cependant l'inconvénient en été d'une large fréquentation.

Stalle (2052 m) Ce col est un passage frontalier avec l'Autriche. Son approche par Brunico s'entâche malheureusement d'une circulation excessive. A Rasun, où l'on change de route, pour les 23 derniers kilomètres, l'on reprend goût au vélo. Quelques rampes seulement durant les douze premiers kilomètres. Les choses sérieuses commencent vers Anterselva di M., vers l'altitude 1200 m. Si l'on a compté qu'il reste 11 km et 850 m à gagner, c'est bien. Mais il faudra déduire 2 km sans élévation, à hauteur du joli et couru lac d'Anterselva, ce qui densifie les pentes restantes. Peu après, s'ouvre une route étroite et réglementée : ceux qui montent ne peuvent croiser ceux qui descendent. Aussi, n'est-il accordé par un panneau qu'une tranche d'un quart d'heure par heure pour aller vers le site du col, distant de 4 km et vice versa. Lisez: les uns et les autres n'ont qu'une demi-heure au maximum pour négocier leur parcours. Mais s'ils s'engagent in extremis, il ne leur restera qu'un grand quart d'heure. Inutile de vous dire qu'en ce qui me concerne j'ai croisé des voitures descendantes. Bilan total de la difficulté : 9 km à quelque 9% séparés par moitié par le répit de 2 km. Bilan esthétique : c'est beau mais la véritable Alpe dolomitique reste à venir.
Erbe (2004 m ) Nous voici dans les vraies Dolomites. C'est au sud-ouest de Brunico. Les gars du Giro l'ont passé en 1996 après notamment le Stalle et avant le Giovo (235 km avec quelque 5000 m de dénivelée !) Mon propos sera incomparablement plus modeste. Ce col surprend. Il constitue même le plus gros obstacle de la série de six présentée ici. Ses valeurs ? il faut les analyser niveau par niveau, car on ne rencontre pas que des successions ascendantes. La distance de la base au sommet est de 14,8 km mais elle est entrecoupée de 2,8 km de descente, situation qui a pour effet de compacter la montée à 12 km. Alors que la dénivellation théorique de 900 m passe à 1100 m. Ainsi, compter 12 km à 9%. C'est appréciable si l'on tient compte de quelques rampes à 15%.

Vous ai-je dit qu'il faut s'élancer du village de San Martino in Badia ? Que les 1300 premiers mètres sont à 13% et que le village d'Antermoia, rencontré au passage, surprend par une rampe ( courte heureusement !) à 20% On se récompense au sommet par de véritables roches érodées et farouches comme on les recherche dans les Dolomites.

Gardena (2130 m) Passé à la suite du précédent dans l'après-midi, celui-ci ne s'apparente pas à un os. Son décor est sans doute le plus gratifiant du massif, face au Groupe de Sella et à d'autres merveilles sauvages. Son abord ? Des pentes douces permettent d'atteindre Corvara in Badia pour arriver à 1570 m. Ensuite après 1 km de plat il reste à gravir 8,5 km et à gagner 560 m d'altitude. Le ratio est de 6,6 % ce qui est raisonnable. De nombreux touristes aux sonores et fumantes automobiles nous partagent le lieu. Mais nous n'avons pas de raison d'en revendiquer l'exclusivité ! La descente qui mène vers les routes d'Ortisei ou du passo Sella peut rappeler, par ses aspects chaotiques et déchiquetés, la Casse déserte de l'Izoard.

Fedaia (2057 m) Une de ses routes d'accès prend son essor de Canazei, l'incontournable station du massif. La pente, elle, ne s'affirme qu'à la sortie d'Alba (niveau 1500 m). L'on peut alors être déconcerté par les indications de distance. Le col est-il à 8 km ? A 10,5 km ? En vérité, en matière d'ascension c'est la première mesure qu'il faut considérer. Il n'existait jadis qu'une voie, laquelle s'inscrivant au sud d'un lac en retenue, menait en plateau au synclinal, terme de la vallée suivante. Maintenant, la rive nord a accueilli une belle chaussée et l'on a posé le panneau du col à l'arrivée sur le lac, avec l'argument que l'altitude ne varie pas à ce niveau. Donc 8 km à 7%. A noter, au débouché du sommet, un tunnel non éclairé de quelques 500m.

Plus que le Pordoi, le Fedaia vient affleurer le glacier de la Marmolada. Le lac évoqué, du fait de la platitude et de la longueur de la route qui l'entoure - 5 km - est devenu une sorte de Longchamp d'altitude. L'on y voit des garçons tourner à vive allure, roue dans roue. Sur l'autre versant, pente non fréquentée par mes soins, il s'agit sans doute d'un tout autre exercice ! La carte indique 13 km d'ascension pour 1050 m d'élévation. On relèvera ainsi du 8% de moyenne, ce qui, compte tenu de l'irrégularité de la pente ne doit pas fournir un exercice facile.

Si l'on est intéressé par une escapade dans ce Sud Tyrol des plus de 2000 mètres, peut-être souhaitera-t'on un avis sur la hiérarchie du muscle et sur celle de l'oeil. En d'autres termes, quels sont les cols les plus ardus ? Mes jambes répondront : le passo di Erbe suivi du Pennes. Quels sont les sites les plus beaux ? Mon coeur viendra alors à parler, influencé toutefois par le temps et son humeur : le passo di Gardena devant le Stalle et l'Erbe. Le premier mérite même une manière d'arrêts sur images dans la descente ouest, tant les décors changent et sont plus grandioses les uns que les autres.

Monde à part dans le massif alpin, les Dolomites méritent assurément un traitement particulier et une visite en propre. Tout passage antérieur n'était qu'échantillon !

Jacques SERAY N°340

de VELIZY (Yvelines)


Page 33 Sommaire de la revue N° 26 Page 35